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Politique Publié le jeudi 25 mars 2010 | Nuit & Jour

Camp présidentiel – Forces Nouvelles : Le clash se précise

Remise au goût du jour depuis quelque temps, la question du désarmement des ex-combattants des Forces Nouvelles alimente de nouveau la controverse politique. Trois ans après la signature de l’accord politique de Ouagadougou, le camp présidentiel et l’ex-rébellion, ses auteurs, entretiennent un véritable et curieux dialogue de sourds sur ce point de cette convention pourtant née de leur seule volonté. Au point qu’une rupture entre les deux camps se dessine avec de plus en plus netteté.

C’est de nouveau l’escalade entre le camp présidentiel et les Forces Nouvelles. Comme aux temps ante mars 2007 où les deux parties n’avaient pas encore signé l’Accord politique de Ouagadougou. Et une fois de plus, c’est la sempiternelle question du désarmement des ex-combattants de l’ex-mouvement rebelle qui est en train d’effriter une entente que l’on croyait irréversible. Sauf pour les observateurs les plus attentifs des relations entre les signataires de l’accord de Ouaga. Qui avaient prédit dès l’aube de cette convention que le désarmement serait inévitablement le point sur lequel elles achopperaient. Et manifestement, c’est leur réalisme qui s’impose aujourd’hui. Car camp présidentiel et Forces Nouvelles sont au bout du chemin et ont totalement épuisé tout ce qui pouvait les unir. Dès lors, s’ouvre un autre chemin qui, pour être parcouru main dans la main, requiert que les deux parties fassent une nouvelle écriture et lecture de leur convention. Car, la compréhension qu’elles en ont chacune de son côté dissone tellement avec celle de l’autre, qu’il est manifestement devenu impossible qu’elles puissent avancer ensemble aujourd’hui. Et ce n’est pas la rencontre qu’une délégation des Forces Nouvelles conduite par le ministre d’Etat, Koné Mamadou, a eue avec la direction du FPI au domicile de Pascal Affi N’guessan le lundi 22 mars 2010, qui y changera quelque chose. Puisque les deux parties se sont quittées, selon des sources proches de cette rencontre de 3 heures, chacune plus que jamais campée sur ses positions qu’elles disent « non négociables », même si elles essaient de dédramatiser cette situation ».

Le camp présidentiel se braque

On se rappelle que subodorant un rebondissement de la question du désarmement, le Premier ministre Guillaume Soro, à peine sorti de la crise de la Cei et du gouvernement, s’était précipité à Bouaké pour arracher aux directions militaire et politique de son mouvement un chronogramme solennel du désarmement de leurs ex-combattants. Ainsi, a-t-il obtenu que cette opération ait lieu un (1) mois avant la date de l’élection présidentielle et que le Président de la République élu soit chargé de procéder à la réunification des deux armées.
Mais trop peu pour le camp présidentiel qui attend désormais de son partenaire dans l’Accord de Ouaga bien plus ce genre de promesses que celui-ci a du reste déjà faites moult fois sans les avoir jamais tenues. Ainsi, prenant la parole presqu’au même moment devant le Conseil de sécurité, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à l’ONU, Alcide Djédjé, a copieusement tancé les Forces Nouvelles, les accusant se dérober à l’exécution des engagements pris. Et de faire cette mise en garde formelle : le Président Laurent Gbagbo n’appellera jamais aux élections tant que le désarmement des ex-combattants et la réunification du territoire national ne seront pas entièrement réalisés. Depuis, l’ex-mouvement rebelle va çà et là, dénonçant le choix de cette tribune des Nations Unies pour exposer une telle préoccupation en dehors des cadres prévus par l’accord de Ouaga. Mais aussi le choix du camp présidentiel de subordonner l’organisation des élections au désarmement, alors que ledit accord dissocierait les deux processus. Une lecture du fruit du dialogue direct que ne fait pas du tout le camp présidentiel. Puisqu’il ne relâche plus la pression sur l’ex-rébellion. En tournée dans les régions du Bas-Sassandra et du Fromager, le chef de file de la jeunesse proche du chef de l’Etat, Charles Blé Goudé, a carrément cassé la baraque. Allant jusqu’à dénoncer le fait que Guillaume Soro soit « Premier ministre à Abidjan et chef de d’Etat à Bouaké » et l’a sommé de mettre sans délai un terme à cette ambivalence en se déterminant définitivement. Depuis, les membres du camp présidentiel multiplient les offensives contre les positions de leurs partenaires.

