Une opération cosmétique aux visées électoralistes. C’est ainsi qu’on peut analyser la récente décision de limogeage de sept hauts cadres de l’Administration par le chef de l’Etat. Cela est d’autant plus vrai qu’il y a belle lurette que la presse dénonce les pratiques mafieuses dans certains compartiments de l’Administration. Sous prétextes de la guerre qui a certainement le dos large, le chef de l’Etat a fermé les yeux sur les dérives inadmissibles de nombres de ses collaborateurs. A quelques mois des élections générales, le chef de la refondation s’est subitement trouvé l’âme de grand nettoyeur de « l’écurie d’Augias ». Il faut le faire. Car, Gbagbo est convaincu que le rendez-vous électoral à venir ne sera pas un jeu d’enfant. L’enjeu est de taille de même que les arguments que les prétendants seront amenés à développer pour convaincre les électeurs. Le chef de l’Etat sortant a l’habitude de dire que chacun des trois candidats majeurs à la magistrature suprême, a déjà géré le pays. En d’autres termes, la campagne sera le moment de bilan contre bilan et programme contre programme de gouvernement. Or, il sait pertinemment qu’en la matière, il n’est pas logé à la bonne enseigne par rapport à ses deux principaux adversaires, notamment le candidat Alassane Dramane Ouattara. Appelé en sauveur par Houphouët-Boigny en 1990, pour conduire l’action gouvernementale avec pour priorité le redressement de l’économie et l’assainissement des finances publiques, ADO a laissé à ses compatriotes l’image d’un grand homme d’Etat, qui a une grande vision pour son pays. Avec courage et clairvoyance, il a mené, dans bien de domaines socio-économiques, des actions d’anticipations dont les résultats ont énormément profité et continuent de profiter à la Côte d’Ivoire. Ainsi, au plan de l’Education, en dépit de grandes difficultés économiques que connaissait le pays, ADO a pu créer deux universités et deux unités régionales de l’enseignement supérieur (embryons d’Université), des centaines d’écoles primaires, de collèges et de lycées. De même, la réforme menée dans le secteur électrique a mis la Côte d’Ivoire à l’abri, pendant vingt ans, d’un quelconque délestage. Laurent Gbagbo lui-même a reconnu la justesse des réformes Ouattara. Il en a fait l’aveu dans son livre programme récemment : « En 1990, la reforme de l’électricité a été profitable au pays », a-t-il confessé. A contrario, le régime Gbagbo a montré ses limites dans la gestion des affaires publiques, mais surtout il s’est fait remarquer par les scandales des plus ahurissants. La corruption a atteint un niveau tel que l’un des barons du régime, en l’occurrence Mamadou Koulibaly, ne cesse de dénoncer ses camarades frontistes. Au-delà donc des questionnements que suscite ce remue-ménage de dernières minutes, c’est le fonctionnement même du régime Gbagbo qui est en causes depuis sa prise de pouvoir dans « des conditions calamiteuses ». Cette situation a fait de la refondation un régime prisonnier de détermination tribale et d’incompétence notoire. Ainsi, des hommes et femmes de la tribu ou proches ont été bombardés à des postes stratégiques de l’Etat sans le background indispensable. Dix ans après, le dégât est énorme. Le grand chef veut colmater les braises pour se donner l’illusion d’un gestionnaire sans reproche avant d’aller devant le peuple. D’où toutes ces opérations annoncées à grands coups médiatiques.
Ibrahima B. Kamagaté
Ibrahima B. Kamagaté