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Art et Culture Publié le dimanche 30 mai 2010 | Xinhua

Manu Dibango : tempo à l`infini d`un magicien du son et métronome de la musique (Reportage)

© Xinhua Par DR
Musique - Manu Dibango entend relancer son procès contre Michaël Jackson
YAOUNDE - A le voir souffler sur scène son saxophone, son meilleur compagnon en dehors de son fils Michel qu`à chaque utilisation il range avec délicatesse dans le coffret, il ressemble à un jeune homme. Comme sa musique, Manu Dibango, présent aux 50 ans d`indépendance du Cameroun, traverse comme personne les âges avec une aisance détonante.

Simplement qu`à plus de 60 ans d`une carrière musicale qui ne songe pas à la retraite et bientôt 77 ans d`âge, le sémillant saxophoniste le mène large. "On me pose toujours la même question (sagissant de son secret de réussite et de forme physique) que moi-même je me pose. Finalement, le temps de Dieu, c`est le vrai temps. Tant que ce n`est pas ton heure, tu te poses la question. Parce que ça peut arriver d`un moment à l`autre", a-t-il déclaré lors d`un entretien à Xinhua.

Sa vie, une énigme qui se reflète dans son sens de l`humour et ses éclats de rire à répétition, est une vie de hasards, aime-t-il à dire. Comme par exemple l`éclatant succès de "Soul Mokassa", à l`origine un générique dédié à la 8ème Coupe d`Afrique des nations (CAN) de football organisée par le Cameroun en 1972.

"Un succès, tu ne t`y attends pas. C`est ça qu`on appelle un tube. Il arrive à un moment donné qu`un morceau arrive au bon moment, au bon endroit. Ce morceau est sorti au moment où les Noirs-Américains cherchaient leurs racines, où c`était black is beautiful, où Alex Haley a écrit "Racines", où un voyait le Noir à une position normale, de policier...", confie-t-il.

Avant d`enchaîner : "D`ailleurs, c`est les Américains qui en ont fait un tube au départ. Ce n`est pas en Afrique. Ils sont arrivés en France, ils cherchaient la musique africaine qu`on pouvait trouver en France dans toutes les maisons de disque : les Kabasélé, Rochereau, Franco, Akendengué, Francis Bebey ...".


TRIOMPHE DE SOUL MAKOSSA

Le triomphe de cette composition (avant-gardiste, car elle donne le "la" à la fameuse world music qui ne sera consacrée comme déferlante qu`à l`aube des années 2000) aux Etats-Unis sera tel qu`en 1973, Manu Dibango, de son vrai nom Emmanuel Ndjockè Dibango, né le 12 décembre 1933 à Douala, se produit devant 40.000 spectateurs au Yankee Stadium puis 354.000 autres au Madison Square Guarden de New-York. Les sirènes de la renommée sont alors sonnées.

Ce n`était pas sa première production. Auparavant, il avait déjà gravé la même année "O Boso", "Saxy Party" en 1969 marqué par un simple succès d`estime en France et "African Soul", premier album solo dont la sortie a eu lieu en 1963, un mélange de jazz, de rumba et de musiques latinos.

"J`enregistre depuis 1961. J`ai été le dernier à faire des 78-tours avec Kabasélé et l`un des derniers à commencer avec les 45-tours, jusqu`au vinyle, jusqu`aux CD. Maintenant, il doit y avoir peut-être une quarantaine d`albums", informe-t-il.

Parti à 15 ans pour ses études en France à l`initiative de son père, il a commencé la musique en Europe. "On jouait la musique tropicale, la mambo, le cha cha, le boléro, ...La musique africaine, il n`y en avait pas. Sauf au Congo. La rumba, c`était le retour du bateau. Donc, j`ai aimé. J`ai fait beaucoup de disques avec eux. Ces disques ont du succès", précise-t-il.

"J`étais parti là-bas pour un mois, poursuit-il, je suis resté deux ans. C`est là que j`ai appris à faire la musique africaine, faite par des Africains en Afrique. Effectivement dans ce cas-là, c`était une école. Parce qu`ils savaient soulever, faire bouger les gens".

Entre 1961 et 1963, c`est en effet le séjour à Kinshasa dans l`ex-Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), dans le mythique African Jazz du respectable Joseph Kabasélé, qui avait composé "Indépendance cha cha", transformé en générique des indépendances africaines.

Avec ce maître à penser, il enregistra une quarantaine de morceaux dans un studio de Bruxelles en Belgique pendant 15 jours. A Kinshasa, il bâtit sa propre réputation en lançant la mode du twist, "Twist à Léo", couronnée d`un énorme succès.

"Chacun est chacun. Moi, on ne m`a pas forcé à faire la musique. L`essentiel, c`est d`avoir la passion de ce qu`on fait. Quand tu fais un truc avec passion, tu acceptes de souffrir parce qu`au moins tu sais pourquoi tu souffres", mentionne-t-il.