Par delà les seconds couteaux, la bataille des chefs

Naturellement, les Forces Nouvelles ont une autre explication de la levée des boucliers du camp présidentiel : il ne veut pas aller aux élections. Alors se sert-il de l’argument du désarmement et de la réunification qui n’en serait pas un, pour enrober et sublimer ses véritables intentions. Qui, elles, ont pour nom audit de la liste électorale, contentieux électoral et reformes des Cei locales et qu’il aurait du mal à faire passer.
Mais les Forces Nouvelles ont beau éluder la question du désarmement et de la réunification totale du territoire national (disparition complète de toutes formes d’administrations et d’exercice de la force publique par les ex-rebelles, s’entend), cela vide-t-il ce problème de son contenu ? Parce que tous les cinq accords de paix (Marcoussis, Accra I et II, Pretoria et Ouagadougou) et la vingtaine de résolutions de l’ONU qui ont été adoptés pour mettre fin à la crise ivoirienne, ont tous porté à la charge de l’ex-rébellion seulement deux actes à accomplir : le désarmement et la réunification du pays. Mais depuis sept ans, en dehors de quelques actes symboliques (flamme de la paix, suppression de la zone de confiance, lancement du regroupement des ex-combattants), force est de reconnaître que l’ex-mouvement rebelle n’a en rien exécuté sa part d’obligation. Puisque les zones Centre-Nord-Ouest (CNO) sont toujours sous son administration. Se réjouissant d’avoir le contrôle du gouvernement de l’Etat de Côte d’Ivoire, tout en ne faisant véritablement rien pour transférer l’administration effective de la zone CNO à ce même gouvernement. Quoique ‘’ex’’ depuis trois ans, les chefs de guerre gardent-ils ainsi toujours leurs territoires conquis sous leur contrôle, y exerçant toutes les prérogatives relevant de l’Etat et supplantant le semblant de présence qu’il y entretient à travers celle des préfets et sous-préfets. Ce, sans égard pour le fait que leur leader est le Premier ministre de la Côte d’Ivoire depuis 2007. Comment le camp présidentiel ne saurait-il pas avoir le sentiment légitime qu’il se fait posséder par les Forces Nouvelles, particulièrement depuis la signature de l’accord de Ouaga?
Et là où le problème devient plus sérieux, c’est qu’il ne serait pas exagéré d’affirmer que ce sentiment peut bien être celui du chef de l’Etat Laurent Gbagbo qui a apposé sa signature au bas de l’accord de Ouaga avec Guillaume Soro et sous le contrôle du Président burkinabé, Blaise Compaoré. En mettant en avant l’organisation des élections, tout en maintenant sous l’eau les volets désarmement et réunification du pays, les Forces Nouvelles, à l’évidence, ne craignent pas de montrer à Laurent Gbagbo qu’il a signé cet accord uniquement pour qu’il soit emmené à organiser les élections et pas plus que cela. Or, il est notoire que le désarmement et la réunification du pays sont les deux principales revendications auxquelles le chef de l’Etat s’accroche depuis octobre 2002 où il a accepté le cessez-le-feu qui a ouvert la voie aux négociations de paix. En tant que tel, il n’y a donc pas lieu d’être un devin pour savoir et comprendre tout le mal que Laurent Gbagbo pense de cette exécution unilatérale des accords de paix et singulièrement de celui de Ouaga, qui ne se fait qu’à son seul détriment. Sous cet angle, il serait vraiment trompeur de penser que l’ambassadeur Alcide Djédjé et Charles Blé Goudé qui sont connus pour être deux hommes très proches du chef de l’Etat, aient pris le pari de dénoncer publiquement le refus des Forces Nouvelles de désarmer et de réunifier le pays sans qu’ils n’aient eu la caution de leur mentor. Tous deux ont ainsi porté haut les pensées et les sentiments profonds de Laurent Gbagbo. Et ce message, il est clair que Guillaume Soro l’a bien saisi.

