Ils sont régulièrement dans les rues du Plateau et de Treichville, toujours prêts à aider. Mais attention, ces margouillats se jouent de la misère des populations avec de gros intérêts obligeant leurs clients à leur être toujours redevables.
Il a à peine la trentaine. Diawara Mamadou, ce jeune homme d’un air serein et d’une capacité oratoire ne laisse personne indifférent. Au Plateau, il fait le bonheur de nombre de personnes qui traversent des situations financières difficiles. M. Diawara répond également favorablement aux personnes qui sollicitent des fonds pour la réalisation de projets. A la moindre sollicitation, cet usurier n’hésite pas à satisfaire le client qui vient lui demander un prêt. Et c’est généralement cela l’attitude de ces personnes, toujours disponibles à aider à ceux qui les sollicitent. Le phénomène des usuriers communément appelés « margouillats » a fini par gagner du terrain dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Pis, il s’est accentué avec l’avènement de la crise ivoirienne qui a fragilisé le tissu socioéconomique et favorisé de nombreux cas de chômage. Les margouillats ont deux principaux nids dans la ville d’Abidjan. Ils sont présents dans la commune de Treichville et surtout au Plateau qui est un lieu de convergence des travailleurs et des hommes d’affaires. Ils rôdent autour des banques, de la Cotivoirienne et dans des endroits d’attroupement d’hommes. Notamment dans les grands restaurants à midi où certains fonctionnaires et des agents de l’Etat se retrouvent pour prendre des repas et partager des pots. Sur le terrain, les gros margouillats sont tapis dans l’ombre et les petits, eux, sont en avant, en train de chercher qui prendre au filet. Et les méthodes d’approche sont connues de tous.
Les techniques d’approches
Devant les banques, ils ont des méthodes par lesquelles ils parviennent à attirer des clients. Ils vous approchent et vous lancent un doux ‘’bonjour’’. Ensuite, ils enchaînent avec une question qui a trait à la situation socioéconomique. Tout de suite, ils essaient de se familiariser avec vous et cherchent à connaître vos difficultés. Si l’interlocuteur est dans un besoin sérieux d’argent, il reste accroché aux lèvres du margouillat. Ce dernier sait toujours user de la rhétorique pour convaincre. Aussi, à travers ses propositions, il fait miroiter le bonheur à son client en acceptant de l’accompagner dans tous ses financements relatifs à la réalisation de ses projets ou à la résolution de ses problèmes. Très vite un terrain d’entente est trouvé, et un partenariat est signé. Une fois l’accord signé, selon Diawara, le client est libre de définir les modalités de paiement de sa dette. Cependant, le taux d’intérêt pour le remboursement n’est pas négligeable. D. Mamadou précise qu’il s’élève à 50%. «Ce taux peut varier selon la fidélité du client, l’importance du prêt et certaines affinités. Mais il ne peut descendre en dessous de 30% », explique Diawara. « Quel que soit le montant du prêt, le margouillat peut toujours vous aider. Et peu importe le nombre de clients», ajoute Djourou Gbê (crédit propre, Ndlr), un autre usurier. Ces richesses inépuisables des margouillats suscitent de nombreuses interrogations : Qui est caché derrière ces hommes ? D’où ces sans emplois et sans entreprises tirent-ils ces gros fonds pour financer des gens ?
Selon certaines sources, ces usuriers sont des pions. En effet, ces sources indiquent que les vrais financiers seraient des banquiers. Elles révèlent qu’au sein de chaque banque et des structures de finance, il existe des personnes spécialisées dans cette opération. C’est une sorte d’entreprise parallèle dans les banques et les structures de finances pour recueillir des intérêts. Ceux qui sont sur le terrain pour chercher et convaincre les clients sont certainement des « démarcheurs » auprès des structures financières. Mais Djourou Gbê dément cette version des faits. Il soutient que chaque usurier travaille pour son propre compte : « C’est une activité que nous avons nous-mêmes mise sur pied. Nous l’avons commencée suite aux nombreuses difficultés que rencontrent les agents et fonctionnaires de l’Etat face à leurs banques. Lorsqu’ils sont dans les difficultés, ils ont du mal à avoir facilement des prêts auprès des banques. Or chez nous, ils sont rapidement servis. C’est ce qui explique leur affluence vers nous», confie Djourou Gbê.
