Le Reggaeman Ivoirien nous a reçu chez lui après son méga concert du 2 Janvier 2010 au Stade Omnisports Modibo Keita, un concert parrainé Malamine Koné, le PDG d`AIRNESS. Avec Tiken Jah, on a évoqué son retour sur scène à Bamako, le nouvel album à venir "African Revolution", son engagement pour l`éducation, le cinquantenaire de l`indépendance, mais aussi la crise en politique en Guinée et en Côte d`Ivoire son pays d`origine. Avec Tiken, c`est une interview agréable, sans langue de bois et en toute véracité.
Comment Tiken se sent après un tel show ?
Je me sens bien, parce que le public était là, ils ont chanté, ils ont dansé jusqu ‘à la fin du concert et c’était super. Chanter avec nous ça fait plaisir, ça donne beaucoup d’énergie.
Sous quel signe Tiken place ce dernier concert ?
Tiken Jah : Je dirais sous le signe de l’éducation, parce qu’il n’y a pas de développement sans éducation. On a fait ce concert Malamine Koné et moi pour construire une école à Banconi. J’ai envie d’expliquer à la jeunesse africaine que c’est l’Ecole qui va sauver l’Afrique. Il faut que le peuple se réveille et c’est à travers l’éducation. J’écris des chansons, mais j’ai eu envie de poser des actes pour que les gens se disent Tiken n’a pas envie d’acheter des instruments de musique ou de construire une salle de spectacle ou s’il construit des écoles, ça veut dire qu’il est conscient en fait. Nos pays ont fait 50 ans d’Indépendance, nous sommes dans un processus de développement. Nous ne sommes pas un continent qu’on prend de la main droite ou de la main gauche parce que ceux qui sont développés aujourd’hui, avant 50 ans d’Indépendance, ils étaient dans la même situation. Il y avait la guerre civile, des coups d’Etat. Les derniers dictateurs sont tombés il y a seulement 10 ans en Europe, en Roumanie, etc., aujourd’hui, quand tu vas du côté de la Russie. Donc il est important que la jeunesse africaine se réveille. Donc ce concert, il est placé sous le signe de l’éducation.
Ca fait combien de temps qu’on avait pas vu Tiken sur scène au Palais Omnisport ?
Tiken Jah Ca fait deux ans. On peut dire que c’est un retour, car on avait l’habitude de faire des concerts au Palais Omnisport tout le temps. Parce que j’étais en tournée mondiale. J’ai fait deux ans avec l’album « l’Africain« . L’album l’Africain m’a amenée à un autre niveau. J’ai fait des concerts en France, mais j’ai fait des concerts en Hongrie, en Norvège, en Allemagne, au Portugal, en Espagne, en Pologne. Donc je suis allé pas mal dans des pays chaque fois très loin d’ici. Et quand tu entends des gens chanter : « ils ont partagé la monde » , ça fait plaisir. Donc là, j’ai un peu de temps, je suis en train de préparer le prochain album qui d’ailleurs s’appellera « African révolution » et donc voilà j’en ai profité pour organiser ce concert.
Alors comment tu as trouvé tes fans, ton public ce soir ?
Tiken Jah : Il était chaud ! Ils étaient là, ils ont chanté, dansé. Ils ont reçu le message. C’est le message qui est important. Vous savez en Afrique on a tous peur. Tout le monde dit non, il y a beaucoup de gens qui pensent des choses. Il faut des gens pour dire les choses. Il faut des gens pour faire avancer et poser des actes. Si les autres pays se sont développés, c’est parce qu’il y a des gens qui ont pris position par rapport à la situation. Si tout le monde traînait dans son salon pour critiquer et que personne ne veut reconnaître personne ne va bouger. Les gens s’inquiètent pour moi c’est vrai. Je sais aussi qu’un jour ou l’autre je vais avoir des problèmes, parce que les gens me laisseront tomber comme ils ont laissé tomber Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Hailé Sélassié. Ca fait partie du processus de révolution des peuples. Pour moi, ça prend un peu de temps. Je suis sûr de ce que je dis, je suis sûr de ce que je fais et je pense qu’il y a que comme ça que la société peut bouger. Donc si tu attends que quelqu’un vienne nous sauver, le Malien est croyant, plus que les Arabes. Dieu on ne peut pas l’attendre tout le temps. On dit « Aide-toi, Dieu t’aidera ». Parce que Dieu est très occupé. Il doit s’occuper des Maliens, des Polonais. Donc souvent, il faut que l’on se bouge. Les peuples se sont bougés sans bouger de chez eux, car le Peuple, c’est le Peuple c’est le pouvoir et le peuple ne sait pas que s’il prend la direction, ils sont obligés de venir dans le peuple. Il faut que l’on arrive à ce que le peuple africain prenne le pouvoir. Ca c’est ma position.
