Le réalisateur américain, Clint Eastwood, vient de mettre à l’écran l’histoire tragique du peuple sud-africain. Avec en toile de fond, la période douloureuse de l`apartheid.
Une légende vivante pour les Sud-Africains noirs et un sport roi pour les Afrikaners serviront les aspirations légitimes à l’unité nationale de la nouvelle Afrique du Sud née en 1994 à la faveur des premières élections démocratiques. Invictus de Clint Eastwood, qui sort ce mercredi, dans les salles françaises, est le récit de la stratégie politique mise en œuvre par Nelson Mandela. Sa pierre angulaire : la victoire des Springboks à la Coupe du monde accueillie par l’Afrique du Sud en 1995. Le spectacle est garanti mais pas au point d’en avoir le souffle coupé. Quand bien même la prestation de Morgan Freeman est époustouflante.
1994. Nelson Mandela, après 27 ans d’emprisonnement et de lutte anti-Apartheid, accède à la magistrature suprême de son pays, l’Afrique du Sud. Une victoire pour ses concitoyens noirs qui espèrent enfin faire table rase de ce passé où les Afrikaners étaient les maîtres. L’une des premières décisions que le Congrès national africain (Anc), désormais au pouvoir, tente de prendre est de rebaptiser l’équipe de rubgy, les Springboks, perçue comme étant celle des « Blancs ». Les Noirs soutiennent d’ailleurs toujours systématiquement leurs adversaires. Mandela veut changer la donne et s’opposera au souhait de sa propre formation politique. Ses desseins d’unité nationale ont besoin de ce sport prisé par les Afrikaners. Et la Coupe du monde 1995 est l’occasion rêvée d’y parvenir. Pour cela, il faut convaincre un homme, François Pineaar, le capitaine des verts et or. Le rugby, et surtout la victoire, doivent rallier tous les Sud-Africains. Une première étape indispensable vers la construction de la Nation arc-en-ciel.
Clint Eastwood filme en parallèle les trajectoires des deux protagonistes principaux : Mandela, alias Morgan Freeman, et Pineaar, Matt Damon coaché notamment par Chester Williams qui était en 1995 le seul joueur noir des Springboks. D’un côté, l’intérêt soudain de Mandela est considéré comme une lubie qui le distrairait des vraies préoccupations des Noirs qui l’ont élu : chômage, éducation, pauvreté. De l’autre, la famille afrikaner de Pineaar, ainsi que lui-même, redécouvrent cette Afrique du Sud noire qu’elle a toujours eu sous son nez, en la personne de la femme de ménage. Au centre de ces deux parcours, le rubgy. Clint Eastwood colle le plus possible à la vérité du jeu en soulignant ses aspects les plus techniques à l’écran. Les plans sont aussi serrés sur l’action des joueurs qu’ils sont larges pour décrire l’ambiance dans les gradins. Résultat : la sensation de vivre en direct cette Coupe du monde, exceptionnelle pour l’Afrique du Sud, et dont les ressorts socio-politiques étaient alors inconnus du reste de la planète. Le travail de cinéaste d’Eastwood est impeccable. Peut-être trop pour permettre à son film d’avoir une vie propre.
Pas d’apothéose, de l’euphorie
La partition impressionnante de Morgan Freeman, désigné par l’ancien président sud-africain comme son sosie cinématographie, ne change rien au caractère aseptisé d’Invictus. La performance de l’acteur se situe pourtant au-delà de la simple incarnation de Mandela qui est devenu un ami, depuis leur rencontre en 1994. Invictus est de fait l’hommage cinématographique que le comédien américain tente de rendre depuis plusieurs années à Madiba. Il est à l’origine du projet d’adaptation de Déjouer l’ennemi de l’auteur britannique John Carlin. Une démarche qui a eu la bénédiction de l’ancien président et le « oui» de Clint Eastwood, qui a accepté de réaliser le long métrage à la demande de Morgan Freeman, producteur exécutif d’Invictus. «Toutes les pièces du puzzle se sont assemblées, comme par miracle, en temps et en heure et avec les gens qu’il fallait, note ce dernier. Cela n’arrive pas souvent, et quand ça se produit, on peut y voir un signe du destin». Ce destin qui fait de l’acteur un prisonnier, Geel Piet, dans The Power of one de John G. Avildsen (1992), qui aspire à l’unité des siens dans l’Afrique du Sud des années 1930-1940. Ce pays sera également le décor de l’unique film réalisé à ce jour par Freeman, Bopha (1993). De Geel Piet à Mandela donc, la boucle semble bouclée pour l’acteur américain.
Se laisser emporter par Invictus, c’est céder une fois encore à l’admiration que l’on porte à son héros, Nelson Mandela, à son à-propos politique disséqué, celui qui l’interprète admirablement, Morgan Freeman, et au talent reconnu d’un cinéaste, Clint Eastwood. Cette concession faite, on reste un peu sur sa faim. Qu’espérait-on ? Une apothéose comparable à cette victoire de 1995. On devra se contenter d’un bon film comme l’Afrique du Sud a dû se satisfaire de ce qui n’était qu’une parenthèse euphorique (et sportive) dans la difficile construction d’une Nation Arc-en-ciel où le passif ségrégationniste n’est pas près d’être soldé.