Les critères d’accès au crédit
Les « margouillats » peuvent accepter d’accorder toute sorte de crédit à leur client. Mais au préalable, des critères sont à définir. Le premier est d’avoir un compte bancaire. Selon Diawara Mamadou, pour vous accorder un prêt, l’usurier est obligé de prendre votre carte magnétique, la photocopie de votre carte d’identité et certains papiers relatifs à votre compte et à votre service jusqu’à l’épuisement de votre dette. Il explique que le montant à rembourser mensuellement peut atteindre le salaire du client. «Mais jamais au-delà », soutient Diawara. Dès que le partenariat est signé, le margouillat a l’oeil désormais sur le compte de son client par le biais de son gestionnaire qui détient une copie du partenariat. Une méthode qui lui permet de suivre les virements du client. A en croire nos sources, la relation gestionnaire-margouillat est secrète. Elle n’est jamais officielle. Cependant, les margouillats n’ignorent pas ce qui se raconte à leur égard. «On entend beaucoup de mauvaises choses se dire de nous. Mais les clients eux-mêmes sont convaincus des nombreux services que nous leur rendons. La plupart d’entre eux viennent toujours vers nous avec des larmes aux yeux. Et avec nous, ils repartent satisfaits même si nous leur exigeons des intérêts que les gens jugent élevés. C’est entre nous et nos clients que la vraie réalité existe. Ce que les gens racontent n’est que ce qu’ils entendent étant à distance. Les vrais taux d’intérêt sont fixés entre nos clients et nous et ils ne s’en plaignent pas », fait savoir Djourou Gbê. G. Justin, un enseignant ayant déjà ouvert une page avec les margouillats, se prononce sur ces usuriers à partir de son expérience vécue. Il a expérimenté l’aide de ces prêteurs d’argent à la suite de deux cas de décès successifs à la veille de la rentrée scolaire. « Ce fut un moment troublant pour moi. Etant l’aîné de la famille, avec mes deux enfants qui sont en classe d’examen, je n’avais pas d’autre recours. Je me suis fait aider par ces hommes par l’intermédiaire d’un ami qui les fréquentaient déjà », explique-t-il tout en déplorant le fait que les margouillats deviennent maîtres de vos biens bancaires jusqu’à épuisement de votre dette. «Avec des taux d’intérêt de 50%, le client est amené à être dépendant pendant plusieurs années. Malheureusement lorsque vous devez faire face à un problème urgent, vous devenez un être fragile, prêt à accepter tout ce qu’on vous propose », affirme T. Issa, un client des margouillats qui continue de payer ses dettes depuis plus de 3 ans. Certaines personnes également soutiennent que l’argent donné par les usuriers est impropre. Parce que lorsqu’on s’y habitue, on est tenté d’avoir recours à eux toute la vie. Et pis, les intérêts du compte bancaire du client ne sont jamais à lui. D’autres critiquent la crédibilité des billets offerts par ces hommes, puisque tout se fait en secret entre le client et son prêteur. Ces personnes révèlent que les nombreux billets de banque détenus par ces fournisseurs comportent souvent de faux billets de banque. Selon de nombreuses sources, ces hommes sont à la base de la prolifération des faux billets et du blanchissement d’argent. Des affirmations qui sont rejetées du revers de la main par les margouillats qui affirment ‘’ne pas fabriquer de billets de banques. Ce sont les mêmes billets de banques que nous utilisons. Et d’ailleurs nous pensons que si cette thèse était vraie, les gens se méfieraient de nous. Mais vous convenez avec moi que le secteur marche », soutient S. Thomas, un ancien dans le métier. Vrai ou faux, il serait souhaitable que l’Etat prenne des dispositions pour freiner cette activité qui prend de plus de l’ampleur.