Par rapport à ton nouvel album, c’est African Revolution, la sortie est prévue pour quand ? Le mixage va se passer ici, à Londres ou en Jamaïque ?
Tiken Jah : L’album « African Revolution » va se faire surtout à Paris. Vous voulez que je vous donne quelque chose ? « Quand l’Afrique va se réveiller , ça va faire mal mal mal mal, quand le peuple va se réveiller, ça va faire mal mal mal mal ». On va constituer la maquette en Jamaïque. Le reste se fera à Bamako. On va demander les services de Toumani Diabaté, de beaucoup de chanteurs et d’instrumentistes traditionnels maliens qui vont ajouter leur piment et leur sel. Après on va aller au Tchad.
En dehors du titre générique « African Revolution », l’album va constituer combien de titres ?
Tiken Jah : L’album au niveau de la France, il y aura 12 titres. Au niveau de l’Afrique, on va en mettre 16. 16 c’est pour la Panafrique parce que j’ai beaucoup de choses à dire à la jeunesse africaine. Le prochain album va s’adresser à eux. Le résumé c’est : « Personne ne viendra changer l’Afrique à votre place ». Si on dort, nos enfants connaîtront la même situation que nous on connaît aujourd’hui. Y a eu des gens qui se sont battus, qui se sont rebellés. L’esclavage a été aboli il y a presque 400 ans. Après, ils ont créé la colonisation.
Donc il a fallu que nos parents se battent. Ils se sont battus, ils y en a qui sont morts, y en a qui ont été humiliés. Et nous on a eu l’Indépendance. Voilà la question que l’Afrique doit se poser. Qu’est ce que nous nous avons fait, qu’est ce que nous faisons pour que nos enfants connaissent un avenir meilleur. Ca c’est la question que tout jeune africain doit se poser. C’est la question que je vais poser à la jeunesse africaine dans « African révolution ».
10e Album, est-ce qu’on peut dire que Tikken est au sommet de son art ?
[bTiken Jah ] : Je dis que beaucoup reste à faire, parce que je ne suis pas un artiste qui oublie le peuple. Je me dois par respect au peuple de dire la vérité. Je pense que je n’ai pas encore bien attaqué le marché américain. C’est vrai que je suis allé au Brésil, au Venezuela. Y a encore du boulot, c’est pour cela d’ailleurs que dans le prochain album, il y aura trois ou quatre titres en anglais. Ca sera le départ pour les Etats Unis et je suis sûr que le message va plaire. On a aujourd’hui l’obligation de créer un fonds pour les Noirs américains. Nos ancêtres ont été vendus. Le même système qui a dit ça, existe aujourd’hui. Parce que le même truc se passe aujourd’hui. On oublie une chose, mais les choses se passent la nuit. Donc il faut que l’on crée ce pont et que l’on se rapproche de nos frères. Les gens qui ont maintenant atteint un certain niveau de développement et qui peuvent maintenant assainir la situation de l’Afrique. Donc aux dirigeants africains de faire face vers les dirigeants américains. A nos dirigeants de faire face vers nos frères des Antilles. Et à ceux qui attendent que ce mot viennent d’elles, qu’ils viennent expliquer pleinement comment les choses se sont passées. On a vu qu’avec les Occidentaux, on a élevé nos politiques. Ils ont voulu démocratiser. C’est comme ça qu’ils se comportaient au temps même de l’esclavage ou de la colonisation, quand ils arrivaient dans un village et que le chef de village était hostile à leur manière de faire des choses. D’ailleurs, en ce temps là, y avait pas d’autopsie, y avait rien. Il faut qu’on arrive à démonter cela, ceux qui ont été arrachés à ce continent et qui ont leur place ici, j’espère.
