Un crime de lèse-patriotisme

Le chef de l’Etat est depuis mercredi dernier dans le royaume chérifien. Le communiqué officiel qui a annoncé ce départ parle de «visite privée». Mais à y voir de près, l’on n’est pas loin d’une affaire de «soin dentaire» comme ce fut le cas l’année dernière. On se le rappelle, au cours de ce dernier voyage en terre marocaine, le président Laurent Gbagbo avait prétexté un «mal de dent». Le chef de l’Etat a expliqué à la presse qu’il était allé pour des soins dentaires. Une information qui avait en son temps choqué les Ivoiriens qui ne comprenaient pas que pour une simple dent, on puisse aller jusqu’ au Maroc. Comme s’il n’y avait pas d’imminents chirurgiens dentistes en Côte d’Ivoire. La colère des Ivoiriens était d’autant justifiée que le mal dentaire présidentiel avait coûté au contribuable ivoirien plusieurs dizaines de millions. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter. Selon toute apparence, en dehors de la «visite privée», le chef de l’Exécutif ivoirien ne se privera pas d’un check-up. Le Maroc est connu pour ses cliniques de haut standing bien équipées où exercent de grands médecins dont la compétence est mondialement reconnue. Le président Laurent Gbagbo préfère y aller pour «des soins dentaires» que de se retrouver à la fameuse clinique de la Salpêtrière en France comme ses autres pairs francophones. Pour un chantre du patriotisme et de la lutte contre le néocolonialisme comme lui, cela ferait vraiment bizarre de se retrouver chez «les fils de colons qui veulent recoloniser la Côte d’Ivoire». De plus, sait-on jamais, un «accident médical» peut vite arriver. Surtout quand on reste convaincu que l’ennemi à abattre du côté de l’ancienne métropole, c’est nous. Il nous reste donc à nous faire soigner au Maroc. En terre africaine. Comme ça, l’honneur de l’invétéré patriote et du champion du panafricanisme est sauf. Mais à maints égards, cette décision ressemble à une escroquerie morale. Car, malgré les efforts consentis pour sauver les apparences, le champion du patriotisme en terre ivoirienne montre à travers ce voyage qu’il est en train de commettre un crime de lèse patriotisme. D’abord parce que le Maroc n’est pas la Côte d’Ivoire. Ensuite, il y a de nombreux médecins en Côte d’Ivoire dont la compétence est également reconnue à travers le monde qui peuvent soigner «un mal de dent». Enfin, il aurait pu, même s’il ne fait pas confiance aux praticiens ivoiriens, inviter en Côte d’Ivoire, les éminents médecins qu’il est allé consulter. Ne serait-ce que pour faire économiser quelques millions de F CFA aux contribuables ivoiriens. Mais doit-on s’en étonner? Assurément pas. Car, le patriotisme sous la refondation relève plus depuis belle lurette du fonds de commerce que de l’amour vrai pour la patrie. Tant pis pour les niais qui y croient réellement.
Jean-Claude Coulibaly