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Politique Publié le mercredi 16 juin 2010 | Nord-Sud

Coups de gueule, propositions chocs / Mamadou Koulibaly : enquête sur un refondateur révolté

© Nord-Sud Par Serges T
Colloque national sur les 20 ans du multipartisme en Côte d`ivoire.
La Convention de la Société Civile Ivoirienne et ses partenaires organisent du 02 au 04 juin 2010 à la rotonde de l`assemblée nationale, un colloque national sur les 20 ans du multipartisme en Côte d`ivoire.
Le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly est député-Fpi de Koumassi. Il est également le 3ème vice-président de son parti. Pourtant, ses critiques à l'encontre de sa famille politique et de ses camarades militants, sont devenues légion. Signe de révolte vis-à-vis d'un parti politique qui l'aura déçu une fois arrivé au pouvoir ? Est-il lui-même irréprochable ?

Vingt années de militantisme

Mamadou Koulibaly est né le 21 avril 1957 à Azaguié. A l'âge de 30 ans, il deviendra l'un des plus jeunes agrégés du pays avec une agrégation des sciences économiques. Fasciné par le discours « refondationiste » de Laurent Gbagbo, il rejoint le Front populaire ivoirien (Fpi) socialiste en 1990, bien qu'étant de culture libérale. Il est alors le conseiller du secrétaire général, Laurent Gbagbo. Là, Mamadou Koulibaly gravit les échelons. Il fait son entrée au secrétariat national en tant que secrétaire national, chargé de l'économie et du système bancaire. Il propose au parti d'opter pour une économie sociale de marché contrairement à la nationalisation des entreprises qui était initialement promue par le parti. Soutenu par Laurent Gbagbo contre Don Melo, le congrès de 1996 retient sa proposition. Du 15 janvier au 18 mai 2000, l'économiste du Fpi est le ministre du budget. En la faveur du désistement du Rdr, il a occupé le portefeuille de l'Economie et des finances jusqu'au 15 janvier 2001. Depuis le 10 décembre 2000, Mamadou Koulibaly est le député de Koumassi et le président de l'Assemblée nationale depuis le 22 janvier 2001. Actuellement, il est le 3ème vice-président du Fpi. Mais voilà, ce parcours rayonnant semble ne pas le satisfaire. Le patron du Parlement se trouve comme désillusionné après l'arrivée de son parti au pouvoir. Il dénonce l'embourgeoisement de ses camarades. Les critiques acerbes et autres coups de gueule pleuvent. Visiblement, le député de Koumassi et sa famille politique ne sont plus sur la même longueur d'onde.

Un habitué des coups d'éclat

Le président de l'Assemblée nationale est coutumier des sorties dérangeantes. Mais ces sorties sont dignes d'intérêt. Puisque chaque fois qu'il en fait, Mamadou Koulibaly met le doigt sur un problème d'intérêt national. Et international, pourquoi pas ? Le plus récent de ses coups de feux d'artifice, c'est sa critique de l'Accord politique de Ouagadougou (Apo). Ce cadre de règlement de la crise ivoirienne a échoué, a-t-il clamé, suggérant que l'on trouve un autre moyen de mettre fin à l'impasse politique. Sur cette même affaire, le 3è vice-président du Fpi a demandé la « démission » de son ''camarade'' Désiré Tagro, émissaire du président de la République dans le cadre de l'Apo. Avant cette critique, qu'a d'ailleurs condamnée le secrétariat exécutif de son parti, le président de l'Assemblée nationale a croisé le fer avec Venance Konan, journaliste-écrivain, à travers la presse. Ils se sont envoyé des piques, à propos de l'ivoirité. Mamadou Koulibaly, 2è autorité de l'Etat, a été le point de mire des Ivoiriens en janvier 2003. On se souvient qu'à cette époque, il a claqué la porte lors de la table ronde de Linas-Marcoussis (France). Le n°1 du Parlement a reproché à l'ex-ministre français Pierre Mazeaud, président de ladite table, d'occulter le désarmement préconisé par la Cedeao à Accra (Ghana). L'homme avait aussi fait des émules, quand en novembre 2004, il a poussé le général Henri Poncet, alors commandant de Licorne, à s'expliquer à la télévision nationale, et ce en direct, sur les mouvements de ses troupes autour de la résidence du chef de l'Etat. Toujours au plus fort de la crise, c'est le n°2 de l'Etat, économiste de carrière, qui a prôné le franc flottant pour affirmer, disait-il, la souveraineté monétaire. Sur la question, il a indiqué que les Etats africains, parce qu'ils sont souverains, doivent décider du régime d'émission de la monnaie, mener la politique monétaire, allouer des crédits et gérer la valeur de la monnaie. Mamadou Koulibaly entendait opérer une rupture avec le tutorat de la France et de certaines puissances occidentales qui décident des monnaies sur le continent. Partisan de la bonne gouvernance, M. Koulibaly a également fait des descentes, sous la transition, dans des entreprises de la place qu'il a traquées, pour impayés d'impôts.