On fête le Cinquantenaire de l’Indépendance cette année, dans beaucoup de pays, quel bilan tires-tu des cinquante dernière années qui viennent de s’écouler et des cinquante prochaines années, quelle est ton espoir, notamment pour la Côte d’Ivoire, on sait qu’on est en train d’organiser des élections qui sont reportées, reportées, le Président a parlé d’instaurer véritablement la démocratie, quel est ton espoir par rapport au Cinquantenaire ?
Tiken Jah : Le Cinquantenaire, moi je vous dis sincèrement, je suis contre. Dans toute société, quand on fête quelque chose, quand il y a eu une histoire, il y a des résultats. Je dis c’et vrai, dans beaucoup de pays africains qui sont à féliciter. Mais on ne pourra pas le fêter tant que tous nos enfants n’iront pas à l’école, à l’heure où nous parlons, il ya des gens qui ont des problèmes, car leurs malades sont dans les hôpitaux et il n’y a pas d’argent pour payer leurs ordonnances. Si on fait le bilan, le bilan est négatif. Donc on doit encore plus continuer à se battre pour que nos enfants puissent fêter le Centenaire de l’Indépendance et avec des résultats positifs. Parce qu’aujourd’hui, ce qui m’inquiète, c’est qu’on dépense beaucoup d’argent pour fêter alors que dans ce beaucoup d’argent, il y a place pour construire et investir dans l’éducation, dans la santé, dans des trucs qui peuvent changer nos conditions de vie qui nous permettent de fêter le Centenaire. Je fais partie de ceux qui estiment que tant que le bilan n’est pas positif, on ne devra pas fêter. Mais je suis sûr que les Occidentaux vont le faire, parce qu’ils ont donné beaucoup d’argent. Il faudrait le mettre dans un compte là.
Est-ce que d’ici trente ans les choses vont changer, est-ce que d’ici trente ans, on aura la démocratie ?
Tiken Jah : Si on se bat, les choses vont changer. Nous sommes dans un processus de développement. La France, en 1804, elle avait les mêmes problèmes que nous nous avons aujourd’hui, les gens qui se tirent dessus, les coups d’état, y a eu des guerres, des rois qui se sont fait massacrer. C’était atroce, mais ça faisait partie du processus. Aujourd’hui quand il y a des pauvres ici, les Occidentaux qui voient à la télé, c’est des sauvages ou aux guignols comme on les appelle les bougnouls. Donc, nous sommes considérés comme des extraterrestres. Moi, je crois en ce continent. Je pense simplement que si on se bat, si on se mets au dessus des histoires des gens, des histoires d’ethnie, des histoires de richesse, alors que quelque soit la région d’où tu viens, il y a le même problème, il y a des Peuls, il y a des Bambaras, y a des Khassonkés, y a la même réalité. Que vous soyez chrétien ou musulman, vous avez le même problème. Donc il faut essayer d’effacer les histoires de religion. En Côte d’Ivoire, c’est la même chose à cause des histoires de religions, on a la même situation. Par rapport à la Côte d’Ivoire, je fais partie des Ivoiriens qui sont partis dire au peuple ivoirien de laisser rejeter la candidature. Mais ce n’est pas à vous de rejeter la candidature. Ma conscience est intacte et je ne me reproche rien parce que s’ils m’avaient écouté, depuis les élections de 95, les Ivoiriens auraient accepté ou rejeté Alassane Ouattara et ceux qui sont morts seraient vivants aujourd’hui. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai répondu sur la situation en Guinée. Il faut tout faire pour sauter l’étape de la guerre en Guinée. Aujourd’hui, on a un problème. Le problème c’est que le Président guinéen, les opposants, ils n’en veulent pas. Si on les fait pas asseoir autour d’une table pour les faire discuter maintenant, ça sera à nouveau 500 000 morts.
