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Politique Publié le lundi 8 février 2010 | Le Patriote

Mesure de suspension du Patriote par le CNP - Interview / Charles Sanga (Directeur de publication) : “Le Patriote ne se reniera pas pour faire plaisir au CNP”

Le Patriote a été suspendu par le CNP. Trois jours durant, le Quotidien a manqué dans les kiosques. Dans cette parution, Charles Sanga, le Directeur de publication du journal, fait des précisions.

Le Patriote : Trois jours sans paraître, ça a dû être long pour le Patriote. Comment avez-vous vécu cette absence dans les kiosques ?

Charles Sanga : Comme une éternité. Evidemment, depuis le 5 juillet 1999 qu’il existe sur le marché national, c’est la première fois que le Quotidien est frappé d’une telle sanction. Pour nous qui avons fait du combat contre l’injustice, l’exclusion et l’arbitraire, un sacerdoce, vous comprenez que notre absence a dû laisser un très grand vide pendant cette période où la Côte d’Ivoire semble, une fois de plus, marcher sur la tête. Mais, nous sommes de retour et bel et bien de retour pour occuper la place qui est la nôtre.


L .P. : Avec le recul, comment analysez-vous cette sanction du CNP ?

C.S. : Pour rejoindre les propos du Rédacteur en chef, nous avons tous, au niveau du Quotidien ressenti cela comme une injustice, un arbitraire qui ne se justifie pas. Le Conseil National de la Presse, dans son long réquisitoire, n’a pas réussi à convaincre pas plus qu’il n’est parvenu à remettre en cause la pertinence des informations que nous avons données. C’est le problème dans nos pays sous-développés. Les gens ont plus tendance à ne s’intéresser au contenant qu’au contenu. Dans les quatre articles incriminés, nous avons posé des problèmes de fond. Nous attendons toujours d’être contredits par Eugène Kacou et ses amis. Il n’est pas demandé au CNP d’interpréter les articles encore moins de se muer en avocat-défenseur des mauvaises causes. La loi sur la presse est suffisamment claire sur les missions de cette organisation. Nous ne pense pas non plus qu’il y ait été dit que le CNP devrait demander aux journalistes de ne pas dire la vérité. Au Patriote, nous dirons toujours la vérité, quoi que cela nous coûte. Il revient aux Ivoiriens de nous juger. Nous allons continuer de prévenir sur les risques que court notre Nation face aux dérives ivoiritaires, xénophobes de certains de nos dirigeants. Ce sont des termes que nous assumons totalement.


L.P. : Selon vous, que reproche exactement le CNP au Patriote ?

C.S. : Je ne saurais vous dire. Mais, à la lecture de la décision rédigée par le nouveau Secrétaire général, Me Bourgoin, qui, me semble-t-il, s’arroge de plus en plus les pouvoirs de président de l’institution, il nous est reproché quatre articles. Prenons-les, l’un après l’autre.
Nous avons écrit que Charles Blé Goudé avait obtenu frauduleusement une licence à l’Université. Les faits sont avérés. C’était en 2001, le Pr. Toro Séry qui l’y a aidé, n’a-t-il pas été sanctionné ? Un tel homme qui obtient de manière malhonnête, un diplôme universitaire, à notre avis, ne peut pas être un exemple à promouvoir dans une société qui se veut de probité et qui plus, est désigné Directeur de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle. Le débat de fond est celui-là. Quel exemple veut-on donner à la jeunesse, quand on lui envoie quelqu’un qui a passé neuf ans au premier cycle de l’université pour, en fin de compte, n’obtenir qu’un faux diplôme ? En ce qui concerne l’article sur les événements de mars 2004, ces tueries ont bel et bien été élucidées par une enquête de l’ONU qui a conclu à la responsabilité des forces parallèles dirigées depuis le Palais présidentiel. Le CNP est-il devenu un appendice du FPI pour dire que la marche n’était pas autorisée et donc justifier les tueries qui s’en sont suivies ? Pourquoi alors Eugène Kacou et ses amis refusent-ils que l’on dise que c’est Laurent Gbagbo qui a occasionné les tueries ? N’est-il pas le chef suprême des armées ? Quand le FPI crie à tort et à travers qu’Houphouët-Boigny a massacré des milliers de Guébié, ont-ils une fois vu l’ancien chef de l’Etat sur le théâtre des opérations ? Il faut savoir être sérieux.


