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Société Publié le mercredi 16 juin 2010 | Nord-Sud

Akpa Metchro Dénis (Eglise protestante méthodiste de Côte d’Ivoire) : “Le ministère de l’Intérieur a fait du faux”

Dans notre parution de lundi, nous vous proposions la première partie de notre dossier sur la crise qui divise l’église méthodiste en deux tendances rivales. Aujourd’hui, Akpa Metchro Dénis coordonnateur de la tendance ‘‘protestant méthodiste’’ explique la position de son camp et affirme un parti pris de la part du ministère de l’Intérieur.

Comment est née la crise que traverse l’église méthodiste de Côte d’Ivoire ?
Elle procède de la volonté du bishop Benjamin Boni intégrer l’église protestante méthodiste de Côte d’Ivoire à l’église évangélique américaine. D’après lui, en intégrant cette église, nous aurions suffisamment d’argent pour payer les pasteurs au bout de trois ans. Il faut dire qu’à cette époque, nous avions assez de problèmes pour payer nos pasteurs. A l’église protestante méthodiste de Côte d’Ivoire, les pasteurs ont un salaire comme des fonctionnaires. Nous n’avons de ressources que les cotisations des membres, les fonds générés par nos biens immobiliers et les écoles. Nous avons un budget d’1, 5 milliard de F Cfa. Il y avait les moyens pour payer les pasteurs. Mais, il n’y avait aucune traçabilité. Naturellement, nous nous disons que si nous suivons les Américains, ils vont nous aider. Ensuite, Boni évoque que les enfants de l’oncle Sam vont donner de l’argent aux femmes pour soutenir leurs projets. Mieux, il nous dit que les deux églises ont la même doctrine, la même orientation. Il a rassuré que nous garderions notre autonomie.

Vous avez donc donné votre accord.
Il a utilisé des manœuvres dolosives pour l’obtenir. Nous avons donné notre accord pour un partenariat. Lui savait qu’en intégrant l’église américaine, il intégrait la méthode épiscopalienne où le clergé décide. L’évêque est au-dessus et élu à vie. Donc il était pour l’intégration. Boni changeait ainsi la nature que notre église avait depuis 1870. Mais les 3 quarts des pasteurs ne savaient pas que cette église était épiscopale. Nous avons attiré l’attention de la Conférence, qui est l’instance suprême de l’église, en exigeant les textes de l’église américaine. La Conférence a dit qu’elle préfère un partenariat et non une intégration. Mais il a fait l’intégration à l’insu de la Conférence. Il a changé le nom de l’église sans que tous s’en doutent or l’article 68 dit que seuls les 2/3 des membres peuvent changer les dispositions statutaires.

Le bishop Boni détient pourtant un arrêté qui officialise le changement de dénomination en s’appuyant sur une assemblée générale qui s’est tenue le 21 octobre 2003.
C’est pourquoi nous disons que le ministère de l’Intérieur a fait du faux. Il n’y a jamais eu d’assemblée générale. Nous avons saisi les ministères de l’Intérieur et de la Justice. L’arrêté est sorti après le décès d’Issa Diakité (Ex-ministre de l’Administration du territoire). La crise a ouvertement éclaté en 2008. Elle était en interne depuis 2002. C’est au vu des documents qu’est apparue la signature d’Issa Diakité. Dans tous les pays africains, l’église protestante existe, l’église méthodiste unie également. Pourquoi on veut faire croire qu’en Côte d’Ivoire, c’est la même église ? Au Sénégal, au Cameroun, c’est pareil. En France, en Angleterre, aux Etats Unis également.

Avez-vous tenté une franche discussion interne ?
Il y a eu des recherches de solutions en interne. Personnellement, je me suis impliqué. Je lui (Benjamin Boni) ai dit que je ne suis pas d’accord qu’un homme de Dieu puisse tricher pour se maintenir au pouvoir. Avant le tribunal, je l’ai appelé pour qu’on règle l’affaire en interne. Il m’a raccroché au nez.

Vous l’avez traduit devant le tribunal correctionnel du Plateau. Parlez-nous de ce procès.
A Dabou qui est le fief des protestants, ils ont utilisé le préfet pour nous intimider en interdisant nos activités. Il ne nous restait plus qu’à aller en justice, surtout que les médiations n’ont pas marché. Comme il dit que c’est ensemble que nous avons décidé d‘aller à l’église méthodiste unie, qu’il nous en apporte la preuve. C’est pour lui réclamer ces preuves que nous l’avons convoqué en correctionnel. C’était stratégique. Parce que le mis en cause vient lui-même témoigner. Si nous étions dans une procédure civile, tel que je le connais, il pouvait remettre en cause les propos de ses avocats. Au procès, j’ai dit au juge de demander au bishop où et quand nous avons tenu une assemblée générale pour changer le nom de notre église. C’est en ce moment qu’il a fait sortir des papiers qui, selon lui, lui ont permis de changer le nom de l’église. Nous constatons que c’est un papier à en-tête église méthodiste unie, qui demande qu’on supprime une église ivoirienne. Dans sa lettre, il est écrit que les statuts ne sont pas faits et quand ce sera fait, il les enverrait au ministère de l’Intérieur. Comment le ministre peut produire un arrêté sur simple lettre d’un individu ? Ce n’est pas normal. Sommes-nous dans une république bananière ? Malgré toutes ses déclarations, à la fin du procès, les juges ont estimé qu’il n’a pas fait du faux. Dans quel pays sommes-nous ?

