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Économie Publié le mercredi 17 mars 2010 | Le Patriote

Interview/ Joël N’guessan (porte-parole d’ADO): "Le délestage va durer encore deux à trois ans"

Le discours du chef de l’Etat sur le dossier du délestage soulève plus de questions qu’il n’en a résolues. Le ministre Joël N’Guessan, porte-parole du candidat Alassane Ouattara, se prononce sur l’intervention du chef de l’Etat.

Le Patriote : Le Président Gbagbo vient d’annoncer la fin du délestage pour les prochains jours. Que vous inspire sa déclaration ?
J.N. : Les Ivoiriens sont habitués aux promesses de Gbagbo. Il faut vraiment être naïf pour continuer à lui faire confiance et croire que cette fois-ci, il va tenir sa promesse. La fin du délestage ce n’est pas pour demain. Vous verrez que le vendredi, le délestage continuera. Ce qui confirmera une fois de plus, le discours démagogique que la Refondation sert aux ivoiriens depuis 10 ans. Il faut qu’ils arrêtent de se moquer de la souffrance des populations ivoiriennes. Je vous fais remarquer que le Président Gbagbo a mis près de deux mois avant de s’impliquer dans le dossier du délestage. Deux mois pendant lesquels il a préféré faire de la politique politicienne en créant de la diversion avec sa double dissolution de la CEI et du Gouvernement. Je reste persuadé qu’il a créé cette diversion pour ne pas avoir à affronter la grogne du peuple qui souffre énormément des effets du délestage.

L.P. : Qu’est ce qui vous fait dire que le délestage va continuer ?
JN : Je vous informe, si vous ne le savez pas déjà, que l’installation de deux centrales thermiques d’appoint d’une capacité de production totale de 105 mégawatts ne se fait pas en un jour ni en une semaine. Il faut d’abord les transporter du lieu où elles se trouvent jusqu’au site où elles seront installées. Ensuite, il faut les tester pour être sûr qu’elles ne vont pas créer des dysfonctionnements ou des perturbations sur le réseau électrique en place. Alors, quand Gbagbo annonce que dans une semaine ce sera la fin du délestage, soit il a une méconnaissance totale des exigences du secteur électrique, soit il se moque des ivoiriens. J’ose espérer que ce n’est pas la seconde hypothèse.

L.P. : Il a aussi annoncé que la Côte d’Ivoire va importer de l’électricité pour faire face à la demande
J.N . : Cela n’est pas nouveau. Pour importer de l’électricité, il faut que l’interconnexion existe. Je vous fais remarquer que l’interconnexion Ghana-Côte d’Ivoire a été réalisée sous Félix Houphouët BOIGNY au temps de l’ex-EECI. Depuis cette période, la Côte d’Ivoire et le Ghana échangent de l’électricité. Quand les barrages hydroélectriques de la Côte d’Ivoire sont pleins, pour éviter d’ouvrir les vannes et procéder au déversement de l’eau, notre pays vend de l’électricité au Ghana. En retour, une fois que nous sommes en déficit de production, le Ghana nous ravitaille. C’est un mécanisme qui a été mis en place au moment de la signature des accords d’interconnexion. Donc le Président Gbagbo devrait rendre un hommage particulier à Félix Houphouët BOIGNY et l’ex PDG de l’EECI, Monsieur Konan Lambert, pour avoir su gérer le secteur avec une grande vision. Lui qui en 10 ans n’a réalisé aucun investissement pour assurer l’équilibre énergétique de la Côte d’Ivoire, devrait avoir le profil bas sur ce dossier.

