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Société Publié le mardi 22 décembre 2009 | Le Nouveau Réveil

Dr Ernest Atté Boka (porte-parole des syndicats de la santé) : “Le mot d`ordre de grève demeure en vigueur”

Le directoire des syndicats des personnels soignants a lancé un appel a ses membres pour respecter l`ordre de réquisition du chef de l`Etat. Dans cet entretien qu`il a bien voulu nous accorder, Dr Ernest Atté Boka, porte-parole des syndicats de la santé, donne les raisons de cet appel et précise que le mot d`ordre n`a pas été levé, et fait le point des négociations.

Dr Atté Boka, vous êtes le coordonnateur du mouvement de grève lancé par le corps médical. Où en sommes-nous avec ce mouvement ?
Nous avons, depuis le dimanche 20 décembre, eu des rencontres avec l`archevêque d`Abidjan et la 1ère dame, à leur demande. Au sortir de ces audiences, nous avons pris l`engagement de faire un pas d`apaisement. C`est en cela que nous avons appelé au respect de la réquisition.

C`est-à-dire ?
Vous savez très bien qu`il y a une réquisition qui avait été lancée contre tous les personnels de santé, qui sont en grève et qui demeurent toujours en grève depuis le vendredi dernier. Depuis cette date, cette réquisition n`est pas respectée par nos camarades. Pour donner gage de bonne foi à tous ceux qui interviennent dans la médiation, nous avons appelé nos camarades au respect de la réquisition. Et ce, pour voir jusqu`à quoi aboutir ces négociations. Est-ce que ces émissaires qui viennent vers nous peuvent mener les négociations jusqu`à terme ? C`est à cela que nous avons fait cet appel, juste pour observer.

Les négociations avec votre ministère de tutelle sont bloquées, avec le chef du gouvernement, le premier ministre Soro Guillaume, c`est pareil, avec le chef de l`Etat, c`est complètement bloqué. En quoi est-ce que l`archevêque et la 1ère dame peuvent-ils réussir la ou les autres ont échoué. Quel est le nouveau discours que vous ont tenu ces deux personnalités ?
Je voudrais dire que hier dimanche, (Ndlr : avant-hier dimanche) la coordination a été reçue par le ministre de la Santé publique aux alentours de 11h30. Nous avons eu à discuter. Pour nous, avec le ministre, les discussions n`ont jamais été arrêtées. Et nous sommes toujours disposés, les portes ouvertes. En rencontrant l`archevêque, il a donné un certain sens de sa démarche qui est au centre du Christ. Il nous a dit qu`il ne peut pas venir vers nous faire une démarche et nous trahir. Et que s`il nous trahissait, c`est tout ce qu`il incarne, qu`il trahit. C`est fort de tout cela que nous avons décidé de faire un pas en appelant au respect de l`ordre de réquisition. Mais déjà, avec la 1ère dame, nous avons eu à discuter, le jeudi soir. C`est au cours de ces négociations que nous avons appris les sanctions. Donc en nous rencontrant le dimanche dernier, c`était pour nous réitérer que ces accords que nous avons eus avec elle demeurent et ne changent pas. Il nous appartient de faire en sorte que les esprits se disposent bien pour régler les problèmes. Donc, c`est dans ce sens que nous avons donné ce que nous accordons actuellement, qui est le respect de la réquisition pour que les uns et les autres comprennent que nous ne voulons pas de bras de fer, que nous ne cherchons pas à narguer le gouvernement. Nous respectons la loi, mais nous demeurons toujours en grève.

Ce qui nous surprend un peu, c`est qu`au même moment où vous discutiez avec la 1ère dame, des sanctions sont prises contre vous. On a l`impression qu`il n`y a pas de symbiose entre la 1ère dame et son époux dans cette crise ?
Ce que nous pouvons dire, c`est que l`action gouvernementale est différente de celle de la 1ère dame. Nous ne pouvons pas nous immiscer au milieu de ce couple pour savoir quelle est la symbiose des prises de décisions. Ce que nous savons par contre, c`est que les sanctions sont tombées quand nous étions avec elle. Mais cela ne l`a pas empêchée de discuter avec nous. C`est pourquoi, le dimanche dernier, en la rencontrant, elle nous a rassurés que malgré les sanctions qui ont été prises, elle allait nous aider à ramener les choses à l`endroit. C`est dans ce sens que nous disons aussi que nous allons à l`apaisement.

