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Société Publié le mercredi 16 juin 2010 | Islam Info

Entretien avec... M. AouaTOURE (Opérateur économique et promoteur financier de la Grande Mosquée de Duékoué) : “J`ai décidé de rénover cette mosquée (…) car nous ne voulons pas provoquer une “seconde mort” de nos parents”

Après la cérémonie de réouverture de la grande mosquée de Duékoué, El Hadj Aoua Touré a accordé une interview à Islam Info, dans laquelle il nous relate les motivations de son acte.

Quand on entend « Aoua », on s'attend directement à avoir en face de soi, une femme. D'où vient le nom « Aoua » que vous portez ?

En réalité, comme vous l'avez dit, ce sont les femmes qui portent généralement le nom « Aoua ». Mais en ce qui me concerne, c'est un petit nom parce que je m'appelle en réalité, Gojigui Touré. Et le nom « N’gojigui » est le nom de mon grand-père maternel qui s'appelait N’gojigui Sylla. Une de ses filles qui se trouve être ma maman, dans son enfance, appelait affectueusement son papa Aoua. Je ne sais pas pourquoi. Et comme, j'ai pris le nom de mon grand-père maternel, ce petit nom a été collé à mon dos. Jusqu'à ce jour, personne ne connaît mon véritable nom qui est N’gojigui Touré. Donc, voilà d'où est venu le nom Aoua.

Pourquoi avez-vous refait la grande mosquée de Duékoué ?

Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, j'ai pris la décision en demandant au Tout Puissant de m'aider à refaire cet édifice. C'est comme si je

me souvenais de mes parents. Dans mon intervention, j'ai dit que mon père était le chef de la communauté musulmane toute entière à Duékoué. Et avec ses collaborateurs, ils ont procédé à l'édification de cet édifice. Il a plus d'un demi-siècle d'existence. Donc, vous comprendrez qu'en 50 ans, les matériaux, même en fer, commençont à se rouiller. Cette mosquée avait atteint un degré de dégradation très avancée. En saison des pluies, on ne pouvait pas pratiquement prier à l'intérieur : l'eau coulait partout, la mosquée était plutôt remplie de seaux que d'’orants, pour recueillir l'eau qui tombait de la toiture. C'était devenu insupportable. La dernière année pendant laquelle, j'ai pris la décision de refaire la mosquée, c'était en 2008. J'ai appelé ma femme et mes proches collaborateurs et je leur ai dit que cette mosquée, je veux la refaire. Compte tenu des intempéries des saisons, je me suis dit que si je devais la faire en dalle, cela allait prendre plus de temps que si on refaisait uniquement la toiture, l'ossature. Ma femme et mes collaborateurs ont approuvé ma décision. Elle est certes moins généreuse, mais on peut l'appliquer dans le temps. Or, si on décoiffait cette mosquée pour faire la dalle, cela prendrait au moins 6 mois. Et comme, nous sommes proches de la saison des pluies, cette solution a été rejetée. Donc ensemble, nous avons décidé finalement de la refaire c'est-à-dire depuis la charpente jusqu’à la toiture et tous les autres types de réaménagements. On a tout repris. Pour ceux qui la connaissaient il a seulement deux mois, s'ils reviennent à Duékoué, ils sauront qu'il y a eu un grand changement. Voilà pourquoi, j'ai décidé de rénover cette mosquée parce que je me suis dis que si elle devait s'écrouler, c'est une fois de plus nos parents qui sont dans leurs tombes qui allaient s'écrouler davantage. Et comme on dit, que les morts ne sont pas morts, il faut de temps en temps, penser à eux. C'est pour cela que nous ne voulons pas provoquer une “seconde mort” de nos parents. ment.

Duékoué a été un air très sensible lors de la crise ivoirienne. Il semblerait que vous avez beaucoup participé à la cohésion de la communauté musulmane, est-ce que vous êtes un bâtisseur ?