L.P. : Les partisans du Président Gbagbo prétendent que c’est le Premier Ministre Ouattara qui est à la base des problèmes d’électricité que nous connaissons car il aurait procédé à une mauvaise privatisation. Qu’en dites-vous ?
J.N. : Vous avez dit les partisans de Gbagbo. Que peuvent-ils dire d’autre surtout qu’ils sont partisans. Ils sont tellement hantés par les succès de Ouattara qu’ils sont prêts à raconter n’importe quoi. Sachez que je suis un ancien cadre de l’EECI. Donc, je pense en toute humilité que j’ai une connaissance du dossier de l’énergie électrique dans mon pays. De quoi s’agit-il concernant la privatisation de l’électricité ? La privatisation était devenue un impératif pour sauver ce secteur qui connaissait un déficit financier important. Plus de 200 milliards à la fin des années 80. Il faut comprendre que ce déficit était dû à deux facteurs essentiels. D’une part, la baisse drastique du niveau d’eau dans les barrages du fait de la longue sécheresse qu’a connue la Côte d’Ivoire à partir de 1983, ce qui a obligé la Direction Générale de l’ex EECI à construire et installer en toute urgence la centrale à gaz de Vridi pour répondre à la demande d’électricité. Cela a nécessité d’importants investissements financiers. D’autre part, la politique sociale du Président Félix Houphouët BOIGNY qui voulait que l’électricité arrive dans le plus petit hameau de Côte d’Ivoire en vue d’y apporter le modernisme. Cette politique sociale avait un coût, financé sur les fonds propres de l’EECI. C’est pour sauver le secteur que le Président Ouattara a procédé à la privatisation. Cela a permis de sauver des milliers d’emplois directs et des centaines de milliers d’emplois indirects et surtout cela a créé les conditions de l’équilibre énergétique de la Côte d‘Ivoire. La privatisation a eu pour conséquence de rendre la Côte d’Ivoire exportatrice d’électricité. Alors quand les partisans de Gbagbo n’ont rien à dire, nous leur demandons de se taire, car à trop parler d’un sujet dont ils n’ont pas la science, ils se ridiculisent.

L.P. : Vous avez dit que le secteur connaissait un déficit de plus de 200 milliards. Est-ce à dire que sous Félix Houphouët BOIGNY l’électricité était mal gérée ?
J .N. : Il n’en est rien. Pour vous permettre de comprendre, sachez que pour électrifier la case d’un paysan à Péguékaha chez Fologo, ou à Mama chez le Président Gbagbo, il faut construire un barrage pour produire l’électricité. Le coût de ce type d’ouvrage dépasse la centaine de milliards de nos francs. Par la suite, il faut transporter l’électricité à travers des lignes hautes tensions sur des centaines de kilomètres. Le transport de l’électricité nécessite la construction de postes et de lignes Hautes tensions. Il s’agit ici aussi d’investissements qui se chiffrent en centaines de milliards de francs CFA. Et tous ces investissements, l’EECI les faisait sur fonds propres. Une fois l’électricité produite et transportée à coup de centaines de milliards arrive dans le village de Péguékaha ou de Mama, le paysan paie une somme symbolique de 2000 ou 5000 FCFA pour sa consommation. Vous comprenez que le secteur ne pouvait qu’être déficitaire car les produits attendus ne pouvaient pas couvrir les charges ainsi que le coût des énormes investissements réalisés. L’électricité n’était pas mal gérée sous Félix Houphouët BOIGNY. C’était des investissements qu’il fallait réaliser pour assurer le bien-être de nos populations. En jetant un regard objectif et rétrospectif sur les investissements réalisés pour assurer l’indépendance énergétique de notre pays, sous Houphouët, Ouattara et Bédié, (6 barrages électriques, 4 centrales thermiques, des milliers de kilomètres de lignes hautes tensions et moyennes tensions, des dizaines de postes transformateurs, etc.), on ne peut qu’être fier de ce qui a été fait. Malheureusement, les refondateurs sont venus pour tout détruire. En 10 ans, ils n’ont pas été capables d’installer un seul ouvrage de production d’électricité ni d’en améliorer le réseau de transport et de distribution.

L.P. : Les refondateurs avancent que c’est la guerre qui ne leur a pas permis de réaliser ces investissements. Que répondez-vous à cela ?
J.N. : Nous sommes habitués à ce type de discours devenu la marque déposée des refondateurs. Voici des gens qui mettent tout sur le compte de la guerre. Ils ont l’art de rejeter sur les autres, les problèmes qu’ils ne savent pas gérer. A la fin, cela devient puéril et ridicule. Ils se comportent comme des mauvais garnements ou des adultes non émancipés qui accusent les autres à longueur de journées d’être responsables de ce qui leur arrive. Eux ils ne sont responsables de rien. Vous savez, les centaines de milliards évaporés dans la filière café-cacao auraient pu régler le problème du déficit énergétique de la Côte d’Ivoire. Les villas et les immeubles qui poussent partout à Abidjan prouvent que la guerre a fait de nombreux heureux dans les rangs de la refondation. Ils n’ont pas pu réaliser les investissements nécessaires à l’équilibre énergétique de notre pays parce qu’ils n’ont pas de vision prospective, ou tout simplement, ils n’ont pas de vision du tout. Ils font de la gestion par poussée, la tête dans le guidon. Donc ils ne peuvent pas anticiper. Et pourtant tout était prévisible.