De quoi dispose l`archevêque pour prendre des engagements vis-à-vis de votre mouvement ? En d`autres termes, est-il sûr que ses engagements seront respectés par le gouvernement ?
Quand un homme de Dieu vient vers vous, il n`est pas venu de lui-même, il a été mandaté. Dès l`instant où il vient vers vous et qu`il donne des assurances, c`est qu`il a des portes d`entrée et il sait ce qu`il peut faire. Parce que nous avons exposé tous les problèmes et il s`est engagé à y trouver des solutions. Discuter de façon directe avec le président de la république. Nos discussions se sont limitées au premier ministre et le blocage est là et demeure. Lors de la dernière rencontre avec le 1er ministre, il nous a dit que ses portes étaient ouvertes mais nous pensons qu`il y a une manière de les fermer. Les décisions prises lors du dernier conseil montrent bien que les portes sont en train de se fermer. C`est pourquoi, les positons se durcissent. Mais si l`archevêque peut, de bonne foi, faire en sorte que ces portes s`ouvrent, nous, nous sommes disposés.

Pensez-vous que ces portes-là peuvent être ouvertes d`autant plus que le chef de l`Etat, l`autorité suprême, lors d`une rencontre publique, a eu à déclarer que les grévistes n`auront pas un franc, un iota de plus que ce qu`ils ont. Et que lui est tenu par d`autres engagements ?
Nous disons que nous, syndicats, nous menons une lutte syndicale. Le gouvernement fait ses déclarations. Nous, nos problèmes demeurent. Il faut résoudre le problème des syndicats. C`est de la résolution des problèmes qu`il y aura la paix dans la santé. Ça aussi, il faut que le gouvernement le sache. On ne peut pas toujours dire qu`il n` y a pas les moyens et qu`on ne trouve pas les solutions aux problèmes. Pour nous, toute médiation qui vient, c`est pour aller dans le sens de la résolution des problèmes. Ce n`est pas dans le sens de nous donner des paroles et s`arrêter-là. L`apaisement définitif, c`est la résolution des problèmes. Tant qu`il n`y aura pas cela, la lutte continue.

Nous avons aussi appris que le gouvernement s`apprête à prendre des mesures pour vous remplacer. Un communiqué serait sur le point d`être diffusé dans ce sens ?
Nous disons que ce genre de procédure nous fait rire et sonne le glas du gouvernement. Les médecins, ça ne court pas les rues. Ils ne sont pas attachés quelque part où il faut aller les prendre. Aujourd`hui, nous qui sommes sur le terrain, sommes 4500. Où est-ce que le gouvernement trouvera 4500 pour nous remplace ?. Il ne faut pas qu`il fasse croire à la population qu`il y a possibilité de nous remplacer, il n`y en a même pas. Nous disons que c`est du bluff.

Avec les greffiers, cette menace a marché.
Peut-être que le greffier, on peut le former en deux jours. Mais un infirmier se forme en trois ans, un médecin se forme en 7 ans voir huit ans. A quel moment vont-ils les former et nous remplacer. Donc nous disons que c`est du bluff, que le gouvernement s`attelle à trouver des solutions que de lancer ses communiqués laconiques pour distraire la population.

Revenons à l`assemblée générale du jeudi. Qu`est ce qui a énervé le plus le corps médical ? Est-ce l`ordre de réquisition ? Qu`est-ce qui s`est passé pour que vous décidiez de reconduire la grève ?
Au cours de cette assemblée générale, lorsque nous avons fait le point des différentes négociations à l`assemblée, avec les garanties données par la 1ère dame, l`assemblée a montré des signes de satisfaction. Lorsque que nous sommes arrivés à l`analyse des sanctions, l`assemblée n`a pas apprécié et n`a pas accepté. Est-ce parce que c`est au moment où nous étions en discussion pour trouver des portes de sortie que tombent les sanctions ? Il est vrai qu`aujourd`hui, lorsque tu observes un arrêt de travail, tu peux avoir des retenus de salaire. Mais nous disons qu’en ce qui concerne les retenues de salaire, cette mesure est disproportionnée par rapport au nombre de jours de grève que nous avons observés. Pour cinq jours, on nous a coupé un mois de salaire. Ce sont donc les sanctions qui ont été la goutte d`eau qui a fait déborder le vase. Parce qu`en bloc, on rejette les sanctions et la réquisition.

Pourquoi avez-vous rejeté ces points?
Sur la réquisition, les camarades à l`assemblée générale ont estimé qu`on ne peut pas obliger un corps médical à travailler. De deux, quant aux mesures d`emprisonnement, nos camarades ont dit qu`ils sont prêts à aller en prison pour cela. Ils pensent que plutôt que de trouver des solutions aux problèmes, le gouvernement oppose des sanctions qui ne sont pas des solutions. Aujourd`hui, nous disons qu`il faut aller dans le sens de l`apaisement pour observer, pour voir jusqu`où l`autorité peut faire confiance aux syndicats et jusqu`où les syndicats peuvent faire confiance au gouvernement. C`est une perche que nous tendons, c`est une main tendue. Nous disons qu`il est vrai qu`il y a la loi et qu`il faut la respecter, mas il y a aussi que les décisions qu`on prend et les documents qu`on signe, il faut aussi les respecter. Il faut respecter sa signature. Quand on signe un document, il faut respecter sa signature. Il ne faudrait pas que le gouvernement soit toujours le premier à violer impunément les textes.