On a essayé de la faire à Ouagadougou avec le médiateur
Tiken Jah : Il faut les obliger à le faire. Le problème aussi c’est que les Chefs des Etats Africains ne veulent pas s’impliquer. Quand la guerre va se déclarer, tu vas les voir à Marcoussis, on va voir de l’argent qui va atterrir ici. C’est pour cela que j’ai dit aux Français tout à l’heure et je demande à tous les chefs de l’Etat africains, si on intervient pas maintenant, si il y a la guerre civile, vous allez trouver ça bon ? Il faut sauter l’étape de la guerre en Guinée et ça passera par un Gouvernement d’union nationale, un Premier Ministre de consensus qui est libre et qui n’est pas candidat. Le scénario ivoirien est un exemple notable aujourd’hui. Guillaume Soro, chef de la rébellion est Premier Ministre, il n’est pas candidat et celui-ci réclame même des élections. Donc on peut bien trouver quelqu’un d’honnête en Guinée qui va organiser les élections et que tout le monde soit intéressé. Je fais partie des gens qui sont allés voir Dadis Camara et qui lui ont donné des conseils. Il n’a pas écouté mes conseils, car il a été pris dans un piège parce que lui il a dit qu’il ne voulait pas se présenter. Il a dit qu’il ne pouvait pas se présenter, mais il n’a pas demandé l’avis des militaires. Il n’a plus qu’à attendre que les militaires soient seuls au pouvoir et toi tu arrives et tu dis Dadis moi je m’en vais. Donc voilà un peu comment la situation est. Je pense qu’aujourd’hui il faut les asseoir autour d’une table pour demander des élections, mettre la barre au milieu et celui qui la prend le plus vite, il devient le président de la commission.
Les militaires sont en Guinée depuis trente quatre ans, mais est-ce que la Guinée peut s’en sortir ? Est-ce qu’on a besoin du CNDD ? On a été en Guinée Conakry au mois de juillet et on a vu les exactions, les gens qui se font arrêter. Est-ce qu’on peut s’en sortir avec les militaires ?
Tiken Jah : Je pense que chaque peuple, chaque pays a ses réalités. Donc ce n’est pas un choix du CNDD ou un choix de toutes les façons. C’est un choix de tout faire pour qu’il n’y ait pas une guerre civile. Donc il faut trouver les solutions et les solutions, c’est le dialogue. L’armée guinéenne et l’administration ont besoin d’être organisés. C’est un pays vierge où il y a un foutoir pas possible. Donc on a besoin de créer une période de transition et pendant la transition qui va être dirigée par un Premier Ministre de consensus, il faut en profiter pour organiser l’armée, organiser l’administration, et puis après, au bout d’un an ou deux, organiser des élections et tenir les élections. Nicolas Sarkozy est Hongrois d’origine et pendant les élections, les Français n’ont posé aucun problème. Donc le pouvoir a été donné au Peuple. On a un autre exemple flagrant, les Etats Unis. Quand un Noir devient Président des Etats Unis. Si tu avais dit aux gens, il y a trois ans, il y a un Noir qui va être élu aux Etats-Unis, ils auraient dit « arrête tes conneries, laisse-moi dormir ». Yes we can ! Donc tout le monde peut. Tout ce qu’on peut faire, c’est pousser ces gens à aller autour de la table. Je ne soutiens personne. Les artistes qui soutiennent tout le monde, ils vont au Palais de La Culture et on te donne l’argent. Mais je pense que ça ne fait pas partie du reggae et donc ça ne fait pas partie de ma mission. Et je souhaite simplement qu’on évite les futurs morts. Donc j’ai envie qu’on assoit les gens autour d’une table pour discuter et sans rejeter qui que ce soit.
