Abbé Souroukou Raphaël (Paroisse St Kizito de Williamsville) aux fidèles : “Mettons fin aux “affairages’’ pendant le carême”

Demain, les fidèles catholiques entameront la période de carême dans la prière qui, au terme de 40 jours d’abstinence et de privation, va aboutir à la célébration de Pâques. A la veille de ce moment hautement spirituel, le curé de la paroisse St Kizito de Williamsville, l’abbé Souroukou Raphaël, donne des conseils aux fidèles.


Pouvez-vous rappeler le sens du Carême ?

Carême est un mot latin qui veut dire quarante. Quadragesima. Dans la Bible, c’est un temps d’attente. Jésus a passé 40 jours dans le désert, pendant 40 ans, le peuple d’Israël est resté dans le désert. Quarante est un temps d’attente et de préparation en vue d’un changement. Chez les chrétiens, c’est aussi un temps de pénitence et de changement d’attitude.


Que doit faire le chrétien pendant cette période ?

C’est un temps d’effort personnel. Chez les catholiques, l’accent n’est pas mis sur la nourriture. On peut, par exemple, faire le jeûne de la parole si on est quelqu’un de bavard. Il y a des gens qui sont ‘’ satellites’’. Ils captent toutes les nouvelles pour pouvoir ‘’s’affairer’’ (s’adonner à des commérages). Pendant le temps de carême, ils doivent faire un effort pour fermer les satellites et arrêter les médisances. C’est un engagement qu’il faut poursuivre après le carême. J’ai l’habitude de dire à mes fidèles de manger s’ils ne peuvent pas se priver de nourriture. L’accent est mis sur le changement intérieur. C’est un temps d’efforts personnels qui commence par le mercredi des cendres et qui finit par le vendredi saint.

Y a-t-il des prières particulières à dire durant ces 40 jours ?

Il n’y a pas de prières particulières à faire. Ce que l’église propose, c’est de se retrouver tous les vendredis au chemin de croix. Le chemin de croix où on médite, on prie. L’église conseille deux jours de jeûne, le mercredi des cendres et le vendredi saint, jeûne et abstinence de viande, de tabac et d’alcool obligatoire. En dehors de ces interdits, chacun fait sa pénitence comme il le peut, tout en prenant des engagements qu’il doit respecter après le carême.


Y a-t-il des interdits ?

La privation que l’église impose est celle que j’ai citée plus haut, à savoir le jeûne et l’abstinence obligatoire de consommer la viande, le tabac et l’alcool le mercredi des cendres et le vendredi saint. En dehors de cela, si je suis un adepte des boîtes de nuit, pendant le temps de carême, je fais l’effort de diminuer ou même de ne plus les fréquenter. Si je suis colérique, je fais l’effort pour ne pas m’énerver beaucoup. Chacun sait ce qu’il doit faire comme effort.


Qu’en est-il des relations se­xuelles ?

La loi de l’église dit : quand on n’est pas marié, on ne va pas avec une femme. On n’a pas besoin d’être dans le temps de carême pour le réaliser. Pour ceux qui sont mariés devant Dieu et devant les hommes, on ne peut pas leur interdire cela. Même à ce niveau, ce n’est pas parce qu’on est marié que la femme ne doit pas se reposer ou que l’homme ne doit pas se reposer. Il ne faut pas en abuser. Il faut plutôt, pendant le temps de carême, privilégier la tendresse et l’attention.


Et les amants qui décident de s’abstenir de rapports sexuels pendant le carême ?

L’effort du carême n’est pas pour un temps. Si on prend l’engagement de vivre la chasteté, ce n’est pas pour faire le carême. Il faut qu’après les 40 jours, je continue la chasteté. Dans le cas contraire, il n’y aurait pas eu d’effort fait. L’effort doit se poursuivre au-delà du temps de carême. Et c’est souvent l’erreur que beaucoup de chrétiens font. Pendant cette période, il y a des personnes qui sont des ‘’saints’’ et après, ils redeviennent ce qu’ils étaient auparavant. Non, ce n’est pas cela le carême. Ce n’est pas une affaire de stand-by.


Entre celui qui est dans la fornication et qui s’abstient pendant le temps de carême et celui qui est tout le temps dans la fornication, lequel des deux a du mérite ?

Le péché est péché. Je prends souvent cette image pour le faire comprendre aux fidèles. Le serpent est un animal venimeux. Que ce soit un petit ou un gros serpent qui te mord, c’est toujours dangereux. C’est pour dire qu’on arrête pendant un temps pour reprendre après, c’est comme si on n’avait pas arrêté. Par exemple, quand on finit de laver un habit et qu’on le remet dans la boue, on n’a rien fait.


Qu’est-ce que la cendre représente dans le carême ?

Elle représente tout ce qui est éphémère. C’est pour dire que tout est vanité. La vie est éphémère. L’homme est une rose qui brille à midi et qui meurt le soir. C’est pour cela qu’en mettant la cendre sur le front des fidèles, on leur dit : souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.


Quel rapport y-a-t-il entre le Mardi gras et le carême ?

Comme son nom l’indique, c’est un jour où on mange beaucoup. C’est un jour festif avant le temps de pénitence. Les gens dansent et font la fête avant le début du temps de pénitence. Ce n’est pas une fête chrétienne mais populaire. Dans certaines villes comme Rio de Janeiro, il y a le carnaval qui finit ce jour-là.

Des conseils aux chrétiens pour mieux aborder cette période de pénitence.
Le carême, c’est 40 jours, chacun doit faire un effort pour changer quelque chose en lui et surtout respecter cet engagement après. Nous avons tous un effort à faire surtout par rapport à la situation sociopolitique du pays. On doit prier et même s’il le faut jeûner pour que la paix revienne. Chacun doit faire un bilan pendant ce temps. Chacun doit faire son mea-culpa, ce qu’il reconnaît comme erreur et qu’il doit changer. Et ce qu’il doit faire comme effort pour s’améliorer, dans la mesure où personne n’est juste devant Dieu. Nous devons être un, amour, vérité, pardon et réconciliation.


Interview réalisée par Adélaïde Konin