S. Beugré.
Leg :
Il a à peine la trentaine. Diawara Mamadou, ce jeune homme d’un air serein et d’une capacité oratoire ne laisse personne indifférent. Au Plateau, il fait le bonheur de nombre de personnes qui traversent des situations financières difficiles. M. Diawara répond également favorablement aux personnes qui sollicitent des fonds pour la réalisation de projets. A la moindre sollicitation, cet usurier n’hésite pas à satisfaire le client qui vient lui demander un prêt. Et c’est généralement cela l’attitude de ces personnes, toujours disponibles à aider à ceux qui les sollicitent. Le phénomène des usuriers communément appelés « margouillats » a fini par gagner du terrain dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Pis, il s’est accentué avec l’avènement de la crise ivoirienne qui a fragilisé le tissu socioéconomique et favorisé de nombreux cas de chômage. Les margouillats ont deux principaux nids dans la ville d’Abidjan. Ils sont présents dans la commune de Treichville et surtout au Plateau qui est un lieu de convergence des travailleurs et des hommes d’affaires. Ils rôdent autour des banques, de la Cotivoirienne et dans des endroits d’attroupement d’hommes. Notamment dans les grands restaurants à midi où certains fonctionnaires et des agents de l’Etat se retrouvent pour prendre des repas et partager des pots. Sur le terrain, les gros margouillats sont tapis dans l’ombre et les petits, eux, sont en avant, en train de chercher qui prendre au filet. Et les méthodes d’approche sont connues de tous.
Les techniques d’approches
Devant les banques, ils ont des méthodes par lesquelles ils parviennent à attirer des clients. Ils vous approchent et vous lancent un doux ‘’bonjour’’. Ensuite, ils enchaînent avec une question qui a trait à la situation socioéconomique. Tout de suite, ils essaient de se familiariser avec vous et cherchent à connaître vos difficultés. Si l’interlocuteur est dans un besoin sérieux d’argent, il reste accroché aux lèvres du margouillat. Ce dernier sait toujours user de la rhétorique pour convaincre. Aussi, à travers ses propositions, il fait miroiter le bonheur à son client en acceptant de l’accompagner dans tous ses financements relatifs à la réalisation de ses projets ou à la résolution de ses problèmes. Très vite un terrain d’entente est trouvé, et un partenariat est signé. Une fois l’accord signé, selon Diawara, le client est libre de définir les modalités de paiement de sa dette. Cependant, le taux d’intérêt pour le remboursement n’est pas négligeable. D. Mamadou précise qu’il s’élève à 50%. «Ce taux peut varier selon la fidélité du client, l’importance du prêt et certaines affinités. Mais il ne peut descendre en dessous de 30% », explique Diawara. « Quel que soit le montant du prêt, le margouillat peut toujours vous aider. Et peu importe le nombre de clients», ajoute Djourou Gbê (crédit propre, Ndlr), un autre usurier. Ces richesses inépuisables des margouillats suscitent de nombreuses interrogations : Qui est caché derrière ces hommes ? D’où ces sans emplois et sans entreprises tirent-ils ces gros fonds pour financer des gens ?
Selon certaines sources, ces usuriers sont des pions. En effet, ces sources indiquent que les vrais financiers seraient des banquiers. Elles révèlent qu’au sein de chaque banque et des structures de finance, il existe des personnes spécialisées dans cette opération. C’est une sorte d’entreprise parallèle dans les banques et les structures de finances pour recueillir des intérêts. Ceux qui sont sur le terrain pour chercher et convaincre les clients sont certainement des « démarcheurs » auprès des structures financières. Mais Djourou Gbê dément cette version des faits. Il soutient que chaque usurier travaille pour son propre compte : « C’est une activité que nous avons nous-mêmes mise sur pied. Nous l’avons commencée suite aux nombreuses difficultés que rencontrent les agents et fonctionnaires de l’Etat face à leurs banques. Lorsqu’ils sont dans les difficultés, ils ont du mal à avoir facilement des prêts auprès des banques. Or chez nous, ils sont rapidement servis. C’est ce qui explique leur affluence vers nous», confie Djourou Gbê.