Tiken, Dadis est-il mort ou vivant ?
Tiken Jah : Oui il est vivant, je lui ai parlé deux fois au téléphone !
journaldumali
Comment Tiken se sent après un tel show ?
Je me sens bien, parce que le public était là, ils ont chanté, ils ont dansé jusqu ‘à la fin du concert et c’était super. Chanter avec nous ça fait plaisir, ça donne beaucoup d’énergie.
Sous quel signe Tiken place ce dernier concert ?
Tiken Jah : Je dirais sous le signe de l’éducation, parce qu’il n’y a pas de développement sans éducation. On a fait ce concert Malamine Koné et moi pour construire une école à Banconi. J’ai envie d’expliquer à la jeunesse africaine que c’est l’Ecole qui va sauver l’Afrique. Il faut que le peuple se réveille et c’est à travers l’éducation. J’écris des chansons, mais j’ai eu envie de poser des actes pour que les gens se disent Tiken n’a pas envie d’acheter des instruments de musique ou de construire une salle de spectacle ou s’il construit des écoles, ça veut dire qu’il est conscient en fait. Nos pays ont fait 50 ans d’Indépendance, nous sommes dans un processus de développement. Nous ne sommes pas un continent qu’on prend de la main droite ou de la main gauche parce que ceux qui sont développés aujourd’hui, avant 50 ans d’Indépendance, ils étaient dans la même situation. Il y avait la guerre civile, des coups d’Etat. Les derniers dictateurs sont tombés il y a seulement 10 ans en Europe, en Roumanie, etc., aujourd’hui, quand tu vas du côté de la Russie. Donc il est important que la jeunesse africaine se réveille. Donc ce concert, il est placé sous le signe de l’éducation.
Ca fait combien de temps qu’on avait pas vu Tiken sur scène au Palais Omnisport ?
Tiken Jah Ca fait deux ans. On peut dire que c’est un retour, car on avait l’habitude de faire des concerts au Palais Omnisport tout le temps. Parce que j’étais en tournée mondiale. J’ai fait deux ans avec l’album « l’Africain« . L’album l’Africain m’a amenée à un autre niveau. J’ai fait des concerts en France, mais j’ai fait des concerts en Hongrie, en Norvège, en Allemagne, au Portugal, en Espagne, en Pologne. Donc je suis allé pas mal dans des pays chaque fois très loin d’ici. Et quand tu entends des gens chanter : « ils ont partagé la monde » , ça fait plaisir. Donc là, j’ai un peu de temps, je suis en train de préparer le prochain album qui d’ailleurs s’appellera « African révolution » et donc voilà j’en ai profité pour organiser ce concert.
Alors comment tu as trouvé tes fans, ton public ce soir ?
Tiken Jah : Il était chaud ! Ils étaient là, ils ont chanté, dansé. Ils ont reçu le message. C’est le message qui est important. Vous savez en Afrique on a tous peur. Tout le monde dit non, il y a beaucoup de gens qui pensent des choses. Il faut des gens pour dire les choses. Il faut des gens pour faire avancer et poser des actes. Si les autres pays se sont développés, c’est parce qu’il y a des gens qui ont pris position par rapport à la situation. Si tout le monde traînait dans son salon pour critiquer et que personne ne veut reconnaître personne ne va bouger. Les gens s’inquiètent pour moi c’est vrai. Je sais aussi qu’un jour ou l’autre je vais avoir des problèmes, parce que les gens me laisseront tomber comme ils ont laissé tomber Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Hailé Sélassié. Ca fait partie du processus de révolution des peuples. Pour moi, ça prend un peu de temps. Je suis sûr de ce que je dis, je suis sûr de ce que je fais et je pense qu’il y a que comme ça que la société peut bouger. Donc si tu attends que quelqu’un vienne nous sauver, le Malien est croyant, plus que les Arabes. Dieu on ne peut pas l’attendre tout le temps. On dit « Aide-toi, Dieu t’aidera ». Parce que Dieu est très occupé. Il doit s’occuper des Maliens, des Polonais. Donc souvent, il faut que l’on se bouge. Les peuples se sont bougés sans bouger de chez eux, car le Peuple, c’est le Peuple c’est le pouvoir et le peuple ne sait pas que s’il prend la direction, ils sont obligés de venir dans le peuple. Il faut que l’on arrive à ce que le peuple africain prenne le pouvoir. Ca c’est ma position.
