L’enseignement primaire est en proie à de sérieux problèmes dans les zones centre nord et ouest (Cno). Le taux de scolarisation s’améliore certes, mais le déficit d’enseignants et le nombre d’enfants non déclarés à l’état civil vont grandissants au fil des années. Le cas du Denguélé est très patent. .
Il est 10h ce jeudi 15 janvier. Nous sommes dans la vaste cour qui abrite les inspections de l’enseignement primaire(Iep) de la région du Denguélé. Le directeur de l’Ecole primaire publique (Epp) de Tiékorodougou, village de la sous-préfecture de Dioulatiédougou, à 80km d’Odienné, est venu rappeler à l’inspecteur que son établissement attend encore des enseignants. Dans cette école nouvellement créée, il est le seul maître face à ses nombreux écoliers. Juste à côté de lui, c’est le directeur de l’Epp Zégbao, dans la sous-préfecture de Séguélon (60 km d’Odienné), qui plaide auprès de M. Amara Fofana, le responsable des ressources humaines à l’Iep 2, pour qu’on lui envoie des enseignants. « Nous sommes obligés, dit-il d’un ton invocateur, de faire des classes jumelées pour pallier quelque peu le déficit d’enseignants. Pensez à nous dès que vous aurez des stagiaires sous la main », souhaite-t-il. Face à cette situation, les parents d’élèves se tournent vers les inspections primaires qui sont les gestionnaires de l’enseignement primaire. Le ballet des parents d’élèves et des directeurs d’écoles dans les locaux pour combler le déficit d’enseignants est continuel. Ils convergent de presque partout dans le Denguélé pour exposer leurs besoins. Les inspections primaires de la région se trouvent toutes dans la ville d’Odienné. Dans la même enceinte, le bâtiment abrite l’ensemble des quatre inspections. Dès qu’on franchit le portail, à droite, on peut lire ‘’Iep Odienné 1’’. En attendant d’être officiellement installées, les nouvelles inspections de Minignan et de Madinani siègent dans les mêmes locaux. Pour être servi, il faut se déplacer « Si vous ne venez pas signaler vos besoins, on vous oubliera », signale un inspecteur. Ce manque d’enseignants concerne presque tous les villages du Denguélé. En effet, la nouvelle inspection de Madinani qui couvre plus de 18 écoles ne dispose que de 75 enseignants actuellement en fonction pour couvrir les besoins attendus par son inspection composée de 75 écoles primaires. L’Iep Minignan chiffre à 97 son déficit d’instituteurs. A en croire ces spécialistes de l’éducation, le déficit s’estime à près de 500 enseignants cette année. « Cette année, nous n’en avons reçu qu’une quarantaine, alors que nos besoins atteignent des centaines ». Le départ en formation des enseignants volontaires a encore creusé le trou déjà béant que constituait le déficit de maîtres. Dans des écoles primaires du Denguélé.
L’exode des enseignants vers les villes
Durant la crise, ces enseignants volontaires avaient pris le relais dans plusieurs localités, mais, ils ont été envoyés se former, laissant derrière eux, les classes vacantes. La conséquence de ce manque criant d’enseignants entraîne la faiblesse du niveau des écoliers et la fatigue des enseignants submergés par des effectifs exorbitants. La zone est certes classée parmi celles dont le taux de scolarisation est faible, mais la moyenne dans certaines écoles atteint 50 élèves par classe. Les enseignants qui procèdent au jumelage des classes se retrouvent avec 100 élèves par classe.
«Nous n’avons pas d’enseignants dans la plupart de nos écoles, alors qu’en ville, ils se marchent dessus, c’est regrettable. Le comble, c’est que le peu qu’on nous envoie ne reste pas», s’indigne Koné Abdoulaye, parent d’élèves à Goulia (90 km d’Odienné). A la suite d’un interrogatoire que nous avons réalisé avec certains enseignants, il ressort que 9 sur 10 souhaitent enseigner en ville, à défaut de quitter la région. Cette conclusion est confirmée par le Cpi et l’Iep d’Odienné 1, M. Fadiga Kanvaly. « Chaque année, nous recevons de nombreuses demandes de réaffectation. Malgré notre vœu de les voir servir ici, beaucoup d’enseignants réussissent à partir. Cette année, nous avons enregistré une dizaine de départs », regrette-t-il. Les conditions de vie dans ces villages dépourvus pour la plupart d’infrastructures de base, notamment sanitaires et de divertissement (telle que la radio et la télévision) sont difficiles.
On épargne pour se faire réaffecter ailleurs
C’est la première cause des départs. Même si aujourd’hui, la plupart des villages sont dotés d’un minimum de ces infrastructures, force est de reconnaître que le niveau de développement de ces village est loin d’atteindre celui des grandes villes. Certes, les entreprises de téléphonie mobile (Orange et Mtn) ont couvert la plupart de nos villages, résolvant quelque peu le problème d’enclavement auquel les enseignants sont confrontés. Mais, la plupart d’entre eux n’aiment pas travailler dans les villages. M. Fadiga Kanvaly pense plutôt que ces enseignants se rapprochent des villes pour continuer leurs études. Face à cela, il préconise qu’il faut accélérer la construction des universités dans tous les chefs-lieux de régions.