Les FN mettent l’accord de Ouaga en danger !

Mais alors, les directions politique et militaire des Forces Nouvelles font-elles la même lecture de la situation que leur secrétaire général ? Manifestement non ! Puisqu’elles ne comprennent pas que la position de celui-ci est plus que jamais intenable. Après tout ce que le chef de l’Etat leur a concédé, imaginent-elles que celui-ci va s’en aller à l’organisation des élections sans qu’il n’exige de son Premier ministre l’exécution de sa part de l’accord que tout deux ont signé ? Il faut être certain que le moment est arrivé pour que Guillaume Soro de ne plus continuer à être assis entre deux chaises. Or, comment ne pas reconnaître que le leader des Forces Nouvelles avait réussi à négocier une sortie très favorable de la crise pour son mouvement ! Une rébellion, quelque soit sa durée, finissant toujours par connaître un terme, à travers l’accord de Ouaga, Guillaume Soro a sagement donné la priorité à la satisfaction des revendications sociopolitiques et militaires de son mouvement. Et le chef de l’Etat les lui a pratiquement toutes accordées. Mieux, Guillaume Soro a fait des rebelles des ‘’ex’’, au point qu’ils sont redevenus fréquentables et se baladent sans la moindre inquiétude dans tous les coins et recoins de la zone gouvernementale. Mais, ce sont tous ces acquis que les Forces Nouvelles risquent à présent de réduire à néant en poussant leur leader au devant d’un clash avec le chef de l’Etat. Car, en peut lire aisément la fracture entre Guillaume Soro et le reste de son mouvement sur la question du désarmement et la réunification du pays. Il est ainsi incontestablement que l’aile militaire des Forces Nouvelles (FAFN) ne veut pas désarmer, tout comme les ex-chefs de guerre ne veulent pas rendre l’administration de leurs zones et secteurs aux préfets. Sinon, comment comprendre qu’en plein processus de désarmement, Chérif Ousmane ait formé 5.000 commandos l’année dernière ? Maître Affoussy Bamba peut bien dire que le désarmement n’est pas une condition à l’organisation des élections. Mais si les deux processus sont dissociés, comment comprendre dès lors que les Forces Nouvelles n’aient regroupé leurs combattants et stocké leurs armes depuis le 22 décembre 2007 comme stipulé par l’accord complémentaire 3 à l’accord de Ouaga, plutôt que le processus militaire lise la trajectoire du processus électoral ? Pour le dire franchement, en l’état actuel du processus de sortie de crise, les ex-rebelles n’ont plus aucune raison de ne pas désarmer. Sinon de compliquer la tâche de Guillaume Soro et même de réduire à zéro ses nombreux acquis pour le retour de la paix, en l’exposant à un sérieux conflit avec le chef de l’Etat. Car, Laurent Gbagbo s’accommoderait-il toujours du secrétaire général des Forces Nouvelles comme Premier ministre si finalement celui-ci ne peut produire le désarmement et la réunification du pays, raison pour laquelle il avait congédié Seydou Diarra et Charles Konan Banny ? Nul n’a intérêt à ce que l’Accord de Ouaga échoue. Et les ex-rebelles devraient comprendre que si les FDS n’avaient pas gagné la guerre, les FAFN ne l’avaient emporté non plus. D’où cet accord de paix.

Yves Blondel
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