Le secrétaire du Comité national de la finance islamique dévoile, dans cet entretien, comment les institutions financières islamiques parviennent à faire des profits tout en prohibant les activités basées sur l’intérêt.
Pourquoi les institutions financières islamiques interdisent elles l’intérêt ?
L’interdiction de l’intérêt par les institutions financières islamiques a une origine religieuse. Dans la deuxième sourate du Coran, La vache, Dieu mentionne la prohibition de l’intérêt du verset 275 au verset 279. Il nous dit qu’il a rendu licite le commerce mais il a prohibé toute activité basée sur l’intérêt. Il faut souligner que cette interdiction n’est pas propre qu’aux musulmans. Dans les religions chrétienne et juive, des versets interdisent la pratique des activités basées sur l’intérêt.
Comment peuvent-elles alors faire du profit?
Toute institution financière classique fait face à ses charges d’exploitation en pratiquant l’intérêt. Les banques islamiques ont leur mode de faire du profit.
Elles pratiquent ce qu’on appelle la ‘’moucharaka’’ qui est une participation au capital. C’est une manière de prendre des parts dans le capital d’une entreprise en constitution. Cela signifie qu’elles sont coactionnaires et qu’elles investissent sur le champ de l’activité commerciale. Cela leur permet de faire des bénéfices. En lieu et place de l’intérêt, Dieu nous propose une solution: l’activité génératrice de marges bénéficiaires.
Lorsque celles-ci sont acquises, les intérêts sont partagés entre la banque et ses partenaires. Ce sont ces bénéfices qui vont permettre aux banques islamiques de faire face à ses charges d’exploitation et d’investissement.
La clé de répartition des bénéfices est-elle définie selon le Coran?
Non. Elle n’est pas définie selon le Coran. Elle est simplement contractuelle. Quand une personne vient voir une banque islamique, il y a une convention qui est signée. Cette convention définit dès le départ la somme qui revient à chaque partie. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas à tout moment que l’entreprise réalise des bénéfices. En cas de pertes, celles-ci sont aussi supportées à la hauteur de chaque participation au capital.
C’est donc un investissement à risques… Effectivement. Les banques islamiques font une finance à risques. Elles acceptent de perdre contrairement aux autres banques. Cependant, nous prenons le maximum de précautions pour ne pas en arriver là.
Quelles sont ces précautions?
Nous assistons notre partenaire dans la gestion de son activité contrairement aux banques classiques qui ne se préoccupent pas de l’utilisation des prêts qu’elles accordent à leurs partenaires. Ce n’est pas de la coercition que nous faisons.
Nous n’intervenons pas ou n’influençons pas la gestion des entreprises. Mais, nous faisons du coaching. Nous donnons le maximum de conseils à nos partenaires pour que les affaires marchent. Il y va de l’intérêt de tous.
Les profits générés par la moucharaka suffisent-ils pour faire face à vos charges ?
Si les fondamentaux de gestion sont suivis, les banques islamiques font plus de profits que les banques classiques. Les banques islamiques peuvent, en effet, avoir près de 50% de marges bénéficiaires en lieu et place des 18% de taux d’intérêt. C’est plus rentable.
Peut-on dire dans ce cas que les institutions financières islamiques sont crédibles?
Oui. D’ailleurs, à la faveur de la crise financière mondiale, on a constaté que les banques islamiques n’ont pas été directement touchées du fait qu’elles ne fonctionnent pas avec les intérêts. Elles ne font pas de spéculations. Elles n’investissent pas non plus dans des secteurs dits à risque. Il s’agit des secteurs tels que le commerce d’alcool, de drogue ou de viande de porc qui sont illicites au regard de la loi islamique. Nous ne finançons pas ce genre de projet.
Cela veut-il dire que les non musulmans ne peuvent pas avoir accès à la finance islamique?