L’affectation dans les villages est même considérée comme une sanction à leur endroit. Seuls les stagiaires n’ont pas le choix. Dans certains villages, tous les enseignants sont des stagiaires. L’aide des populations sur le plan nutritionnel et logement leur est utile. Mais lorsque leurs situations salariales s’améliorent, ils font des économies pour venir se faire réaffecter dans les lieux de leur choix. Les parents d’élèves conçoivent mal que ces maîtres pour qui ils se sont saignés veuillent les quitter dès que leur situation se régularise. On parle même d’ingratitude dans certains villages. « Dès qu’ils ont les moyens, ils vont corrompre les patrons au ministère (de l’Education nationale) pour se faire muter ailleurs. Et généralement, on nous envoie encore un stagiaire que nous devons prendre en charge. C’est très difficile. Mais, que voulez-vous ? Nous sommes obligés d’accepter ce sacrifice si nous voulons que nos enfants aillent à l’école », dénonce un parent d’élèves de Kaniasso. Celui-ci souhaite que l’Etat trouve une solution pour maintenir les enseignants dans les écoles rurales. Il suggère au gouvernement d’imposer un certain nombre d’années aux enseignants dans le lieu de leur premier poste, avant que ceux-ci ne prétendent à une réaffectation. D’ailleurs les populations ne sont pas les seules à être sollicitées pour aider les nouveaux enseignants. Leurs collègues qui exercent déjà dans le village apportent beaucoup. A Goulia par exemple, le conseiller pédagogique, M. Foromo Mamadou, par ailleurs directeur de l’Epp Goulia 1 s’occupe de ses stagiaires. «J’assure leur nourriture. Pour le logement, nous avons trouvé une chambre dans le village pour loger trois d’entre eux», révèle-t-il. A Kahanso, les parents d’élèves donnent un coup de main au directeur de l’école. La tendance générale est certes de s’orienter dans les villes pour enseigner, mais, certains instituteurs préfèrent rester dans les villages. Et ils en tirent bien profit. Sékongo Ténéna, enseignant à la retraite dit avoir fait toute sa carrière d’instituteur dans le milieu rural. La retraite paisible dont il jouit a été préparée dans ces villages. Il dispose de plusieurs parcs de bœufs. Ses plantations de riz et de maïs s’étendent sur des dizaines d’hectares. Il possède des maisons dans la plupart des grandes villes du pays. «Sans un peu d’ingéniosité, je n’aurais jamais réussi une telle entreprise. Tout est une question de planification. Il faut que nos jeunes le comprennent», conseille le retraité.
Tenin Bè Ousmane à Odienné
Il est 10h ce jeudi 15 janvier. Nous sommes dans la vaste cour qui abrite les inspections de l’enseignement primaire(Iep) de la région du Denguélé. Le directeur de l’Ecole primaire publique (Epp) de Tiékorodougou, village de la sous-préfecture de Dioulatiédougou, à 80km d’Odienné, est venu rappeler à l’inspecteur que son établissement attend encore des enseignants. Dans cette école nouvellement créée, il est le seul maître face à ses nombreux écoliers. Juste à côté de lui, c’est le directeur de l’Epp Zégbao, dans la sous-préfecture de Séguélon (60 km d’Odienné), qui plaide auprès de M. Amara Fofana, le responsable des ressources humaines à l’Iep 2, pour qu’on lui envoie des enseignants. « Nous sommes obligés, dit-il d’un ton invocateur, de faire des classes jumelées pour pallier quelque peu le déficit d’enseignants. Pensez à nous dès que vous aurez des stagiaires sous la main », souhaite-t-il. Face à cette situation, les parents d’élèves se tournent vers les inspections primaires qui sont les gestionnaires de l’enseignement primaire. Le ballet des parents d’élèves et des directeurs d’écoles dans les locaux pour combler le déficit d’enseignants est continuel. Ils convergent de presque partout dans le Denguélé pour exposer leurs besoins. Les inspections primaires de la région se trouvent toutes dans la ville d’Odienné. Dans la même enceinte, le bâtiment abrite l’ensemble des quatre inspections. Dès qu’on franchit le portail, à droite, on peut lire ‘’Iep Odienné 1’’. En attendant d’être officiellement installées, les nouvelles inspections de Minignan et de Madinani siègent dans les mêmes locaux. Pour être servi, il faut se déplacer « Si vous ne venez pas signaler vos besoins, on vous oubliera », signale un inspecteur. Ce manque d’enseignants concerne presque tous les villages du Denguélé. En effet, la nouvelle inspection de Madinani qui couvre plus de 18 écoles ne dispose que de 75 enseignants actuellement en fonction pour couvrir les besoins attendus par son inspection composée de 75 écoles primaires. L’Iep Minignan chiffre à 97 son déficit d’instituteurs. A en croire ces spécialistes de l’éducation, le déficit s’estime à près de 500 enseignants cette année. « Cette année, nous n’en avons reçu qu’une quarantaine, alors que nos besoins atteignent des centaines ». Le départ en formation des enseignants volontaires a encore creusé le trou déjà béant que constituait le déficit de maîtres. Dans des écoles primaires du Denguélé.