L'idéaliste sans concession

Nonobstant son idéologie libérale, Mamadou Koulibaly n'a pas hésité à rejoindre le Front populaire ivoirien (Fpi). C'est que, le professeur d'Economie, fasciné par les discours de Laurent Gbagbo s'est persuadé de contribuer au recadrage du discours à la fois gauchiste et populiste du Fpi. Loin d'être du saupoudrage, la simplicité affichée par M. Koulibaly n'est que le prolongement de cette philosophie qui semble lui coller à la peau. Alliant simplicité, modestie et probité, le président de l'Assemblée nationale s'est toujours démarqué de la plupart des cadres du régime au pouvoir, se tenant notamment loin de la course à l'enrichissement et à l'exubérance, maître-mot de certains refondateurs. Mais en plus d'être un idéaliste, Mamadou Koulibaly est aussi un irréductible qui tient au respect des normes aussi bien dans l'esprit qu'à la lettre. Toute chose qui vient justifier ses différentes sorties fracassantes empreintes de radicalité. « L'ordre et la discipline qui avaient marqué les premières années de pouvoir de Gbagbo cèdent la place au désordre et à l'indiscipline dès 2003. Le racket, la tricherie aux examens et concours, les pots-de-vins, les trafics d'influence, l'enrichissement rapide injustifié, qui étaient en train d'être maîtrisés durant les premières années de la Refondation, se déchaînent et se réinstallent comme au temps du parti unique et avec des allures qui ressemblent à celles de l'ère du multipartisme sans démocratie », avait-il critiqué, sans ménagement, ses camardes, dans les colonnes de Fraternité matin du 4 août 2007. Les récentes ''attaques'' en règle contre le ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, ne devraient donc pas surprendre quiconque a en mémoire le fait que la deuxième personnalité de l'Etat, est un irréductible doctrinaire.

Le jugement de ses collègues

Des députés soutiennent Mamadou Koulibaly contre la direction de son parti. Les groupes parlementaires Solidarité, Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) et Udpci (Union pour la démocratie et pour la paix) ont marqué leur attachement à leur président, selon des sources proches du Parlement. Joint hier, un député de l'Udpci explique : «Comme tout citoyen Mamadou Koulibaly ne peut accepter le népotisme dans la gouvernance ». Un autre fait observer qu'« il voit les choses autrement, c'est pourquoi les gens doivent chercher à le comprendre au lieu de le condamner». Ceux qu'il impressionne par sa « rigueur » disent de lui qu'il a « une capacité d'écoute appréciable ». Sur ce, une de ses collègues issue du Pdci retient qu'il « met un point d'honneur aux débats ». Si bien que « le président ne s'empresse pas de convaincre mais de se laisser convaincre». A part qu'il est «imprévisible», aux dires d'un ''frontiste'', Mamadou Koulibaly est aussi «modeste». Même s'il pense que sa «colère gêne parfois », le député Fpi reconnaît que « les contributions du président sont parfois constructives».

Un homme irréprochable?

Mamadou Koulibaly est certes critique envers sa famille politique et tout le système de gouvernance. Beaucoup plus, parfois, que l'opposition elle-même. Ses sorties font taches d'huile, dérangent. Mais le député de Koumassi, ne devrait-il pas balayer devant sa propre maison avant de critiquer les autres ? Car, a y voir de près, l'économiste du Front populaire ivoirien (Fpi) n'est pas blanc comme neige. A bien d'occasions, il est n'a pas donné de la voix alors qu'on l'attendait. Le champion de la transparence et de la bonne gouvernance que Mamadou Koulibaly veut incarner n'a pas montré de signes d'émotions - du moins, publiquement - face à tous les détournements dans la filière du café-cacao. Ce n'est un secret pour personne que ce secteur est avidement pillé. Des rapports d'audit ont confirmé ce secret de Polichinelle. Des auditeurs ont même failli perdre la vie parce que certains ''refondateurs'' a voulu étouffer la vérité. Qu'a fait Mamadou Koulibaly pour que le pillage dans la filière cesse ? Rien. Pas plus qu'à la suite du déversement, le 19 août 2006, de 528 m3 de déchets toxiques dans la capitale économique ivoirienne. Autre fait, la cession, de gré à gré, du terminal à conteneurs de Vridi au Groupe Bolloré. Un contrat qui donne à cette entreprise, une « position dominante et anticoncurrentielle sur des infrastructures portuaires stratégiques ». Des voix, notamment celle du ministère des Infrastructures économiques, dirigé alors par Patrick Achi, se sont élevées pour dénoncer une convention signée par le directeur général du port en violation de la procédure prévue en la matière. Là encore, silence radio du président de l'Assemblée nationale. Plus près de lui, au sein de l'Assemblée nationale, les recherches faites par la commission d'enquête n'ont jamais abouties. Alors qu'il se veut être un homme de vérité. Plus loin, le charnier de Yopougon qu'il a commenté comme une parodie. En effet, en meeting le 29 août 2006 à Anyama, Mamadou Koulibaly a démenti cette tuerie en masse de militants de l'opposition. Affirmant que le Rassemblement des républicains (Rdr) a payé un propriétaire de véhicule pour qu'il regroupe des cadavres dans un même endroit, pour faire croire qu'ils sont le résultat d'une répression du camp présidentiel. La liste n'est bien entendue pas exhaustive. Dans tous ces faits, Mamadou Koulibaly ne peut pas nier sa passivité. En sa qualité de seconde personnalité de l'Etat, il est co-responsable du pillage des biens, de la corruption, etc., qu'il dénonce. D'autant que l'Assemblée nationale qu'il dirige n'a pas pris de mesure pour les éradiquer. Pourquoi, alors, ne démissionne-t-il pas ? Pour faire changer les choses tout en étant à l'intérieur, a répondu le collaborateur de Laurent Gbagbo à Venance Konan qui lui posait la même question en mars dernier. Mais doit-il continuer à rester si malgré sa présence rien ne change ? En tout cas, Mamadou Koulibaly est-là. Et c'est cela même le paradoxe qu'il incarne.


Bidi Ignace, Bamba K. Inza & Marc Dossa
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