L.P. : Voyez-vous derrière cette sanction, une volonté manifeste de bâillonner le Patriote, surtout que votre quotidien a été très incisif ces derniers jours ?

C.S. : Certainement. Sinon, rien d’autre ne peut expliquer cette décision qui nous est tombée comme un couperet. Le CNP n’a pas pour seule vocation, de sanction. Depuis un certain temps, nous les voyions venir à travers des blâmes et des avertissements à la pelle. Nous avons l’impression que le nouveau Secrétaire général du CNP et certains membres du Conseil, ainsi que le président maintenu à son poste, par la volonté de Gbagbo, sont en mission commandée. La période que nous traversons, nécessite en effet qu’il y ait moins d’analyses critiques sur le jeu de leur chef Laurent Gbagbo. C’est lui qui les a nommés et ils veulent lui faire plaisir au lieu d’appliquer la loi. C’est peine perdue. Au Patriote, nous ne connaissons pas le langage du bâillon. La Constitution ivoirienne nous garantit le droit et la liberté d’informer. Le public a aussi un droit à l’information. Qu’on nous laisse tranquille.


L.P. : D’aucuns murmurent que cette sanction est un avant-goût de ce qui attend « Le Patriote » dans les prochaines semaines. Partagez-vous ce sentiment ?

C.S. : Ces appréhensions sont légitimes. Dans tous les cas, nous prenons les organisations nationales et internationales à témoin. Car, on sent que le régime Gbagbo et tous ses bras séculiers que sont le CNCA, le CNP, la RTI et autres, paniquent. Nous croyons que la sagesse visitera les uns et les autres afin qu’ils comprennent que le temps où on faisait peur au Patriote est révolu. Nous en avons vues, des vertes et des pas mûres. Nous n’allons pas permettre à quelques individus qui ne jouissent d’aucune légitimité, parce que n’ayant pas le droit de figurer au sein du Conseil, de mettre en péril l’existence d’une entreprise de presse qui compte dans le paysage médiatique ivoirien. Nous nous battrons avec nos moyens, afin que cela n’arrive pas.


L.P. : Allez-vous, après cette sanction, « tirer le frein à mains » ? Autrement dit « Le Patriote » va t-il être moins agressif désormais ?

C.S. : La période que nous traversons, nous le reconnaissons, recommande la responsabilité des acteurs, les journalistes y compris. Mais en même temps, il faut dire que la presse n’est que le miroir de la société dans laquelle elle évolue. Quand un monsieur comme Sokouri Bohui s’échine à démontrer qu’un leader politique ivoirien est étranger, quand des ministres et des députés de la République, dressent une liste de plusieurs milliers de personnes, les accusant d’être étrangères sur la simple base de la consonance de leur nom, quand des magistrats violent une procédure établie par leur hiérarchie dans le cadre du contentieux, pour faire plaisir à un clan politique, cela ne peut traduire que l’effroi. Ceux-ci ne sont rien moins que des tribalistes et des xénophobes. Ils doivent en être fiers. Je ne crois pas qu’en France, Jean-Marie Le Pen et le Front National soient complexés quand on les accuse de xénophobie. C’est le qualificatif qui sied au FPI d’aujourd’hui. Nous allons continuer de dire que c’est rouge parce que c’est rouge. Les Ivoiriens n’attendent pas de nous que nous transigions avec l’objectivité. Autrement, c’est nous qui deviendrons des menteurs. Parce qu’on occulterait la vérité pour faire plaisir à des individus. Cela n’est pas de notre culture. Nous ne nous renierons pas pour faire plaisir. Jamais !


L.P. : Justement quelles leçons tirez-vous de cette pause forcée et quel Patriote verrons-nous à partir d’aujourd’hui ?

C.S. : La première leçon, est que nous avons senti qu’autour de notre Quotidien, de milliers d’Ivoiriens se reconnaissent. Il y a eu une forte solidarité autour de nous. Nous comprenons désormais que nous avons une grande responsabilité dans le processus et nous ne devons pas la trahir. Nous allons continuer d’être à l’avant-garde du combat pour des élections libres et transparentes afin que le peuple ivoirien puisse se prononcer librement et qu’un environnement sain s’installe pour permettre aux entreprises, dont la nôtre, de s’épanouir.