Avant de prendre son envol dans la capitale belge où il rencontre Kabasélé, alias grand Kallé, et fait la connaissance d`un ex-mannequin qui deviendra son épouse, Coco, l`aventure débute en France où, attiré par le jazz secrété par Sydney Bechet ou encore Louis Armstrong, ses idoles, le jeune Manu Dibango laisse éclore le virus de la musique, au détriment de ses études abandonnées suite à son échec au baccalauréat, son père ayant décidé de lui couper les vivres.

Il débarque en 1949 à Saint-Calais, petit village de l`Ouest de la France qui le célèbre aujourd`hui comme un des tiens et où lui-même a lancé en 1998 un festival "Soirs au village", et s`inscrit au lycée de Chartres où il se frotte à la mandoline puis au piano, avant de découvrir plus tard le saxophone.


VOYAGE A TRAVERS LES UNIVERS MUSICAUX

Comme une vague qui roule d`un rivage à l`autre, ce magicien du son a la particularité de s`adapter à l`air du temps, surfant sur les influences contemporaines comme un orfèvre de l`invention toujours soucieux de renouveler ses concepts. Ainsi du rap en fusion avec le jazz, le blues, le soul, le folk, le rock, etc. Un voyage à travers les univers musicaux.

C`est tout le charme de sa musique, que le show-business a baptisé "soul makossa". Faite des hauts et des bas, la carrière de ce multi-instrumentiste, un véritable métronome, est jalonnée de standards musicaux.

Aux yeux des amateurs, "Gon Clear" enregistré dès 1979 pour une partie en Jamaïque où il rencontra Bob Marley et pour une autre partie à New-York puis mixé à Londres, avec la participation des célèbres Robbie Shakespeare, Sly Dunbar, Geoffrey Chung, Willie Lindo, Ansel Collins, Randy Guthrie et Ullanda Mac Cullouch, est son disque le plus abouti. Cet album vient d`être réédité sous le titre "Choc`n Soul" et sera dans les bacs à la fin de ce mois.

"Il y a aussi un album ("CubAfrica", sorti en 1998) que j`ai fait avec Cuarteto Patria, les gens de Buena Vista, que je considère comme un des albums que moi-même j`aime, mais qui n`a pas eu une longue carrière, parce que la maison de disque a fait faillite. Ça reste un de mes plus souvenirs et un de mes disques préférés", assure-t-il.

En dehors de son pays où il a dirigé l`orchestre de la police et participé à la création de l`Orchestre national, le grand Manu, comme l`appellent ses fans, a partagé ses expériences avec l`orchestre de la Radio-Télévision ivoirienne de 1975 à 1979 à Abidjan, à l`invitation du président Félix Houphouët-Boigny.

"Quand je me sens trop trop dans un endroit, il est temps de partir et de recommencer", témoigne-t-il. Le tour du monde, il en a fait, en globe-trotter. Mais, "j`ai bien voulu aller jouer à Cuba, ça ne s`est jamais arrangé", indique-t-il.

Pour lui, Cuba "côté culturel, c`est quand même très fort. C`est des gens qui ont une histoire, une identité forte, ils n`ont pas été avalés par les Américains, malgré la baie des cochons. La musique latino, c`est eux qui donnent le tempo. Et puis, il y a la musique savante cubaine. Quand tu as affaire à des gens comme Chucho Valdés, c`est la virtuosité au maximum".


ARTISTE DE L`UNESCO POUR LA PAIX

Nommé artiste de l`Unesco pour la paix en 2004, Manu Dibango aligne les récompenses et les distinctions honorifiques : nomination à l`Oscar à Hollywood en 1974 pour le meilleur album de l`année, Trophée d`Or à l`Olympia en 1977 pour l`ensemble de sa carrière, Victoire du meilleur album de musique de variétés instrumentales de l`année 1992, artiste du siècle au Cameroun en 2000, premier musicien africain à recevoir en 2003 le Grand Prix de l`Académie Charles Cros, etc.

Plagié par le défunt roi de la pop Michael Jackson à deux reprises et la jeune chanteuse américaine d`origine barbadienne Rihanna, "Soul Makossa" a inspiré le musicien américain Joshua P. Thompson qui en a fait un hymne de soutien à Barack Obama pour sa campagne en 2008 : "Vote Obama !".

Animateur de radio dont Africa numéro 1 depuis 2001 avec une émission intitulée "40 ans de musique africaine" et de télévision (France 3 et Muzzik entre 1992 et 1993) à ses heures perdues, il est aussi compositeur de musiques de films, comme le célèbre "Comment faire l`amour avec un Nègre sans se fatiguer" adapté du roman de l`écrivain haïtien Dany Laferrière, publié en 1985. Ou encore "Kirikou et les bêtes sauvages". Fin

Par Raphaël MVOGO
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