Les négociations entre le corps médical et le gouvernement ne datent pas d`aujourd`hui. C`était même avant vous…
Tous les personnels ont engagé les négociations depuis septembre 2007. Depuis cette date, les négociations ont abouti sur la revalorisation salariale par un accord. Cela s`est traduit par la prise d`un décret en 2008 pour l`entrée en application en 2009. D`où vient-il que depuis 2007 où les accords ont été pris, matérialisés par un décret en 2008 qu`on ne veuille pas respecter ces engagements en 2009. C`est qu`il y a quelque chose qui ne va pas.

C`est un problème de prévision, puisque dans ses prévisions budgétaires, l`Etat est confronté à certaines obligations. Le Ppte, la masse salariale qui, selon le chef de l`Etat, a atteint un record.
Je voudrais indiquer que lorsque le décret a été pris, cela a fait l`objet de budgétisation avant même l`exécution du budget 2009. Parce que le budget est élaboré depuis septembre 2008 pour exécutions en 2009. C`est chemin faisant que le gouvernement, de son propre chef, a refusé de payer. Et nous avons constaté que d`autres décrets qui ont été pris après nous, ont été payés. C`est cela aussi qui crée la frustration dans cette lutte. Nous disons en ce qui concerne le Ppte, qu’il aurait fallu annexer notre décret à un quelconque Ppte, ce qui nous rassurerait. Pour dire que ce décret a une condition d`application. Cela n`a pas été le cas. Pourquoi certains décrets sont pris aujourd`hui et sont exécutés immédiatement et en ce qui concerne nous, personnel de santé, cela fait l`objet de marchandage, de mauvaise volonté. C`est ce que nous n`arrivons pas à comprendre. D`autant plus qu`on nous dit que nous sommes un corps particulier. Mais ce corps particulier a besoin de sécurité dans son travail. Et quand on est particulier, il faut un traitement particulier. Il ne faudrait pas nous donner un traitement " wouya wouya ". C`est ce que nous refusons aujourd`hui.

Dans cette crise, nous avons été surpris par l`engouement du suivi total du mot d`ordre de grève. Qu`est-ce qui explique cela ?
Cela est dû à l`accumulation de toutes les frustrations dans le domaine de la santé. Un cadre supérieur de la santé, son salaire de base est de 173000francs. Un infirmier, son salaire de base est de 123000francs. Le salaire de base d`un aide-soignant tourne autour de 80.000francs. Les filles et garçons de salle touchent 42.000francs. Comment voulez-vous que dans cette situation, on puisse être à l`aise en assurant la santé de la population et qu`on claironne qu`au nom d`un serment d`Hippocrate on doit rester pauvre. Nous devons avoir le minimum pour vivre. C`est ce minimum vital que nous n`avons pas. Nous avons des problèmes d`ordre primaire. Aujourd`hui, quand tu es au travail, tu penses à comment payer ta maison, comment assurer la scolarité de tes enfants, comment assurer le transport pour aller au travail. Ce sont tous ces problèmes-là que nous ne sommes plus prêts à supporter. Alors qu`à côté de nous, d`autres fonctionnaires se la coulent douce, ils ont les moyens, il suffit qu`ils claquent un doigt, on se précipite autour d`eux, et leurs problèmes sont réglés. Qu`avons-nous-fait ?

A qui faites-vous allusion ?
Nous ne voulons pas citer un corps parce que chacun lutte. Mais nous disons aujourd`hui que sommes fatigués, nous sommes fatigués d`entendre dire que nous comprenons le problème du personnel de santé. Mais quand on comprend, qu`est-ce qu`on fait ? on prend des décisions et on résout les problèmes.

Vous partez ce mardi matin en assemblée générale, quel message allez-vous porter à vos camarades ?
Ce mardi 22 décembre, nous partons en assemblée générale. Nous invitons nos camarades a être à cette assemblée. Nous les avons appelés à respecter la réquisition. Nous leur demandons de venir à l`assemblée, nous allons leur faire l`exposé. Ce n`est pas tout que nous allons leur dire à travers la presse. Il y a un certain nombre de choses que nous allons communiquer.

