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Art et Culture Publié le lundi 14 juin 2010 | Fraternité Matin

Venance Konan : "On n`a pas d`autre choix que de vivre ensemble"

© Fraternité Matin Par DR
Arts et culture - Venance Konan, journaliste-écrivain
Le célèbre journaliste-écrivain ivoirien, Venance Konan, a présenté récemment la derniere-née de ses productions littéraires, le roman intitulé : « Les Catapilas, ces ingrats ». La cérémonie de dédicace de cet ouvrage s’est déroulée à l’hôtel Pullman d’Abidjan Plateau, en présence de la presse locale et internationale ainsi que de nombreux lecteurs.


Vous venez de présenter votre dernier-né au public ivoirien. Pouvez-vous en résumer la trame ?

Mon livre traite d’une situation que l’on rencontre dans de nombreux pays africains et même au-delà de l’Afrique, qui est celle de la cohabitation entre des populations dites autochtones qui reçoivent d’autres populations dites étrangères ou allogènes. Au début tout se passe bien, et puis après ça dégénère. Et voilàac, j’essaie un peu de décortiquer le mécanisme qui fait qu’on part de la fraternité du début aux ennemis de la fin.

D’une nouvelle « Robert et les Catapilas » vous passez à un roman « Les Catapilas, ces ingrats ». Quelles motivations ?

Après la nouvelle, disons que les choses ont maturé dans ma tête. Et puis j’ai eu envie de développer une suite, d’autres histoires, avec les mêmes acteurs, le même décor. Je suis donc parti de l’histoire de la nouvelle que j’ai résumée très rapidement, pour développer une nouvelle histoire complètement indépendante.

A travers les Catapilas, ce sont les étrangers dont vous dépeignez la vie, le sort, les tribulations…

C’est un choix parmi tant d’autres. Disons que l’histoire de notre pays aujourd’hui tourne autour de cette question d’étranger. Quand on parle de liste blanche ou grise qu’il faut dépoussiérer, déparasiter… tout cela tourne autour de cette question d’étranger. Et l’on ne peut nier que le nœud de la crise ivoirienne tourne autour de l’étranger. C’est peut être pour cela que cela m’a interpellé. Parce qu’on est toujours étranger un jour où l’autre. Quand je suis hors de la Côte d’ivoire, je suis étranger et idem pour ceux qui viennent en Côte d’ivoire.

Pourtant, dans vos écrits d’il y a cinq voire dix ans, vous teniez un discours carrément opposé à celui que vous tenez présentement. Qu’est ce qui explique ce revirement ?

Ne mélangeons pas les choses, je n’ai jamais tenu un discours contre des étrangers ou contre des populations venues d’ailleurs. Qu’on ne mélange pas les choses.

Mais Venance Konan d’aujourd’hui est différent du Venance Konan d’il y a dix ans… vous ne pouvez quand même pas le nier ?

Mais j’ai un âge aujourd’hui que je n’ai pas il y a dix ans !

Qu’est ce qui a entraîné un tel changement ?

Je dirai que c’est la situation de mon pays. J’ai vu par quelles étapes mon pays est passé de 1999 à aujourd’hui. Et on en tire forcément des leçons. On se dit voici un certain nombre de choses auxquelles on croyait et qui ont entraîné telles conséquences. Et quand on voit cela on se dit qu’on s’est peut-être trompé et qu’on devrait revoir les choses différemment. Chacun a évolué en fonction de l’environnement. Et je pense que notre drame en Côte d’ivoire, c’est que nous ne tirons pas les leçons de ce qui nous arrive. Si nous avions tiré les leçons de ce qui nous est arrivé en 1999, on aurait évité la crise de 2002. Et si on ne tire pas les conséquences et les leçons de 2002, on se dirige vers une autre crise. L’erreur est humaine, mais persévérer dans l’erreur est démoniaque.

Quelles solutions proposez-vous donc pour une cohabitation harmonieuse?

La première solution est que les politiciens arrêtent de jeter de l’huile sur le feu. Parce que ce sont vraiment eux, la plaie. Les populations, elles, trouvent généralement le modus vivendi, c`est-à-dire le compromis qui leur permet de vivre ensemble. Mais il y a toujours des intérêts politiciens qui viennent s’en mêler, et c’est ce qui crée des problèmes. La solution, c’est de s’accepter mutuellement.

Mon message dans le livre est qu’on doit tous vivre ensemble. Tout faire pour vivre ensemble. Parce que tous les pays du monde sont, à la fois, pays d’immigration et d’émigration. Il est vrai que la Côte d’ivoire accueille beaucoup de gens venant des pays voisins, mais n’oublions pas aussi que beaucoup d’ivoiriens s’en vont ailleurs ! Aujourd’hui on trouve des ivoiriens au Mali, au Ghana, au Burkina Faso, etc. je ne parle même pas de la France, du Canada et j’en passe. Donc tenant compte de cela, on doit trouver le moyen de vivre ensemble. On n’a pas d’autre choix de toutes les façons.

Certains lecteurs vous perçoivent comme quelqu’un d’acerbe voire « haineux » du pouvoir en place que vous n’hésitez pas à tancer régulièrement. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Je ne sais pas, chacun juge l’auteur comme il le sent. Si quelqu’un me trouve haineux, que voulez-vous que je lui dise ? Une fois qu’on a écrit, à chacun d’interpréter ces écrits comme bon lui semble. C’est ce que je peux dire.


Propos recueillis par Ghislaine ATTA

ghislaine.atta@fratmat.info
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