L’exode des enseignants vers les villes
Durant la crise, ces enseignants volontaires avaient pris le relais dans plusieurs localités, mais, ils ont été envoyés se former, laissant derrière eux, les classes vacantes. La conséquence de ce manque criant d’enseignants entraîne la faiblesse du niveau des écoliers et la fatigue des enseignants submergés par des effectifs exorbitants. La zone est certes classée parmi celles dont le taux de scolarisation est faible, mais la moyenne dans certaines écoles atteint 50 élèves par classe. Les enseignants qui procèdent au jumelage des classes se retrouvent avec 100 élèves par classe.
«Nous n’avons pas d’enseignants dans la plupart de nos écoles, alors qu’en ville, ils se marchent dessus, c’est regrettable. Le comble, c’est que le peu qu’on nous envoie ne reste pas», s’indigne Koné Abdoulaye, parent d’élèves à Goulia (90 km d’Odienné). A la suite d’un interrogatoire que nous avons réalisé avec certains enseignants, il ressort que 9 sur 10 souhaitent enseigner en ville, à défaut de quitter la région. Cette conclusion est confirmée par le Cpi et l’Iep d’Odienné 1, M. Fadiga Kanvaly. « Chaque année, nous recevons de nombreuses demandes de réaffectation. Malgré notre vœu de les voir servir ici, beaucoup d’enseignants réussissent à partir. Cette année, nous avons enregistré une dizaine de départs », regrette-t-il. Les conditions de vie dans ces villages dépourvus pour la plupart d’infrastructures de base, notamment sanitaires et de divertissement (telle que la radio et la télévision) sont difficiles.
On épargne pour se faire réaffecter ailleurs
C’est la première cause des départs. Même si aujourd’hui, la plupart des villages sont dotés d’un minimum de ces infrastructures, force est de reconnaître que le niveau de développement de ces village est loin d’atteindre celui des grandes villes. Certes, les entreprises de téléphonie mobile (Orange et Mtn) ont couvert la plupart de nos villages, résolvant quelque peu le problème d’enclavement auquel les enseignants sont confrontés. Mais, la plupart d’entre eux n’aiment pas travailler dans les villages. M. Fadiga Kanvaly pense plutôt que ces enseignants se rapprochent des villes pour continuer leurs études. Face à cela, il préconise qu’il faut accélérer la construction des universités dans tous les chefs-lieux de régions.
L’affectation dans les villages est même considérée comme une sanction à leur endroit. Seuls les stagiaires n’ont pas le choix. Dans certains villages, tous les enseignants sont des stagiaires. L’aide des populations sur le plan nutritionnel et logement leur est utile. Mais lorsque leurs situations salariales s’améliorent, ils font des économies pour venir se faire réaffecter dans les lieux de leur choix. Les parents d’élèves conçoivent mal que ces maîtres pour qui ils se sont saignés veuillent les quitter dès que leur situation se régularise. On parle même d’ingratitude dans certains villages. « Dès qu’ils ont les moyens, ils vont corrompre les patrons au ministère (de l’Education nationale) pour se faire muter ailleurs. Et généralement, on nous envoie encore un stagiaire que nous devons prendre en charge. C’est très difficile. Mais, que voulez-vous ? Nous sommes obligés d’accepter ce sacrifice si nous voulons que nos enfants aillent à l’école », dénonce un parent d’élèves de Kaniasso. Celui-ci souhaite que l’Etat trouve une solution pour maintenir les enseignants dans les écoles rurales. Il suggère au gouvernement d’imposer un certain nombre d’années aux enseignants dans le lieu de leur premier poste, avant que ceux-ci ne prétendent à une réaffectation. D’ailleurs les populations ne sont pas les seules à être sollicitées pour aider les nouveaux enseignants. Leurs collègues qui exercent déjà dans le village apportent beaucoup. A Goulia par exemple, le conseiller pédagogique, M. Foromo Mamadou, par ailleurs directeur de l’Epp Goulia 1 s’occupe de ses stagiaires. «J’assure leur nourriture. Pour le logement, nous avons trouvé une chambre dans le village pour loger trois d’entre eux», révèle-t-il. A Kahanso, les parents d’élèves donnent un coup de main au directeur de l’école. La tendance générale est certes de s’orienter dans les villes pour enseigner, mais, certains instituteurs préfèrent rester dans les villages. Et ils en tirent bien profit. Sékongo Ténéna, enseignant à la retraite dit avoir fait toute sa carrière d’instituteur dans le milieu rural. La retraite paisible dont il jouit a été préparée dans ces villages. Il dispose de plusieurs parcs de bœufs. Ses plantations de riz et de maïs s’étendent sur des dizaines d’hectares. Il possède des maisons dans la plupart des grandes villes du pays. «Sans un peu d’ingéniosité, je n’aurais jamais réussi une telle entreprise. Tout est une question de planification. Il faut que nos jeunes le comprennent», conseille le retraité.
Tenin Bè Ousmane à Odienné