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Politique Publié le mardi 5 janvier 2010 | Nord-Sud

Réforme de la Constitution : Gbagbo attaque enfin l`Ivoirité

Le discours à la nation du président de la République a réservé une surprise de taille. Laurent Gbagbo a clairement laissé entendre qu`il prendrait l`initiative de modifier l`article 35 de la Constitution. Une première depuis 2000.

Laurent Gbagbo aurait-il voulu faire un cadeau d`anniversaire à Alassane Ouattara qu`il ne s`y serait pas pris autrement. Dans son discours à la nation du 31 décembre-Le leader du Rassemblement des républicains est né un 1er janvier-, le président de la République a glissé des amabilités pour l`ancien Premier ministre.

Le candidat de La majorité présidentielle aux prochaines élections a en effet indiqué que celles-ci ouvriront la voie à une révision constitutionnelle. « Réviser la Constitution veut dire, pour moi, modifier l`article 35 », a indiqué le chef de l`Etat. Pour bien préciser le sens d`une telle initiative, il a qualifié cet article de « confligène », et soutenu que son exploitation avait « fragilisé l`unité de notre nation. » Si Laurent Gbagbo est élu, M. Ouattara n`aura donc aucune peine à se présenter devant les électeurs, autant de fois qu`il le souhaitera. Recalé en 2000 par le Conseil constitutionnel sur la base du texte actuel, l`ancien Premier ministre doit sa candidature pour les prochaines joutes à un décret pris sur la base de l`article 48 de la Constitution. Et, cela, suite à l`accord de Pretoria.

Certes, la promesse de l`actuel locataire du Palais ne se concrétisera qu`après le scrutin et son éventuelle victoire. Mais, il s`agit assurément d`un message fort à l`endroit du leader des Républicains.

Au-delà du clin d`œil à M. Ouattara, le candidat de La majorité vient de tourner une importante page sombre de l`histoire de la Côte d`Ivoire, le temps d`un discours. L`article 35 est véritablement le poison de la vie sociopolitique ivoirienne depuis le décès du président Félix Houphouët-Boigny. Pour barrer la voie à un prétendant sérieux, le Parti démocratique de Côte d`Ivoire (Pdci) avait adopté en 1995 un code électoral qui exigeait du candidat qu`il soit de père et de mère Ivoiriens d`origine. M. Ouattara avait dénoncé une loi « inique ». S`en est suivi le boycott actif de l`élection présidentielle, lancé par le Front républicain, alliance entre le Rdr et le Front populaire ivoirien (Fpi), le parti de M. Gbagbo. Ces élections peu ouvertes n`ont fait qu`exacerber la crise sociopolitique, avec en ligne de mire l`élection de 2000. C`est alors que le pouvoir inventera le brumeux concept d`Ivoirité qui, très vite, aboutit à la catégorisation des citoyens : d`un côté les purs, et de l`autre les douteux. Les Ivoiriens pur-sang, « de souche multiséculaire » avaient tous les droits. Les autres devaient toujours montrer pâte blanche sans échapper pour autant à la discrimination étatisée. Beaucoup ont été privés de la carte nationale d`identité verte dite « sécurisée » à cause de leur nom à consonance nordique. Malheureusement, cette politique ivoiritaire est arrivée dans un contexte de stigmatisation de l`étranger, sur la base de la carte de séjour instaurée au début des années 1990.

La fracture sociale qui a découlé de toute cette orchestration politique a été bien dépeinte par le sociologue belge Bénoît Scheuer, dans un documentaire prémonitoire intitulé « Côte d`Ivoire : poudrière identitaire».

Toujours à l`offensive, le pouvoir avait lancé une traque sans précédent contre M. Ouattara à l`approche de 2000. Henri Konan Bédié n`hésitait pas alors à presser le Rdr de se trouver un champion qui remplisse les critères imposés.

Alors qu`il aurait pu permettre de remettre les compteurs à zéro, le coup d`Etat de Noël 1999 voit la consécration de la politique de l`Ivoirité. Le Fpi casse son alliance avec le Rdr et crée un large front avec d`autres partis y compris le Pdci.

La rédaction de la nouvelle Constitution montrera que l`Ivoirité n`avait pas perdu de terrain. L`article 35 de ce texte renforcera les conditions du code de 1995. Lors du Forum pour la réconciliation national en 2001, Laurent Gbagbo avouera que cet article avait été mis dans la Constitution pour régler le cas Ouattara. Le président du Rdr sera tout naturellement privé de présidentielle en octobre 2000 et de législatives en 2001. Le nouveau pouvoir exploitera la politique de l`Ivoirité. Désormais, pour avoir le droit de prétendre à la carte nationale d`identité, il faut retourner dans son village. La crise armée de septembre 2002, viendra mettre un terme à cette dérive identitaire. Le discours à la nation du chef de l`Etat représente ainsi une véritable rupture avec ces longues années où la Côte d`Ivoire s`est battue contre elle-même.
Dans ce contexte de précampagne, la promesse de révision de l`article 35 permet à Laurent Gbagbo de redorer son blason. Après la suppression de la carte de séjour, il vient assurément d`envoyer un autre message d`ouverture à l`opinion. Toujours dans la logique de se présenter comme celui qui a à cœur de rassembler le pays après la déchirure.

Kesy B. Jacob
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