Les critères d’accès au crédit
Les « margouillats » peuvent accepter d’accorder toute sorte de crédit à leur client. Mais au préalable, des critères sont à définir. Le premier est d’avoir un compte bancaire. Selon Diawara Mamadou, pour vous accorder un prêt, l’usurier est obligé de prendre votre carte magnétique, la photocopie de votre carte d’identité et certains papiers relatifs à votre compte et à votre service jusqu’à l’épuisement de votre dette. Il explique que le montant à rembourser mensuellement peut atteindre le salaire du client. «Mais jamais au-delà », soutient Diawara. Dès que le partenariat est signé, le margouillat a l’oeil désormais sur le compte de son client par le biais de son gestionnaire qui détient une copie du partenariat. Une méthode qui lui permet de suivre les virements du client. A en croire nos sources, la relation gestionnaire-margouillat est secrète. Elle n’est jamais officielle. Cependant, les margouillats n’ignorent pas ce qui se raconte à leur égard. «On entend beaucoup de mauvaises choses se dire de nous. Mais les clients eux-mêmes sont convaincus des nombreux services que nous leur rendons. La plupart d’entre eux viennent toujours vers nous avec des larmes aux yeux. Et avec nous, ils repartent satisfaits même si nous leur exigeons des intérêts que les gens jugent élevés. C’est entre nous et nos clients que la vraie réalité existe. Ce que les gens racontent n’est que ce qu’ils entendent étant à distance. Les vrais taux d’intérêt sont fixés entre nos clients et nous et ils ne s’en plaignent pas », fait savoir Djourou Gbê. G. Justin, un enseignant ayant déjà ouvert une page avec les margouillats, se prononce sur ces usuriers à partir de son expérience vécue. Il a expérimenté l’aide de ces prêteurs d’argent à la suite de deux cas de décès successifs à la veille de la rentrée scolaire. « Ce fut un moment troublant pour moi. Etant l’aîné de la famille, avec mes deux enfants qui sont en classe d’examen, je n’avais pas d’autre recours. Je me suis fait aider par ces hommes par l’intermédiaire d’un ami qui les fréquentaient déjà », explique-t-il tout en déplorant le fait que les margouillats deviennent maîtres de vos biens bancaires jusqu’à épuisement de votre dette. «Avec des taux d’intérêt de 50%, le client est amené à être dépendant pendant plusieurs années. Malheureusement lorsque vous devez faire face à un problème urgent, vous devenez un être fragile, prêt à accepter tout ce qu’on vous propose », affirme T. Issa, un client des margouillats qui continue de payer ses dettes depuis plus de 3 ans. Certaines personnes également soutiennent que l’argent donné par les usuriers est impropre. Parce que lorsqu’on s’y habitue, on est tenté d’avoir recours à eux toute la vie. Et pis, les intérêts du compte bancaire du client ne sont jamais à lui. D’autres critiquent la crédibilité des billets offerts par ces hommes, puisque tout se fait en secret entre le client et son prêteur. Ces personnes révèlent que les nombreux billets de banque détenus par ces fournisseurs comportent souvent de faux billets de banque. Selon de nombreuses sources, ces hommes sont à la base de la prolifération des faux billets et du blanchissement d’argent. Des affirmations qui sont rejetées du revers de la main par les margouillats qui affirment ‘’ne pas fabriquer de billets de banques. Ce sont les mêmes billets de banques que nous utilisons. Et d’ailleurs nous pensons que si cette thèse était vraie, les gens se méfieraient de nous. Mais vous convenez avec moi que le secteur marche », soutient S. Thomas, un ancien dans le métier. Vrai ou faux, il serait souhaitable que l’Etat prenne des dispositions pour freiner cette activité qui prend de plus de l’ampleur.
S. Beugré.
Leg :