Je ne sais pas si je suis un bâtisseur. Ce sont les autres qui peuvent vous le dire. Moi, je ne suis qu'un modeste petit commerçant. Et je me débrouille comme tout le monde. Concernant la cohésion de la communauté musulmane, c'est mon devoir. Il arrive un moment où on fait un choix et c'est ce choix que j'ai fait. Comme on le dit dans le Saint Coran, d'après les imams, si dans la vie, vous ne pouvez pas faire du bien à vos concitoyens, il faut éviter de leur faire du mal. Et comme est loin de moi, l'idée de faire du mal, je me suis dit au moins que je devais être une courroie de transmission entre toute la communauté musulmane de Duékoué, les allogènes et les autochtones. C'est ce rôle que je me suis assigné de façon volontaire. Je l'ai fait d'autant plus que, moi-même étant né ici, je me considère comme un autochtone, un Guéré. C'est pour cela que je me suis assigné ce rôle là pour faire en sorte qu'il y ait l'entente entre tous les groupes ethniques qui vivent ici à Duékoué.

Je vois ici dans votre résidence que vous avez construit une mosquée. Et aujourd'hui, on était de l'autre côté où vous avez rénové la grande mosquée de Duékoué. Quel est le message que vous lancez à l'endroit des fidèles aisés de notre communauté ?

Moi, je crois que la voie la plus autorisée, c'est celle du Cheick que vous venez de recevoir. C'est lui le chef suprême des musulmans. Vous avez entendu son message de long en large. Moi, je ne suis qu'un musulman même si je ne suis pas un imam. Je n'ai pas besoin d'ailleurs d'être un imam pour avoir foi en Dieu, pour être un musulman au sens vrai du mot. Loin des imams, je suis un musulman. Et je me suis dit que la finalité de tout ce que nous faisons d'après ce que le Coran dit, nous sommes de passage sur cette terre. C'est pour cela qu'à mon âge, même si dans ma tendre jeunesse, j'ai pu commettre beaucoup d'erreurs, beaucoup de fautes, je me suis dit que quel que soit les caprices, il arrive des moments où on commence à s'assagir. A un certain âge, même si on n'est pas sage, il faut essayer de l'être et se rendre à l'évidence. Car, on a beau vécu sur cette terre, un jour, on partira. Quand on sait que nos parents ne sont plus là, pourquoi alors attendre qu'il soit tard pour faire ce que Dieu nous demande de faire, si nous avons les moyens ? C'est pour cela que lorsque j'ai aménagé ici en 1995, j'étais loin de la ville et je ne pouvais assister aux prières que les vendredis ; j'ai donc décidé de construire cette mosquée au sein de ma résidence. J'ai sollicité un imam pour faire prier ma famille. Mais en fait dans le quartier, il n'y avait pas beaucoup de mosquées. Et comme de part et d'autre il y a des musulmans, la création a été bien saluée par la population riveraine qui a dit un ouf de soulagement ; parce qu'on avait tous la même obligation de courir vers les mosquées pour assister aux prières quotidiennes. Lorsque les musulmans de cette zone se sont trouvés à quelques centaines de mètres de cette mosquée, ils ont été aussi contents sinon plus contents que moi-même.

Aujourd'hui, on parle du cinquantenaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, quel est le bilan de l'Islam après 50 ans d'existence à Duékoué ?

Je pense que l'islam a évolué de façon incroyable. Car, de la création de cette première mosquée, comme je vous l'ai dit qu'il y a un demi-siècle, il n'y avait qu'une seule mosquée à Duékoué et c'était celle-là. Après, il y a eu la deuxième qu'on a baptisé abusivement mosquée « Mahou ». J'ai mal supporté ce type d'appellation. Je l'ai dit lors de la cérémonie que je ne suis pas le propriétaire de cette mosquée, mais que c'est Dieu qui m'a permis de la rénover. Comme la mosquée a un guide qui est l'imam, s'il y avait un nom à donner, j'aurais préféré le nom de l'imam. Donc, voilà la clarification que je tenais à faire. A côté de la deuxième, il y a eu une troisième mosquée qu'on a appelé également mosquée « sunnite ». Il y a 15 à 20 ans de cela. Mais aujourd'hui, il y a près de 30 mosquées. Cela veut dire qu'il y a eu une évolution vertigineuse de l'Islam à Duékoué.

Réalisée par Al Idriss
Envoyé spécial à Duékoué

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