Par rapport à ton nouvel album, c’est African Revolution, la sortie est prévue pour quand ? Le mixage va se passer ici, à Londres ou en Jamaïque ?
Tiken Jah : L’album « African Revolution » va se faire surtout à Paris. Vous voulez que je vous donne quelque chose ? « Quand l’Afrique va se réveiller , ça va faire mal mal mal mal, quand le peuple va se réveiller, ça va faire mal mal mal mal ». On va constituer la maquette en Jamaïque. Le reste se fera à Bamako. On va demander les services de Toumani Diabaté, de beaucoup de chanteurs et d’instrumentistes traditionnels maliens qui vont ajouter leur piment et leur sel. Après on va aller au Tchad.
En dehors du titre générique « African Revolution », l’album va constituer combien de titres ?
Tiken Jah : L’album au niveau de la France, il y aura 12 titres. Au niveau de l’Afrique, on va en mettre 16. 16 c’est pour la Panafrique parce que j’ai beaucoup de choses à dire à la jeunesse africaine. Le prochain album va s’adresser à eux. Le résumé c’est : « Personne ne viendra changer l’Afrique à votre place ». Si on dort, nos enfants connaîtront la même situation que nous on connaît aujourd’hui. Y a eu des gens qui se sont battus, qui se sont rebellés. L’esclavage a été aboli il y a presque 400 ans. Après, ils ont créé la colonisation.
Donc il a fallu que nos parents se battent. Ils se sont battus, ils y en a qui sont morts, y en a qui ont été humiliés. Et nous on a eu l’Indépendance. Voilà la question que l’Afrique doit se poser. Qu’est ce que nous nous avons fait, qu’est ce que nous faisons pour que nos enfants connaissent un avenir meilleur. Ca c’est la question que tout jeune africain doit se poser. C’est la question que je vais poser à la jeunesse africaine dans « African révolution ».
10e Album, est-ce qu’on peut dire que Tikken est au sommet de son art ?
[bTiken Jah ] : Je dis que beaucoup reste à faire, parce que je ne suis pas un artiste qui oublie le peuple. Je me dois par respect au peuple de dire la vérité. Je pense que je n’ai pas encore bien attaqué le marché américain. C’est vrai que je suis allé au Brésil, au Venezuela. Y a encore du boulot, c’est pour cela d’ailleurs que dans le prochain album, il y aura trois ou quatre titres en anglais. Ca sera le départ pour les Etats Unis et je suis sûr que le message va plaire. On a aujourd’hui l’obligation de créer un fonds pour les Noirs américains. Nos ancêtres ont été vendus. Le même système qui a dit ça, existe aujourd’hui. Parce que le même truc se passe aujourd’hui. On oublie une chose, mais les choses se passent la nuit. Donc il faut que l’on crée ce pont et que l’on se rapproche de nos frères. Les gens qui ont maintenant atteint un certain niveau de développement et qui peuvent maintenant assainir la situation de l’Afrique. Donc aux dirigeants africains de faire face vers les dirigeants américains. A nos dirigeants de faire face vers nos frères des Antilles. Et à ceux qui attendent que ce mot viennent d’elles, qu’ils viennent expliquer pleinement comment les choses se sont passées. On a vu qu’avec les Occidentaux, on a élevé nos politiques. Ils ont voulu démocratiser. C’est comme ça qu’ils se comportaient au temps même de l’esclavage ou de la colonisation, quand ils arrivaient dans un village et que le chef de village était hostile à leur manière de faire des choses. D’ailleurs, en ce temps là, y avait pas d’autopsie, y avait rien. Il faut qu’on arrive à démonter cela, ceux qui ont été arrachés à ce continent et qui ont leur place ici, j’espère.
