“J’ai encore en mémoire les missions difficiles”

Je pense qu'il faut féliciter toute l'équipe du quotidien Le Temps qui l'a porté à bout de bras jusqu'à son 2000e numéro, dans un environnement où la presse privée s'enracine difficilement. C'est une grande satisfaction pour nous qui avons participé à la rédaction des premiers numéros de voir ce journal résister aux contraintes que certains confrères n'arrivent pas à surmonter. En évoquant les premiers numéros, j'ai encore en mémoire les missions difficiles, je dirais kamikazes, en zones de guerre, particulièrement à l'Ouest, Guiglo, Bloléquin, Toulépleu et Zouan-Hounien, où j'ai été pris à partie par les jeunes combattants libériens et ivoiriens pro-gouvernementaux pour qui j'étais un espion. Ils m'ont passé à tabac en face de l'église catholique dans le gros village de Péhé (Toulépleu), endommageant une de mes côtes. Finalement, -permettez-moi de vous épargner les stratégies dont j'ai usé- nous sommes devenus des amis. J'ai régulièrement été en contact avec leur chef, " le général" Bébo, mort au combat à Buchanan au Liberia, face à Charles Taylor. Il y a eu également ce voyage périlleux dans le "Guéiland" (Man, Biankouma) où, une fois sur place, des informations selon lesquelles j'étais l' "espion de Gbagbo" ont été ventilées. Connaissant très bien cette région, j'ai réussi à ne pas me faire prendre. C'était les époques des grands reportages, des enquêtes sur les problèmes sociaux et les grandes analyses qui, à mon sens, manquent aujourd'hui dans les colonnes de Le Temps. Ce n'est pas par faute de volonté de l'équipe actuelle dont nous connaissons la passion pour le métier et le goût du risque. Que les promoteurs réactivent ces grands' projets, ils verront que ce canard retrouvera l'élite et survivra aux futurs enjeux économique et social, après le retour définitif de la paix en Côte d'Ivoire.
Bon vent à toute l'équipe, et à bientôt pour le 3000e numéro

Saint-Claver Oula,
ex-journaliste à Le Temps.
Correspondant de
la Voix de l'Amérique