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Économie Publié le samedi 24 avril 2010 | Nord-Sud

Electricité La gestion du délestage sème le doute

Depuis trois mois exactement, la première puissance sous-régionale ouest-africaine, par la taille de son économie, végète au rythme des délestages. La gestion financière de la crise électrique en Côte d’Ivoire suscite des interrogations.

Le 14 mars, Laurent Gbagbo a annoncé trois actions de front: la réparation de la panne d’Azito, le recours à l’importation de l’électricité et la location d’équipements d’appoint. Effectivement, les techniciens ont réparé la turbine touchée par une avarie et les mécanismes de la coopération sous-régionale en matière d’énergie ont permis l’importation d’électricité du Ghana. Depuis le 10 février, Accra fournit à Abidjan 25 méga watts par jour. Cet apport a même été augmenté. En outre, les derniers réglages sont en cours pour la location et la mise en service de deux centrales thermiques en provenance du Pakistan, pour une capacité totale de 35 méga watts par jour. Mais combien vont coûter toutes ces opérations et quelles sont les origines des financements ? Selon toute vraisemblance, ce sont des montants astronomiques qui sont en jeu. A titre d’exemple, affirment diverses sources, environ 37 milliards de Fcfa ont été débloqués pour remettre la machine d’Azito en marche. Mais sur la question, le ministère des Mines et de l’Energie reste silencieux, ouvrant la voie à toutes sortes de supputations. De son bureau de Cocody, Maurice Ouadronon, le président de la Coalition pour une énergie abordable en Côte d’Ivoire, surveille avec inquiétude les convulsions de la crise électrique ivoirienne. Selon lui, il existe comme une nébuleuse autour des opérations financières liées aux délestages. Ce qui éveille des soupçons. Il établit que les opérations ont été menées en dehors des procédures budgétaires réglementaires. Le groupe Bouygues qui avait proposé courant 2005 une centrale de location n’a pas été associé à l’opération. Cette société mondialement reconnue pour son expertise et concessionnaire de la distribution depuis 1990 n’était-elle pas la mieux indiquée pour trouver les centrales dont la Côte d’Ivoire avait besoin ? L’Etat a plutôt préféré un intermédiaire libanais qui, contrairement à la Compagnie ivoirienne d’électricité (Cie), (filiale locale de Bouygues) n’est pas un opérateur technique. Tout cela sans appel d’offres. Celui-ci a émis une facture qui est passée comme lettre à la poste. Pourquoi ? Selon de bonnes sources, des fonctionnaires cupides ont convaincu Laurent Gbagbo qui, craignant des mouvements sociaux liés au délestage, a dû lâcher du lest. Toute chose qui a favorisé l’échafaudage d’un dossier louche. A la direction générale de la Cie, on se contente pudiquement de souligner que l’Etat est souverain dans le choix de ses partenaires. Autant dire que ceux qui ont conclu ces marchés de location d’énergie, sont aux anges. Ils se frottent les mains. A preuve, Agrekko qui fait partie des adjucataires, trouve plus rentable d’arrêter certaines de ses usines pour installer une centrale de production de courant en Côte d’Ivoire. En tout état de cause, l’entreprise pakistanaise espère gagner davantage en plaçant son équipement à 7 fois son prix d’achat. Par ailleurs, malgré les risques d’impayés de la part de l’Etat, les producteurs indépendants ne sont pas angoissés. Une attitude d’autant curieuse que le profit opérationnel dans le secteur aurait doublé au cours des trois derniers mois. Plusieurs investigations sont en cours pour vérifier que certains fonctionnaires en complicité avec des opérateurs de centrales n’entretiennent pas la crise à dessein, pour se faire frauduleusement de l’argent. Contactée, la direction de l’Energie s’est montrée plutôt indolente. Même silence troublant du côté du ministère de l’Economie et des finances. Mais pour certains experts, les risques sont réels. Ils sont liés au fait que les travaux pratiques ont été laissés à la discrétion des pouvoirs publics. Toutefois, selon eux, un autre péril se profile : le prix du gaz naturel. Les producteurs d’électricité pronostiquent un doublement du volume de consommation de gaz naturel d’ici peu. Simple aperçu des conséquences possibles, le prix de vente du gaz naturel risque d’augmenter. C’est l‘un des ingrédients de la crise à venir. D’ores et déjà, Olivier Bouygues, porte-parole du groupe propose à l’Etat ivoirien un plan de production massive de gaz sur le long terme. Il compte redonner au pays, une indépendance d’approvisionnement perdue. Sera-t-il entendu ? Dans tous les cas, la sécurité énergétique du pays s’annonce comme une tâche à hauts risques.

Lanciné Bakayoko
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