On fête le Cinquantenaire de l’Indépendance cette année, dans beaucoup de pays, quel bilan tires-tu des cinquante dernière années qui viennent de s’écouler et des cinquante prochaines années, quelle est ton espoir, notamment pour la Côte d’Ivoire, on sait qu’on est en train d’organiser des élections qui sont reportées, reportées, le Président a parlé d’instaurer véritablement la démocratie, quel est ton espoir par rapport au Cinquantenaire ?
Tiken Jah : Le Cinquantenaire, moi je vous dis sincèrement, je suis contre. Dans toute société, quand on fête quelque chose, quand il y a eu une histoire, il y a des résultats. Je dis c’et vrai, dans beaucoup de pays africains qui sont à féliciter. Mais on ne pourra pas le fêter tant que tous nos enfants n’iront pas à l’école, à l’heure où nous parlons, il ya des gens qui ont des problèmes, car leurs malades sont dans les hôpitaux et il n’y a pas d’argent pour payer leurs ordonnances. Si on fait le bilan, le bilan est négatif. Donc on doit encore plus continuer à se battre pour que nos enfants puissent fêter le Centenaire de l’Indépendance et avec des résultats positifs. Parce qu’aujourd’hui, ce qui m’inquiète, c’est qu’on dépense beaucoup d’argent pour fêter alors que dans ce beaucoup d’argent, il y a place pour construire et investir dans l’éducation, dans la santé, dans des trucs qui peuvent changer nos conditions de vie qui nous permettent de fêter le Centenaire. Je fais partie de ceux qui estiment que tant que le bilan n’est pas positif, on ne devra pas fêter. Mais je suis sûr que les Occidentaux vont le faire, parce qu’ils ont donné beaucoup d’argent. Il faudrait le mettre dans un compte là.
Est-ce que d’ici trente ans les choses vont changer, est-ce que d’ici trente ans, on aura la démocratie ?
Tiken Jah : Si on se bat, les choses vont changer. Nous sommes dans un processus de développement. La France, en 1804, elle avait les mêmes problèmes que nous nous avons aujourd’hui, les gens qui se tirent dessus, les coups d’état, y a eu des guerres, des rois qui se sont fait massacrer. C’était atroce, mais ça faisait partie du processus. Aujourd’hui quand il y a des pauvres ici, les Occidentaux qui voient à la télé, c’est des sauvages ou aux guignols comme on les appelle les bougnouls. Donc, nous sommes considérés comme des extraterrestres. Moi, je crois en ce continent. Je pense simplement que si on se bat, si on se mets au dessus des histoires des gens, des histoires d’ethnie, des histoires de richesse, alors que quelque soit la région d’où tu viens, il y a le même problème, il y a des Peuls, il y a des Bambaras, y a des Khassonkés, y a la même réalité. Que vous soyez chrétien ou musulman, vous avez le même problème. Donc il faut essayer d’effacer les histoires de religion. En Côte d’Ivoire, c’est la même chose à cause des histoires de religions, on a la même situation. Par rapport à la Côte d’Ivoire, je fais partie des Ivoiriens qui sont partis dire au peuple ivoirien de laisser rejeter la candidature. Mais ce n’est pas à vous de rejeter la candidature. Ma conscience est intacte et je ne me reproche rien parce que s’ils m’avaient écouté, depuis les élections de 95, les Ivoiriens auraient accepté ou rejeté Alassane Ouattara et ceux qui sont morts seraient vivants aujourd’hui. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai répondu sur la situation en Guinée. Il faut tout faire pour sauter l’étape de la guerre en Guinée. Aujourd’hui, on a un problème. Le problème c’est que le Président guinéen, les opposants, ils n’en veulent pas. Si on les fait pas asseoir autour d’une table pour les faire discuter maintenant, ça sera à nouveau 500 000 morts.