Y a-t-il eu des acquis au cours de ces discussions ?
Justement, lorsque nous discutons, il y a des avancées, nous allons exposer toutes ces avancées. A eux de voir, d`analyser. La recherche de solution ce n`est pas le durcissement du ton. Nous pouvons montrer aussi que nous pouvons lever le pied sur l`accélérateur et de moduler. Mais il appartient à l`assemblée de décider. Nous ne pouvons pas présager, mais nous disons que l`assemblée générale a délibéré pour reconduire le mot d`ordre depuis vendredi dernier. Cette reconduction court toujours.

Donc vous êtes toujours en grève ?
Nous sommes toujours en grève. Le mot d`ordre demeure comme je l`ai dit, c`est pour permettre la résolution des problèmes dans la facilitation et avec la confiance qui peut naître entre nous et les facilitateurs, que nous demandons à nos camarades de respecter l`ordre de réquisition. Sinon, l`administration a eu notre délibération de l`assemblée générale du vendredi aujourd`hui, (NDLR lundi 21 décembre) où nous reconduisons le mot d`ordre. Si chemin faisant, nous constatons que c`est du bluff, nous allons rejeter la réquisition.

L`assemblée générale a pris une décision et vous, vous venez donner un autre ordre. Est-ce que vous n`avez pas peur d`être taxé de casseur de grève ?
Non ! Nous disons que dans cette conduite de grève, il y a des prérogatives du directoire. Un, de discuter, un autre, de moduler mais de ne pas lever le mot d`ordre, ça, le directoire ne peut le faire, pas même de suspendre. Mais en fonction des pas posés par le gouvernement, le directoire a cette option de pouvoir moduler les choses. Mais la décision populaire est de rester dans la droite ligne de l`assemblée générale qui a fait une motion de reconduction. Le directoire ne peut se lever et suspendre le mot d`ordre ni le lever. La preuve, en aucun moment, nous n`avons levé le mot d`ordre. Nous n`avons pas ce pouvoir.

Pensez-vous que si quelqu`un qui a le premium, le pouvoir de signer un décret, signe un décret qu`il ne respecte pas, les engagements pris par son épouse seront respectés alors que sa propre signature n`a pas été respectée ?
Nous savons où nous partons. Lorsque nous disons que nous faisons confiance, nous savons dans quel délai. Ce n`est pas ainsi qu`on fait confiance, pour faire confiance. Nous savons dans quel délai. C`est pour tout cela que nous allons discuter avec nos camarades ce mardi pour voir comment baliser le terrain et dans quel délai. Si les gens sont venus vers nous, nous ne les repousserons pas, nous les écouterons. S`il y a eu des moments où le président de la république n`a pas été suffisamment instruit pour résoudre le problème, nous pensons qu`avec cet arrêt de travail, il a été suffisamment instruit. Qu`il prenne la décision de résoudre le problème de façon définitive. Au cas échéant, le mouvement va reprendre de plus belle. La situation va se dégrader. Ce n`est pas ce que nous souhaitons. Notre lutte n`est pas d`être toujours en grève. Nous cherchons la résolution de nos problèmes. Nous voulons travailler sérieusement.

Quelles sont les solutions que le gouvernement vous donne ?
Qu`il réponde à cette question et que le débat soit clos. Tant qu`on ne répondra pas à cette question, la situation va perdurer. C`est un grand geste que nous faisons aujourd`hui pour dire, nous respectons l`ordre de réquisition. Pour montrer la voie au gouvernement, lui dire, la loi se respecte. Quand on prend les lois, il faut les respecter soi-même.

A quoi doit-on s`attendre ce mardi ?
Nous disons que nous sommes dans les meilleures dispositions du respect de la réquisition. Il est vrai que les camardes peuvent dire que nous pensons que rien n`a été obtenu. Mais ils auront aussi balisé comment nous devons sortir de la crise. Notre volonté n`est pas d`aller dans une crise de longue durée. Parce que nous avons conscience que c`est tout le personnel qui va en grève. Mais nous avons l`impression que le gouvernement ne mesure pas encore l`intensité de cette grève. Le gouvernement joue sur des détails, sur ce qui n`est pas important. la revalorisation salariale dont nous parlons, cela est insignifiant mais le gouvernement s`attarde sur des détails. On nous parle de programme. La population s`en fout des programmes parce que c`est elle qui souffre. On ne peut pas se cacher derrière un programme pour ne pas résoudre les problèmes. Est-ce qu`un programme est mieux que la santé des populations ? Qu`on nous le dise, auquel cas tout le monde s`y attachera. Pour nous, seule l`assemblée peut le décider. Toutefois, nous disons que le mot d`ordre demeure. C`est parce qu`on a pris un ordre de réquisition que nous sommes au travail. On nous force à travailler et nous ne sommes pas contents. Et là-dessus, l`assemblée va se prononcer.

Interview réalisée par Akwaba Saint Clair et Jean Prisca
Col Mireille Appini (Stagiaire)
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