Qu’avez-vous fait ?
Notre objectif était qu’il avoue que nous n’avions pas changé le nom de l’église ensemble. Et qu’il nous montre les documents qui le justifient. Nous avons obtenu gain de cause dans la mesure où il a reconnu n’avoir pas eu de rencontre pour changer le nom. En plus, c’est une simple lettre qui a servi à modifier le nom de l’église. C’est pourquoi nous n’avons pas fait appel.

Quel a été l’issue du procès en appel ?
Au procès, on nous a dit que nous pouvons utiliser notre nom. Et que ce n’est pas leur propriété. Le tribunal a aussi dit que Boni n’a pas fait du faux ni usage de faux. En ce moment, nous sommes au tribunal civil de Yopougon pour attaquer l’Etat de Côte d’Ivoire et le bishop Boni.

Le chef de l’Etat a initié une médiation. Comment s’est-elle déroulée ?
Le président de la République a commis les ministres Lida Kouassi, Kahé Eric, Mel Eg Théodore, Mme Ekra, le directeur de cabinet du président de la Cour suprême, Mambé Robert. Nous avons accepté les médiations. Nous avons eu plusieurs rencontres pendant 5 ans au domicile du doyen Mathieu Ekra. Je n’y croyais pas personnellement ; donc, je ne suis jamais allé. Sauf le dernier jour. Chaque fois, on me faisait le compte rendu. Je n’y croyais pas tant que Boni, lui-même, ne se présentait pas. Se disant évêque, il ne se sent pas concerné par les décisions de la conférence. Au cours des négociations, il s’est avéré que l’église méthodiste unie dit qu’elle ne voulait plus le terme protestant, alors que l’église protestante ne veut pas le terme unie. Quel nom fallait-il donner à cette église de réconciliation ? C’est en ce moment que les médiateurs m’ont appelé pour que je vienne décider. Ils ont estimé que tout tourne autour de ma personne. Je leur ai demandé s’ils ont vu le contrat d’intégration. Ils ont répondu non. J’ai estimé que ce n’était pas sérieux. On ne peut pas venir à une négociation sans connaître l’objet du litige. C’est une négociation à sens unique. J’ai tout de même donné mon accord pour la dénomination médiane de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire. Notre président a paraphé l’accord. Quand on a appelé Boni, il a refusé de signer. On lui a donné deux années de plus, le temps pour nous de reconstituer l’église. Nous avons proposé de refaire les textes. Il a tout refusé. Le président de la République en est informé puisque les médiateurs lui ont rendu compte à Yamoussoukro. Il a promis nous recevoir pour en parler, mais il n’en a jamais rien été.

Pourquoi n’avez-vous pas choisi de reconstituer l’église protestante méthodiste avec de nouveaux documents pour faciliter la distinction ?
Nous l’avons fait, avec copie au président de la République et au Premier ministre, et aux autres institutions. Tout le monde sait que ce n’est pas la même église. Le nom a changé quatre fois, cela n’a pas causé de conflit. Ce qui pose problème, c’est le changement qui débouche sur deux doctrines différentes. Notre doctrine est celle de la sanctification. Quand tu commets un péché, tu dois le reconnaître et te repentir. Le péché n’est pas toléré sous quelle que forme que ce soit. Mais au moins l’église interpelle. L’homosexualité et la transsexualité sont des péchés. On ne doit pas les tolérer.

Qu’en est-il à l’église méthodiste unie ?
Là-bas, c’est l’abomination. Des pasteurs homosexuels dirigent les cultes. L’homosexualité est reconnue comme un péché mais toléré.

Qui gère actuellement le patrimoine de l’église ?
Toutes les églises protestantes de Côte d’Ivoire sont issues de l’église protestante méthodiste. Mais, aucune d’elles n’est partie avec le patrimoine. Ce qui est aberrant, c’est que Boni reste attaché au patrimoine. Nous poursuivrons l’action judiciaire jusqu’au bout. Le ministre de l’Intérieur pense nous intimider en envoyant les forces de l’ordre pour bastonner les fidèles. J’ai moi-même été menacé de mort.

Comment expliquez-vous que la majorité des fidèles ait choisi le camp Boni ?
Jésus a dit qu’il y aura beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Nous avons 105 églises et environ 100 mille membres avec 14 pasteurs sur le terrain et 50 en formation. Les pasteurs sont recrutés aux niveaux licence et maîtrise. D’autres sont avec lui, juste à cause du temple. C’est une question de niveau spirituel.

Interview réalisée par Cissé Sindou
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