Non, pas du tout. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui bénéficiaire des prêts de la Banque islamique de développement (Bid). Les institutions financières islamiques sont ouvertes, au-delà des clivages religieux, à toute personne. Un chrétien, un juif ou toute autre personne peut bénéficier de prêts. A preuve, dans notre structure qui est en phase de constitution, nous avons des non musulmans. Nous leur octroyons des prêts à condition qu’ils adhèrent aux statuts et règlements. Dans le contrat que nous signons, nous leur faisons savoir que nous ne pouvons pas financer, par exemple, une ferme d’élevage de porc ou un débit de boisson alcoolisée.
De quels moyens dispose une structure comme la vôtre pour contrôler l’utilisation des prêts octroyés ?
C’est à ce niveau que la finance islamique se démarque des autres. Nous intervenons tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des entreprises que nous finançons. Raouda Finance dispose d’un cabinet d’étude et d’expertise qui va sur le terrain pour cela. Il va à la rencontre de nos partenaires. Il suit leur gestion et leurs états. C’est ce qui nous permet d’avoir un droit de regard sur ce qui est fait avec notre argent.
La finance islamique peut-elle être une solution à la récession qui a secoué le monde en 2008?
Au regard des informations dont nous disposons sur la crise financière mondiale, on peut dire aujourd’hui que la finance islamique est la solution inéluctable à la crise financière mondiale. Depuis la crise financière de 1929 jusqu’à celle de 2008, les institutions financières ont toujours proposé les mêmes solutions qui produisent les mêmes conséquences.
Avec la finance islamique, on pourrait proposer des solutions viables. Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, avait d’ailleurs souhaité l’année dernière que la Grande-Bretagne soit la plaque tournante de la finance islamique. Et ce pays est en train de le devenir. Ils sont en train de mettre en place des institutions académiques pour former des experts à la finance islamique. Ce n’est pas fortuit. C’est un Etat organisé. Les Etats- Unis et la France suivent le pas même si celle-ci est un peu hésitante.
Est-ce le cas en Côte d’Ivoire?
Les autorités actuelles sont beaucoup favorables à l’implantation de la finance islamique. La Bid a commencé à s’implanter en Côte d’Ivoire en débloquant un important fonds pour la restructuration de l’autoroute du Nord. Elle lui a aus
Réalisée par Nimatoulaye Ba
Pourquoi les institutions financières islamiques interdisent elles l’intérêt ?
L’interdiction de l’intérêt par les institutions financières islamiques a une origine religieuse. Dans la deuxième sourate du Coran, La vache, Dieu mentionne la prohibition de l’intérêt du verset 275 au verset 279. Il nous dit qu’il a rendu licite le commerce mais il a prohibé toute activité basée sur l’intérêt. Il faut souligner que cette interdiction n’est pas propre qu’aux musulmans. Dans les religions chrétienne et juive, des versets interdisent la pratique des activités basées sur l’intérêt.
Comment peuvent-elles alors faire du profit?
Toute institution financière classique fait face à ses charges d’exploitation en pratiquant l’intérêt. Les banques islamiques ont leur mode de faire du profit.
Elles pratiquent ce qu’on appelle la ‘’moucharaka’’ qui est une participation au capital. C’est une manière de prendre des parts dans le capital d’une entreprise en constitution. Cela signifie qu’elles sont coactionnaires et qu’elles investissent sur le champ de l’activité commerciale. Cela leur permet de faire des bénéfices. En lieu et place de l’intérêt, Dieu nous propose une solution: l’activité génératrice de marges bénéficiaires.
Lorsque celles-ci sont acquises, les intérêts sont partagés entre la banque et ses partenaires. Ce sont ces bénéfices qui vont permettre aux banques islamiques de faire face à ses charges d’exploitation et d’investissement.
La clé de répartition des bénéfices est-elle définie selon le Coran?
Non. Elle n’est pas définie selon le Coran. Elle est simplement contractuelle. Quand une personne vient voir une banque islamique, il y a une convention qui est signée. Cette convention définit dès le départ la somme qui revient à chaque partie. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas à tout moment que l’entreprise réalise des bénéfices. En cas de pertes, celles-ci sont aussi supportées à la hauteur de chaque participation au capital.
