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Art et Culture Publié le samedi 22 mai 2010 | Nord-Sud

Ahmed Souané, acteur : “Dr Boris” retire sa blouse

Révélé au grand public par son rôle (Fred) dans le film ‘’Caramel’’ d’Henri Duparc, Ahmed Souané, acteur ivoirien, a atteint le pic de son succès après sa participation dans le téléfilm à succès ‘’Dr Boris’’. Depuis, il est présent sur tous les grands plateaux de tournage de films africains.

Le visage barré de lunettes anti-soleil, ce vendredi, Ahmed Souané semble ne jamais perdre sa bonne humeur. Toujours souriant, il laisse transparaître une gaieté sans pareil. D’un naturel exceptionnel, l’homme vit son succès sobrement, sans fanfaronnade. Le meilleur acteur lors de la distinction du Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida), Summum, a bien les pieds sur terre. Son teint couleur d’ébène et son style vestimentaire, bon chic bon genre, font penser à une personne cossue financièrement, même s’il reconnaît bien vivre de son art.
Né à Oumé, ville située au centre de la Côte d’Ivoire, Ahmed Souané est le fils aîné d’une famille de neuf enfants. Il passe toute son enfance dans cette ville et ne la quitte que pour des raisons scolaires. Déjà à l’école primaire catholique, il est piqué par le virus du théâtre. Contrairement à de nombreux parents de l’époque, ceux d’Ahmed ne s’opposent pas à son activité extrascolaire. Seulement, ils lui demandent de ne pas laisser sa passion perturber ses études. Très tôt, le jeune garçon fait montre d’un talent inaccoutumé qui fait parler de lui dans la région.

La passion d’un enfant

En 1985, il est le meilleur comédien au concours national de théâtre scolaire. A ce titre, le jeune acteur s’envole pour le Japon. Il se rappelle encore de ce voyage au pays du Soleil levant et de la panique créée par son colis à l’aéroport de Tokyo. « En 1985, après mon sacre en tant que meilleur acteur du théâtre scolaire, je suis allé représenter la Côte d’Ivoire au festival mondial de théâtre de la jeunesse à Tokyo. Comme je devais être reçu par une famille japonaise, j’ai décidé d’apporter des fruits à mes hôtes. A l’aéroport, pendant que je rassemblais mes bagages, il y a eu un attroupement autour de mon panier de fruits. Des policiers avec des détecteurs de métaux se sont roués sur le paquet. Et moi, je suis arrivé calmement et j’ai ouvert le paquet. C’était des mangues, bananes et oranges », se rappelle-t-il. De ce voyage, Ahmed retiendra de beaux souvenirs et acquiert une bonne expérience. Aussi, le passionné des planches est stupéfait par le film ‘’Bakô’’ (l’autre rive), le premier film africain qu’il a eu l’occasion de voir. Il est émerveillé par le rôle interprété par Sidiki Bakaba. Surtout, quand il joue aux côtés des Blancs. Une motivation de plus pour lui de parfaire son art. Mais avant, le jeune homme doit aller à l’école comme le réclament ses parents. Après le Brevet d’études du premier cycle (Bepc), l’amoureux du cinéma quitte Oumé pour Dimbokro où il fait une seconde et une première C. C’est dans cette ville, qu’il obtient son Bac probatoire. Il part pour Yamoussoukro où il s’inscrit en classe de terminale. Ahmed passe le premier tour du baccalauréat. Mais doit rattraper 9 points à l’oral au second tour. Malheureusement, il tombe malade et ne participe pas aux épreuves orales. Découragé et trouvant inadmissible de reprendre une année d’étude à cause de 9 points, il décide d’arrêter les études. La première idée qui lui vient en tête, c’est de quitter le pays pour aller se perfectionner. Il fait un tour au Mali où il intègre la troupe Kotéba de ce pays. Un détour au Sénégal et, c’est le pays de Mohamed VI qui l’accueille en 1990. En 1991, il met les pieds pour la première fois en France. Son aventure dans l’Hexagone est de courte durée. Après quelques expériences malheureuses, il est de retour en Côte d’Ivoire en 1993. Le comédien est face à la réalité. Il doit gagner sa vie et s’occuper de ses frères et sœurs. L’enfant d’Oumé décide alors de mettre une croix sur le théâtre. « J’ai dû me lancer dans l’importation de véhicules d’occasion. Une activité que j’ai pratiquée jusqu’en 2000 », explique-t-il. Entre temps, il est fréquemment attiré par le théâtre.