L.P. : La direction générale du RDR s’est rendue à votre rédaction pour vous témoigner son soutien. Considérez-vous cela comme un appel à la persévérance ?

C.S. : Mieux, un encouragement à la résistance contre les forces antidémocratiques. Vous savez, entre le RDR et le Patriote, c’est une histoire. C’est l’histoire d’un parti politique combattu mais toujours debout, qui traverse le temps et s’impose. C’est l’histoire d’un journal haï parce qu’il dérange une certaine classe sociale qui a tendance à vampiriser les caisses publiques et à instaurer la mal gouvernance. Le RDR est le Patriote font un dans ce combat contre l’exclusion et la division des Ivoiriens. La présence dans nos locaux d’Henriette Diabaté, d’Amadou Gon Coulibaly, d’Hamed Bakayoko et de Kandia Camara nous est allée droit au cœur. Nous leur avons promis que nous tiendrons bon. Mais au-delà, c’est à l’ensemble des Ivoiriens qui nous ont témoigné leur sympathie de manière ouverte ou anonyme, que nous disons merci.


L.P. : Vous n’avez donc pas été présent dans les kiosques durant trois jours. A combien estimez-vous le préjudice?

C.S. : Le préjudice est de plusieurs ordres. Pour un journal comme le nôtre, il est d’abord moral. Il est difficile de mesurer toute la peine qu’ont ressentie les rédacteurs et le personnel de ne pouvoir répondre présents au rendez-vous quotidien avec les lecteurs, les annonceurs et les partenaires. Vous savez, Le Patriote c’est un label. En 2004, alors que nos locaux venaient d’être incendiés par les partisans de Gbagbo, l’Union de la Presse Francophone, nous décernait le « Prix de la libre expression ». A Abidjan, comme partout dans le monde, notre suspension a suscité beaucoup d’émotions et de réprobations. Au plan financier, le préjudice est énorme. Nous remercions d’ailleurs nos lecteurs d’ici et d’ailleurs qui ont spontanément décidé de mener des actions pour nous permettre de le combler. Certains ont même promis nous soutenir financièrement afin que nous fassions face à nos charges après cette sanction qui vise à nous étouffer. La lutte continue.


L.P. : Quelle suite réservez-vous à cette affaire ?

C.S. : Nous n’allons pas en rester là. Nous allons porter plainte contre le CNP pour abus et dénoncer son illégimité. Nous pensons qu’il est temps que le ministre de la Communication se penche sur cette institution. Depuis la prise des décrets d’application de la loi n° 2004 – 643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse, le fonctionnement et la composition du CNP, n’ont pas changé. Il continue de fonctionner avec d’anciens membres désignés, alors que visiblement, certains sont frappés d’incapacité L’Article 43 de la Loi est pourtant clair : « Les membres du Conseil National de la Presse peuvent également être révoqués s’ils exercent directement des fonctions ou détiennent une participation dans une entreprise liée au secteur de la Presse, de l’Edition ou de la Audiovisuelle, à l’exception des professionnels de la communication ».

Pourtant, vous avez dans le Conseil, les gens comme Jean-Baptiste Akrou, DG de Fraternité Matin, Ferro Baly, Rédacteur en chef à Fraternité Matin . Felix Nanihiio actuel Secrétaire général du CNCA y siège. Des noms comme Bamba Cheick Daniel, Bernadette Kapet, Konan Payne, Yaya Diomandé, Bébo Tollys, ont été tous remplacés depuis deux ans. De 17 le Conseil a désormais 11 membres aujourd’hui. C’est un groupuscule qui se réunit chaque fois pour infliger des peines absurdes aux journaux. ça suffit ! Ils n’ont plus le droit de siéger au sein du Conseil. Nous allons écrire au ministre de la Communication et aux organisations professionnelles de la presse afin que s’engage le combat pour le renouvellement des instances du Conseil. Nous croyons qu’un CNP légitime, cela pourrait l’amener à ne pas se comporter en Léviathan ou en appendice d’un parti politique. Dorénavant, nous considérons Eugène Kacou et ses amis comme illégitimes et tous les actes qu’ils poseront seront frappés du sceau de l’illégitimité.

Réalisée par Sangaré Yacouba
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