C’est donc un investissement à risques… Effectivement. Les banques islamiques font une finance à risques. Elles acceptent de perdre contrairement aux autres banques. Cependant, nous prenons le maximum de précautions pour ne pas en arriver là.
Quelles sont ces précautions?
Nous assistons notre partenaire dans la gestion de son activité contrairement aux banques classiques qui ne se préoccupent pas de l’utilisation des prêts qu’elles accordent à leurs partenaires. Ce n’est pas de la coercition que nous faisons.
Nous n’intervenons pas ou n’influençons pas la gestion des entreprises. Mais, nous faisons du coaching. Nous donnons le maximum de conseils à nos partenaires pour que les affaires marchent. Il y va de l’intérêt de tous.
Les profits générés par la moucharaka suffisent-ils pour faire face à vos charges ?
Si les fondamentaux de gestion sont suivis, les banques islamiques font plus de profits que les banques classiques. Les banques islamiques peuvent, en effet, avoir près de 50% de marges bénéficiaires en lieu et place des 18% de taux d’intérêt. C’est plus rentable.
Peut-on dire dans ce cas que les institutions financières islamiques sont crédibles?
Oui. D’ailleurs, à la faveur de la crise financière mondiale, on a constaté que les banques islamiques n’ont pas été directement touchées du fait qu’elles ne fonctionnent pas avec les intérêts. Elles ne font pas de spéculations. Elles n’investissent pas non plus dans des secteurs dits à risque. Il s’agit des secteurs tels que le commerce d’alcool, de drogue ou de viande de porc qui sont illicites au regard de la loi islamique. Nous ne finançons pas ce genre de projet.
Cela veut-il dire que les non musulmans ne peuvent pas avoir accès à la finance islamique?
Non, pas du tout. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui bénéficiaire des prêts de la Banque islamique de développement (Bid). Les institutions financières islamiques sont ouvertes, au-delà des clivages religieux, à toute personne. Un chrétien, un juif ou toute autre personne peut bénéficier de prêts. A preuve, dans notre structure qui est en phase de constitution, nous avons des non musulmans. Nous leur octroyons des prêts à condition qu’ils adhèrent aux statuts et règlements. Dans le contrat que nous signons, nous leur faisons savoir que nous ne pouvons pas financer, par exemple, une ferme d’élevage de porc ou un débit de boisson alcoolisée.
De quels moyens dispose une structure comme la vôtre pour contrôler l’utilisation des prêts octroyés ?
C’est à ce niveau que la finance islamique se démarque des autres. Nous intervenons tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des entreprises que nous finançons. Raouda Finance dispose d’un cabinet d’étude et d’expertise qui va sur le terrain pour cela. Il va à la rencontre de nos partenaires. Il suit leur gestion et leurs états. C’est ce qui nous permet d’avoir un droit de regard sur ce qui est fait avec notre argent.
La finance islamique peut-elle être une solution à la récession qui a secoué le monde en 2008?
Au regard des informations dont nous disposons sur la crise financière mondiale, on peut dire aujourd’hui que la finance islamique est la solution inéluctable à la crise financière mondiale. Depuis la crise financière de 1929 jusqu’à celle de 2008, les institutions financières ont toujours proposé les mêmes solutions qui produisent les mêmes conséquences.
Avec la finance islamique, on pourrait proposer des solutions viables. Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, avait d’ailleurs souhaité l’année dernière que la Grande-Bretagne soit la plaque tournante de la finance islamique. Et ce pays est en train de le devenir. Ils sont en train de mettre en place des institutions académiques pour former des experts à la finance islamique. Ce n’est pas fortuit. C’est un Etat organisé. Les Etats- Unis et la France suivent le pas même si celle-ci est un peu hésitante.
Est-ce le cas en Côte d’Ivoire?
Les autorités actuelles sont beaucoup favorables à l’implantation de la finance islamique. La Bid a commencé à s’implanter en Côte d’Ivoire en débloquant un important fonds pour la restructuration de l’autoroute du Nord. Elle lui a aus
Réalisée par Nimatoulaye Ba