Révélé par ‘’Dr Boris’’

En témoignent ses incursions répétées dans des pièces. « En 1997, j’ai joué dans ‘’Monsieur Tôgôgnini’’ de Bernard B. Dadié, repris et mis en scène par Thiam Abdoul Karim au Centre culturel français (Ccf). J’ai aussi tenu le rôle de Cinna, une adaptation de Louis Aquin de l’œuvre de Corneille du même nom », se souvient-il. Sa rencontre avec Sidiki Bakaba, son idole, en 2002, va réveiller définitivement l’acteur qui sommeillait en lui. Il est invité au tournage du film Roue libre de ce dernier. « En 2002, se remémore-t-il, par le biais d’un ami, M’Baye Adama, j’ai décroché mon premier rôle dans un film du 7e art. Dans cette production, j’ai interprété le personnage de ‘’gérant de cinéma’’ ». Les téléspectateurs ivoiriens vont le découvrir dans le téléfilm ‘’Sida dans la cité’’ d’Alexis Don Zigré diffusé sur la première chaîne de télévision nationale. Parallèlement, celui qui deviendra “Dr Boris”, continue ses activités lucratives. « J’avais du mal à laisser tomber un métier où je gagnais bien ma vie, pour un autre qui ne me rapportait même pas de quoi survivre », argumente-t-il. Mais, « L’art étant jaloux, j’ai dû faire un choix. Et, c’est lui que j’ai choisi », se félicite-t-il. Déjà connu à la télé, Ahmed se lance dans la formation des jeunes acteurs avec la structure Martika Production. Il pose aussi sa voix sur des films-documentaires et spots télévisés. Le cinéaste Henri Duparc le découvre à cette période. Il est invité à jouer dans ‘’Moussa le taximan’’ (2004) et ‘’Caramel’’ (2005). Le second film va catapulter au 7ème ciel la carrière du comédien. Le rôle principal du film lui est revenu. A partir de cette expérience, de nombreux réalisateurs de téléfilms ivoiriens l’ont dans leur collimateur. Il enchaîne les feuilletons et films sortis en salle : ‘’Les voisins’’ de N’Dri Ya Jean, ‘’Les prix de l’amour’’ de Léa Dubois, ‘’Kadogo’’ de Joseph Muganga, ‘’Nafi’’ d’Eugénie Ouattara, ‘’Amah Sahoua’’ de Clémentine Papouet et ‘’Dr Boris’’ qui l’a hissé au sommet de l’Afrique, le font connaître à travers le monde. Il est invité sur le tournage de ‘’Stone Face’’, un film regroupant les acteurs de la sous-région ouest-africaine. Et, les coups de fil qu’il reçoit des quatre coins du monde, sont l’expression de son succès. Marié et père d’une fille, l’acteur partage ses journées entre sa passion et sa famille. Il aime la nage et est conscient des défis qui l’attendent à l’international. Grand fan de Sidney Poitier, (acteur et réalisateur américain à partir de son personnage dans : ‘’Devine qui vient dîner ce soir’’), ‘’Dr Boris’’, déteste l’hypocrisie dont il a plusieurs fois été victime. Il aime la rigueur, car étant lui-même le produit d’une « école de rigueur » (l’école coranique). Pour ceux qui croient qu’il aime la polémique, Ahmed répond qu’il ne fait que suivre ses convictions. « Quand je suis convaincu de quelque chose, j’adhère à cette chose. Si ce n’est pas le cas, je me retire », clame-t-il à qui veut l’entendre. Comme un caméléon, l’acteur trace son sillon. Quand il marche, il ne tourne jamais la tête, tient compte des autres, prend le pouls des situations, avance doucement et prudemment pour atteindre un jour le sommet de la profession. Tourner dans un grand film hollywoodien. Il y croit dur comme fer.

Sanou Amadou (Stagiaire)
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