On a essayé de la faire à Ouagadougou avec le médiateur
Tiken Jah : Il faut les obliger à le faire. Le problème aussi c’est que les Chefs des Etats Africains ne veulent pas s’impliquer. Quand la guerre va se déclarer, tu vas les voir à Marcoussis, on va voir de l’argent qui va atterrir ici. C’est pour cela que j’ai dit aux Français tout à l’heure et je demande à tous les chefs de l’Etat africains, si on intervient pas maintenant, si il y a la guerre civile, vous allez trouver ça bon ? Il faut sauter l’étape de la guerre en Guinée et ça passera par un Gouvernement d’union nationale, un Premier Ministre de consensus qui est libre et qui n’est pas candidat. Le scénario ivoirien est un exemple notable aujourd’hui. Guillaume Soro, chef de la rébellion est Premier Ministre, il n’est pas candidat et celui-ci réclame même des élections. Donc on peut bien trouver quelqu’un d’honnête en Guinée qui va organiser les élections et que tout le monde soit intéressé. Je fais partie des gens qui sont allés voir Dadis Camara et qui lui ont donné des conseils. Il n’a pas écouté mes conseils, car il a été pris dans un piège parce que lui il a dit qu’il ne voulait pas se présenter. Il a dit qu’il ne pouvait pas se présenter, mais il n’a pas demandé l’avis des militaires. Il n’a plus qu’à attendre que les militaires soient seuls au pouvoir et toi tu arrives et tu dis Dadis moi je m’en vais. Donc voilà un peu comment la situation est. Je pense qu’aujourd’hui il faut les asseoir autour d’une table pour demander des élections, mettre la barre au milieu et celui qui la prend le plus vite, il devient le président de la commission.
Les militaires sont en Guinée depuis trente quatre ans, mais est-ce que la Guinée peut s’en sortir ? Est-ce qu’on a besoin du CNDD ? On a été en Guinée Conakry au mois de juillet et on a vu les exactions, les gens qui se font arrêter. Est-ce qu’on peut s’en sortir avec les militaires ?
Tiken Jah : Je pense que chaque peuple, chaque pays a ses réalités. Donc ce n’est pas un choix du CNDD ou un choix de toutes les façons. C’est un choix de tout faire pour qu’il n’y ait pas une guerre civile. Donc il faut trouver les solutions et les solutions, c’est le dialogue. L’armée guinéenne et l’administration ont besoin d’être organisés. C’est un pays vierge où il y a un foutoir pas possible. Donc on a besoin de créer une période de transition et pendant la transition qui va être dirigée par un Premier Ministre de consensus, il faut en profiter pour organiser l’armée, organiser l’administration, et puis après, au bout d’un an ou deux, organiser des élections et tenir les élections. Nicolas Sarkozy est Hongrois d’origine et pendant les élections, les Français n’ont posé aucun problème. Donc le pouvoir a été donné au Peuple. On a un autre exemple flagrant, les Etats Unis. Quand un Noir devient Président des Etats Unis. Si tu avais dit aux gens, il y a trois ans, il y a un Noir qui va être élu aux Etats-Unis, ils auraient dit « arrête tes conneries, laisse-moi dormir ». Yes we can ! Donc tout le monde peut. Tout ce qu’on peut faire, c’est pousser ces gens à aller autour de la table. Je ne soutiens personne. Les artistes qui soutiennent tout le monde, ils vont au Palais de La Culture et on te donne l’argent. Mais je pense que ça ne fait pas partie du reggae et donc ça ne fait pas partie de ma mission. Et je souhaite simplement qu’on évite les futurs morts. Donc j’ai envie qu’on assoit les gens autour d’une table pour discuter et sans rejeter qui que ce soit.
Tiken, Dadis est-il mort ou vivant ?
Tiken Jah : Oui il est vivant, je lui ai parlé deux fois au téléphone !
journaldumali