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Politique Publié le mardi 12 janvier 2010 | Le Temps

Aboisso : Tension autour de la chefferie traditionnelle d’Eboue - Les populations se révoltent contre Amon Tanoh Lambert

A Eboué, village situé dans la sous-préfecture de Mafféré et dans le département d'Aboisso, la désignation du nouveau chef est au centre d'une crise. Les populations soupçonnent l'ex-ministre Amon Tanoh Lambert de manœuvrer pour tordre le cou à la tradition, afin d'installer un homme qui servirait la cause du Pdci contre le Fpi. Pour en savoir davantage, nous avons mené notre enquête.

Courant décembre 2009, nous sommes saisis par des sources bien introduites, et de façon récurrente, de ce que "depuis quelque temps, ça ne va pas à Eboué à propos de la chefferie traditionnelle. La désignation du nouveau chef qui doit remplacer feu Ernest Koffi Koffi, décédé en 2000, est bloquée par des cadres du Pdci qui veulent piétiner la tradition du royaume Sanwi pour imposer leur homme de main en la personne de Lancina Coulibaly". Pour en savoir plus sur cette situation, nous décidons de nous rendre sur les lieux du litige. Nous prenons attache, le lundi 28 décembre, avec un dignitaire de la région qui nous demande, vu la sensibilité et la complexité du dossier, d'adopter une démarche " méthodique ". Aussi nous rendons-nous d'abord dans le village d'Assouba, à 4 km d'Aboisso, le lendemain 29 décembre. Toute la notabilité de ce village, bien informée sur ce qui se passe à Eboué, nous attend. Le porte-canne du roi de Krinjabo à Assouba, Sonhoré Aboka, nous accueille dans sa résidence. En compagnie des autres notables. Ce sont Sonhoré Amoikon, Aman Messou Raphaël, Tanoh N'Djoré, Adoh Atchê et Adé Bilé.

L'histoire d'un village carrefour convoité

Les sages de Assouba nous expliquent qu'Eboué est un campement carrefour créé vers la fin du 18e siècle par le patriarche Etoubian, chef de la grande famille des N'Djoaffo du quartier Assahoutoua de Krinjabo. C'est l'une des familles protectrices de la chaise royale. Et c'est d'elle qu'est issu le défunt chef Ernest Koffi Koffi (père du ministre Lazare Koffi Koffi). Et bien qu'Eboué soit situé dans la sous-préfecture de Mafféré, il a été créé par les ressortissants de Krinjabo et non de Mafféré comme on le pense. " C'est donc toujours dans la famille du patriarche Etoubian que le chef de Eboué doit être désigné, conformément à la tradition du Sanwi ". Insistent les notables d'Assouba qui n'iront pas plus loin, pour des raisons "diplomatiques". Car ils vont s'impliquer, sous la direction du roi, dans le règlement de cette crise parce que dans le Sanwi, Assouba joue le rôle de "Cour suprême" . "Nous ne pouvons pas être juge et partie", a plaidé le porte-canne Aboka. Nous prenons congé de la notabilité d'Assouba, après les civilités d'usage. Notre seconde escale nous conduit, au soir de ce 29 décembre 2009, au cœur du royaume Sanwi, au palais royal où nous attend Ahissan Nogbou, le porte-parole du roi de Krinjabo, avec qui nous sommes entré en contact. C'est à l'ancienne résidence du roi que nous sommes reçus, en présence d'autres dignitaires influents mais discrets du royaume. Là, la Cour du roi nous confirme les dires des notables d'Assouba. Sur ce sujet, elle est unanime. "Depuis sa création, Eboué a été dirigé par les descendants d'Etoubian conformément à la tradition". Mais, " hélas, pendant la guerre du Sanwi (1956-1966) qui a occasionné l'emprisonnement du roi de Krinjabo puis son exil, le politique s'est immiscé dans la désignation du chef d'Eboué ", s'affligent les collaborateurs du roi. Tout est donc clair. A Eboué, il ne saurait y avoir de chef en dehors de la lignée d'Etoubian, c'est -à-dire la famille Koffi Koffi. Mais le porte-parole du roi, qui n'en dira pas davantage, nous fait savoir que : " Des tractations sont en cours pour liquider définitivement ce regrettable contentieux. Le roi ne peut donc pas s'étendre dans la presse pour l'heure". Toutefois, il confirme que: "C'est le roi du Sanwi qui doit donner son onction à l'installation du chef d'Eboué". C'est donc dire que tout chef d'un village Sanwi installé sans la bénédiction du Roi ne peut être reconnu. Fort donc des précisions de la royauté du Sanwi, nous foulons le sol d'Eboué, dans la nuit du 29 décembre. Nous découvrons une cité plutôt paisible. Ce village carrefour qui, dit-on, suscite toutes les convoitises en raison de l'ampleur qu'il prend aujourd'hui, s'étend tout le long de la voie bitumée, avec ses quatre (4) quartiers : Eboué-Bas, Ettinglin, N'Dramankro et Kpatabo. La première personne que nous rencontrons est réputée être du clan d'Amon Tanoh Lambert qui a requis l'anonymat. Lui estime que " Eboué étant une ville carrefour, tout habitant doit pouvoir en être chef, s'il en a les moyens et le charisme ". Lorsque nous évoquons la tradition, il s'irrite et lance que c'est un " prétexte ancestral " utilisé par la famille du ministre Lazare Koffi Koffi pour " confisquer la chefferie ". Mais il reconnaît que le père ce celui -ci a " régné " conformément à la tradition et a été reconnu comme tel, avant de décéder en août 2000. Son malaise est réel et l'entretien ne dure pas. Nous décidons donc de rendre visite à la notabilité d'Eboué. C'est le chef du quartier Eboué-Bas, le sage Kassi Kadjo, qui nous reçoit avec ses pairs. Eux aussi, sont formels: C'est de la lignée d'Etoubian, et donc de la famille Koffi Koffi, que doit venir le chef d'Eboué.