Afrik.com
Une légende vivante pour les Sud-Africains noirs et un sport roi pour les Afrikaners serviront les aspirations légitimes à l’unité nationale de la nouvelle Afrique du Sud née en 1994 à la faveur des premières élections démocratiques. Invictus de Clint Eastwood, qui sort ce mercredi, dans les salles françaises, est le récit de la stratégie politique mise en œuvre par Nelson Mandela. Sa pierre angulaire : la victoire des Springboks à la Coupe du monde accueillie par l’Afrique du Sud en 1995. Le spectacle est garanti mais pas au point d’en avoir le souffle coupé. Quand bien même la prestation de Morgan Freeman est époustouflante.
1994. Nelson Mandela, après 27 ans d’emprisonnement et de lutte anti-Apartheid, accède à la magistrature suprême de son pays, l’Afrique du Sud. Une victoire pour ses concitoyens noirs qui espèrent enfin faire table rase de ce passé où les Afrikaners étaient les maîtres. L’une des premières décisions que le Congrès national africain (Anc), désormais au pouvoir, tente de prendre est de rebaptiser l’équipe de rubgy, les Springboks, perçue comme étant celle des « Blancs ». Les Noirs soutiennent d’ailleurs toujours systématiquement leurs adversaires. Mandela veut changer la donne et s’opposera au souhait de sa propre formation politique. Ses desseins d’unité nationale ont besoin de ce sport prisé par les Afrikaners. Et la Coupe du monde 1995 est l’occasion rêvée d’y parvenir. Pour cela, il faut convaincre un homme, François Pineaar, le capitaine des verts et or. Le rugby, et surtout la victoire, doivent rallier tous les Sud-Africains. Une première étape indispensable vers la construction de la Nation arc-en-ciel.
Clint Eastwood filme en parallèle les trajectoires des deux protagonistes principaux : Mandela, alias Morgan Freeman, et Pineaar, Matt Damon coaché notamment par Chester Williams qui était en 1995 le seul joueur noir des Springboks. D’un côté, l’intérêt soudain de Mandela est considéré comme une lubie qui le distrairait des vraies préoccupations des Noirs qui l’ont élu : chômage, éducation, pauvreté. De l’autre, la famille afrikaner de Pineaar, ainsi que lui-même, redécouvrent cette Afrique du Sud noire qu’elle a toujours eu sous son nez, en la personne de la femme de ménage. Au centre de ces deux parcours, le rubgy. Clint Eastwood colle le plus possible à la vérité du jeu en soulignant ses aspects les plus techniques à l’écran. Les plans sont aussi serrés sur l’action des joueurs qu’ils sont larges pour décrire l’ambiance dans les gradins. Résultat : la sensation de vivre en direct cette Coupe du monde, exceptionnelle pour l’Afrique du Sud, et dont les ressorts socio-politiques étaient alors inconnus du reste de la planète. Le travail de cinéaste d’Eastwood est impeccable. Peut-être trop pour permettre à son film d’avoir une vie propre.
Pas d’apothéose, de l’euphorie
La partition impressionnante de Morgan Freeman, désigné par l’ancien président sud-africain comme son sosie cinématographie, ne change rien au caractère aseptisé d’Invictus. La performance de l’acteur se situe pourtant au-delà de la simple incarnation de Mandela qui est devenu un ami, depuis leur rencontre en 1994. Invictus est de fait l’hommage cinématographique que le comédien américain tente de rendre depuis plusieurs années à Madiba. Il est à l’origine du projet d’adaptation de Déjouer l’ennemi de l’auteur britannique John Carlin. Une démarche qui a eu la bénédiction de l’ancien président et le « oui» de Clint Eastwood, qui a accepté de réaliser le long métrage à la demande de Morgan Freeman, producteur exécutif d’Invictus. «Toutes les pièces du puzzle se sont assemblées, comme par miracle, en temps et en heure et avec les gens qu’il fallait, note ce dernier. Cela n’arrive pas souvent, et quand ça se produit, on peut y voir un signe du destin». Ce destin qui fait de l’acteur un prisonnier, Geel Piet, dans The Power of one de John G. Avildsen (1992), qui aspire à l’unité des siens dans l’Afrique du Sud des années 1930-1940. Ce pays sera également le décor de l’unique film réalisé à ce jour par Freeman, Bopha (1993). De Geel Piet à Mandela donc, la boucle semble bouclée pour l’acteur américain.
Se laisser emporter par Invictus, c’est céder une fois encore à l’admiration que l’on porte à son héros, Nelson Mandela, à son à-propos politique disséqué, celui qui l’interprète admirablement, Morgan Freeman, et au talent reconnu d’un cinéaste, Clint Eastwood. Cette concession faite, on reste un peu sur sa faim. Qu’espérait-on ? Une apothéose comparable à cette victoire de 1995. On devra se contenter d’un bon film comme l’Afrique du Sud a dû se satisfaire de ce qui n’était qu’une parenthèse euphorique (et sportive) dans la difficile construction d’une Nation Arc-en-ciel où le passif ségrégationniste n’est pas près d’être soldé.
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