L.P. : Comment cela était-il possible ? Expliquez-vous mieux ?
J.N. : Pour faire simple, sachez que les besoins de consommation d’électricité augmentent de 5% l’an. Ce qui fait qu’au bout de 10 ans, la consommation aura augmenté de plus de 50%. Ce qui veut dire qu’il faut prévoir de produire pour satisfaire cette augmentation continue des besoins. Alors, quand on ne produit pas, on ne peut pas distribuer. Et pourtant, nos amis refondateurs annoncent sans cesse à coup de propagande qu’ils ont électrifié de centaines de villages. C’est vraiment irresponsable de consommer sans produire. D’ailleurs, je vous fais remarquer que c’est un des traits du comportement des refondateurs. Ils consomment sans avoir produit. Ils vivent et prospèrent sur ce que leurs prédécesseurs ont mis en place pour après tout détruire. Je vais vous donner un exemple. Dans la commune de Yopougon, il existait des couloirs réservés à la construction de lignes hautes tensions afin de terminer la ceinture de transport d’électricité de la ville d’Abidjan pour assurer un bon équilibre du réseau. Sachez qu’à la date d’aujourd’hui, les terrains contenus dans ce couloir ont été morcelés, lotis et vendus. Ce qui va rendre plus complexe et plus onéreux la construction de ces lignes hautes tensions.

L.P. Pensez-vous que le délestage prendra fin dans les brefs délais ?
J.N. : Le délestage dans sa forme actuelle pourra, certainement, être atténué dans quelques mois. Les experts du BNETD et de la CIE parlent de 3 à 4 mois. Pour ma part, je ne crois pas que le délestage prendra fin avant 2 ou 3 ans, tant que les gros investissements nécessaires à l’équilibre, ne sont pas réalisés. Je fais remarquer au passage que le délestage a véritablement commencé depuis 2008. Les populations de certaines villes de l’intérieur du pays peuvent l’attester car depuis 2008, elles subissent des coupures intempestives de courant.

L.P. : deux ou trois ans avant la fin du délestage, n’est ce pas exagéré?
J.N. : Je n’exagère pas. Voyez vous, les centrales thermiques ne sont pas des biens qu’on achète dans les supermarchés. Il faut les construire. Il faut passer commande chez les constructeurs. Le délai minimum pour construire une centrale thermique c’est au moins 24 mois soit 2 ans. De même on n’achète pas au marché une centrale hydraulique. L’on estime à sept ans le temps nécessaire à la construction du barrage de Soubré dont les études sont terminées depuis belle lurette. La fin du délestage veut dire que l’on produit de l’électricité en quantité suffisante pour satisfaire la demande. Ce qui ne sera pas le cas si les investissements dont je viens de parler ne sont pas réalisés.

L.P. : Voulez-vous dire que le futur Président élu aura encore à traiter le dossier du délestage ?
J.N. : Oui ce dossier sera encore présent après l’élection présidentielle. Je peux vous dire que le Président Ouattara a la solution à ce problème. Il ne fera pas du saupoudrage comme c’est le cas en ce moment. Dans son programme, il accorde une large place à l’indépendance énergétique de la Côte d’Ivoire. Je sais, entres autres, qu’il va immédiatement lancer la construction du barrage de Soubré pour apporter une réponse durable à la crise de l’électricité. Il a aussi prévu un barrage à San-Pedro. Il entend aussi doter les villages de moins de cinq cents habitants d’unités autonomes de production. Le coût de réalisation de ces infrastructures est déjà disponible. Par ailleurs, le candidat Alassane Ouattara envisage mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables. Croyez-moi, il a les compétences et les hommes pour relever le défi. Il sortira la Côte d’Ivoire du trou noir dans lequel les refondateurs l’ont plongée.

Réalisée par Charles Sanga
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