La tradition en péril

Ils rappellent avec des détails l'histoire d'Eboué et nous apprennent qu'après le patriarche Etoubian se sont succédé Nanan Koikan, Kablan Kan dit Kablétchi, Koffi Amichia et Attékéblé Anoh (tous de la lignée d'Etoubian). Jusqu'à ce que survienne la guerre du Sanwi qui a été une période d'instabilité. Le chef Kassi Kadjo indique qu'à la fin de l'affaire du Sanwi, et après une " transition de crise ", Ernest Koffi Koffi, frère de Koffi Amichia, a accédé à la chefferie d'Eboué. C'est à ce moment que Amon Tanoh Lambert, originaire du village de Kassikro et inconnu, jusque-là à Eboué, alors ministre d'Houphouët-Boigny et cadre du Pdci, entre en scène : ''Tout a commencé quand Amon Tanoh a effectué une démarche auprès de la notabilité pour obtenir un terrain à Eboué, en vue de bâtir une maison. Au nom de la fraternité, nous le lui avons accordé. Mais, hélas, contre toute attente, il s'est mis à manœuvrer pour plonger Eboué dans la tourmente'', expliquent les sages qui ajoutent que, pourtant, ce dernier a reconnu, en son temps, le chef Ernest Koffi Koffi. "Mais il ne supportait pas que celui-ci et son fils Lazare Koffi Koffi soient dans l'opposition avec Laurent Gbagbo. Il a tout tenté, en vain, pour ramener le père et le fils au Pdci". Après le décès d'Ernest Koffi Koffi, c'est Boy Kacou, porte-canne de feu Ernest Koffi Koffi, qui est désigné pour assurer l'intérim, confient les notables d'Eboué. Qui indiquent qu'en 2007, celui-ci, malade, a remis ses titres à la famille Etoubian qui a décidé de choisir Koffi Ahoutchi, gardien actuel de la chaise d'Etoubian à Krinjabo, pour accéder à la chefferie d'Eboué. "C'est au moment où l'on préparait son installation pour le mois de juillet 2009 que le ministre Amon Tanoh Lambert a tout bloqué", s'indignent-ils.

Amon Tanoh veut
"un chef élu"

Selon notre interlocuteur, Amon Tanoh Lambert veut installer la chienlit à Eboué, à des fins politiciennes. Il a choisi Lancina Coulibaly, cadre de Côte d'Ivoire Télécom à la retraite. Le 5 décembre 2009, une cérémonie d'installation de celui-ci a été organisée à la sauvette au marché d'Eboué, sans fanfare ni clairon, dit-on, dans l'indifférence totale de la population qui n'a été ni informée, ni associée. ''Autant dire qu'il n’y a jamais eu d'installation de chef puisqu'aucune autorité coutumière (suivant la tradition) ni administrative, aucun élu n'a été présent à cette cérémonie'', tranche net un autre notable d'Eboué. Peu avant cette rencontre qui s'est déroulée sous la surveillance d'un important détachement de gendarmes venus de Mafféré à la demande expresse de Madame le sous-préfet, le cadre du vieux parti aurait fait savoir à qui voulait l'entendre, au cours d'une réunion publique qui s'est tenue à la maternité d'Eboué que désormais, " le chef d'Eboué sera élu par la population ". Une position à vrai dire indéfendable, au regard de la tradition. Mais qui est Coulibaly Lancina ? Il ressort des informations en notre possession que l'homme est né de Zoumana Sinali (originaire de Korhogo) et de dame Boua Alloua (du village de Dibi, dans la sous-préfecture de Mafféré). Lancina Coulibaly ne peut donc pas prétendre à la chefferie d'Eboué. Au cours de la réunion publique sus indiquée, l'autorité préfectorale d'Aboisso a fait savoir, entre les lignes, sa position sur cette affaire.

La position des autorités administratives

En effet, sur des bandes sonores auxquelles nous avons eu accès, il a dit, en substance, ce qui suit : "J'ai honte de constater qu'à Eboué, on ne respecte plus la royauté et le mode de succession des chefs tel que décrit par la tradition. C'est la mauvaise foi des politiques qui est en train de mettre en péril les traditions ancestrales qui font la richesse culturelle du Sanwi". Un cinglant désaveu au ministre Amon Tanoh Lambert. Le mercredi 30 décembre, nous avons tenté de joindre le préfet pour avoir son avis. En vain. Il n'a pas décroché son téléphone, malgré nos multiples tentatives. C'est plutôt Mme le sous-préfet de Mafféré que nous parvenons à joindre. Au téléphone, elle nous confiera que ''le préfet d'Aboisso est permissionnaire''. Avant de nous signifier qu'elle ''ne peut pas répondre à nos questions sans l'autorisation préalable du préfet d'Aboisso''.
Plus tard, c'est le représentant de la jeunesse d’Eboué, N'Da Gnohan Paul dit commissaire, qui dénonçait ce ''coup d'Etat'' contre le vrai chef du village, avant de lancer “un appel pressant au ministre de l'Intérieur”. A l'en croire, ''c'est pour préserver la paix que les populations ont gardé leur calme''. Et que m'eût été "les appels à l'apaisement du ministre Lazare Koffi Koffi ", les choses auraient pu dégénérer entre les villageois et les gens à la solde de Amon Tanoh Lambert. Espérons que les autorités compétentes et le roi du Sanwi prendront les dispositions qui s'imposent pour éviter l'irréparable.

Par K. Kouassi Maurice
Koisymaurice@yahoo.fr
Et Jean Baptiste Essis
Jejbessis8@gmail.com
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