En dix ans de règne, le Front populaire ivoirien a fini par instaurer une monarchie de parti dans l’administration publique. L’affaire des « 2/3 des places du concours de police réservées au camp présidentiel » rappelle l’inégalité des chances dans ce pays et la rupture du pacte républicain.
L’impact politique et social du scandale de l’affaire des « 2/3 des places du concours de police réservées au Front populaire ivoirien » est incontestable. C’est une petite révolution qui s’opère en cette période trouble où les modèles de vertu se comptent du bout des doigts. Ce scandale révèle en tout cas une monarchie du parti d’Affi N’Guessan et surtout la partialité de l’Etat. Le tout en déphasage avec les discours officiels et les engagements pour « refonder » la Côte d’Ivoire. Ce dossier révélé par Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale, troisième vice-président du Fpi, accusant le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, de magouille et de népotisme, établit un fait catégorique : les jeunes ivoiriens qui se ruent sur les concours de police, de gendarmerie, de l’Ena, bref tous les concours administratifs ont été toujours menés en bateau. On leur fait payer des droits d’inscription, ils font des examens médicaux, suivent des cours d’appui et, au finish, ce sont les privilégiés du régime qui occupent les 2/3 des places. Le tiers des places restant se partage alors entre ceux qui paient un, deux ou trois millions de Fcfa pour réussir et quelques méritants, sauvés par leur baraka. Une goutte d’eau dans la mer. Les discours sur la transparence et l’égalité des chances pour tous étaient donc un trompe-l’œil, pour installer un ordre fait d’iniquité sociale.
Aujourd’hui, certains jeunes évoquent de plus en plus ouvertement la nécessité de mettre en place un « collectif des jeunes pour la transparence aux concours de l’administration publique » en vue de mieux combattre ce système d’injustice sociale. Cependant, quelle influence quand il est organisé depuis le sommet de l’Etat ? Quel effet quand l’impunité règne ou quand un ministre ne peut pas rendre des comptes au gouvernement parce qu’il est ministre?
Ce qui est en cause dans ce débat, c’est la partialité de l’Etat, la capacité des autorités à transformer la chose publique en une affaire privée où le mérite et la compétition n’existent pas. Ce qui est en cause, c’est ce clanisme, cette sorte de retour du parti-Etat qui discrimine ceux qui ne pensent pas comme le prince. L’impartialité de l’Etat n’a jamais été aussi en danger depuis l’ère de la Refondation. De l’Etat pour tous, la guerre aidant, on est passé à l’Etat du Fpi. La Côte d’Ivoire fait face à la monarchie d’un parti politique. Cette monarchie crée une sorte d’immunité pour les « enfants » de la cour, là où le pouvoir et l’argent se rencontrent pour faire des « jeunes »… de l’autre rive des vassaux, des sujets. De nombreux témoignages recueillis dans le cadre de ce dossier font état de nombreux jeunes étudiants qui, pour fuir la galère, se sont enrôlés dans la Fesci. De la Fesci, d’autres ont été parachutés à l’Ena ou dans des directions centrales où ils veillent aux intérêts du Fpi. Les aveux de Désiré Tagro lors du secrétariat exécutif du Front populaire ivoirien et ceux de la Directrice générale de l’Ecole nationale d’administration dévoilent la pieuvre. «Je veux réconcilier l’Ena avec la population ivoirienne. On n’aura plus à payer pour y entrer», avait soutenu, le 10 juin, Mme Yapo Evelyne, la nouvelle directrice de cette institution. Le chef de l’Etat, lui, n’est pas resté en marge des rumeurs (sic) qui consacraient de fait la corruption à l’Etat. « M. le Dg, votre école a une mauvaise réputation. Il se raconte en ville que pour entrer ici, il faut payer. Si c’est vrai, renoncez à ça (…) Je ne veux plus qu’on dise que l’Ena est Sodome et Gomorrhe et que c’est l’épicentre de la corruption. Je ne veux plus qu’on dise ça », avait tancé Laurent Gbagbo lors de la sortie de la 48ème promotion de l’école.
Aujourd’hui, les jeunes recrutés à la police nationale et même à la gendarmerie, sans niveau ou qualification, pour la « survie du Fpi » représentent un danger réel pour la cohésion nationale. Les groupes parlementaires du Pdci, de l’Udpci et Solidarité ont mis le doigt sur ce danger, parlant de « milice privée au service d’un clan ».
L’incorporation des milices dans les rangs des Forces de défense et de sécurité au lendemain du 19 septembre 2002, pour engager la « résistance patriotique », a eu pour effet de décupler les violations de droits humains, déjà mis à mal par la belligérance. Les tirs à balles réelles lors des manifestations politiques ou des mouvements sociaux (marche des femmes, des handicapés, grève des transporteurs ou bavures policières) dénotent du faible niveau d’instruction de nos forces et parfois de l’inefficacité de la formation reçue. La rupture de la chaîne de commandement, les initiatives solitaires et solidaires pour racketter, la criminalisation de la police et de l’armée ne sont que l’expression de la rupture du pacte républicain entre l’Etat et la population.
Assoumane Bamba
L’impact politique et social du scandale de l’affaire des « 2/3 des places du concours de police réservées au Front populaire ivoirien » est incontestable. C’est une petite révolution qui s’opère en cette période trouble où les modèles de vertu se comptent du bout des doigts. Ce scandale révèle en tout cas une monarchie du parti d’Affi N’Guessan et surtout la partialité de l’Etat. Le tout en déphasage avec les discours officiels et les engagements pour « refonder » la Côte d’Ivoire. Ce dossier révélé par Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale, troisième vice-président du Fpi, accusant le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, de magouille et de népotisme, établit un fait catégorique : les jeunes ivoiriens qui se ruent sur les concours de police, de gendarmerie, de l’Ena, bref tous les concours administratifs ont été toujours menés en bateau. On leur fait payer des droits d’inscription, ils font des examens médicaux, suivent des cours d’appui et, au finish, ce sont les privilégiés du régime qui occupent les 2/3 des places. Le tiers des places restant se partage alors entre ceux qui paient un, deux ou trois millions de Fcfa pour réussir et quelques méritants, sauvés par leur baraka. Une goutte d’eau dans la mer. Les discours sur la transparence et l’égalité des chances pour tous étaient donc un trompe-l’œil, pour installer un ordre fait d’iniquité sociale.
Aujourd’hui, certains jeunes évoquent de plus en plus ouvertement la nécessité de mettre en place un « collectif des jeunes pour la transparence aux concours de l’administration publique » en vue de mieux combattre ce système d’injustice sociale. Cependant, quelle influence quand il est organisé depuis le sommet de l’Etat ? Quel effet quand l’impunité règne ou quand un ministre ne peut pas rendre des comptes au gouvernement parce qu’il est ministre?
Ce qui est en cause dans ce débat, c’est la partialité de l’Etat, la capacité des autorités à transformer la chose publique en une affaire privée où le mérite et la compétition n’existent pas. Ce qui est en cause, c’est ce clanisme, cette sorte de retour du parti-Etat qui discrimine ceux qui ne pensent pas comme le prince. L’impartialité de l’Etat n’a jamais été aussi en danger depuis l’ère de la Refondation. De l’Etat pour tous, la guerre aidant, on est passé à l’Etat du Fpi. La Côte d’Ivoire fait face à la monarchie d’un parti politique. Cette monarchie crée une sorte d’immunité pour les « enfants » de la cour, là où le pouvoir et l’argent se rencontrent pour faire des « jeunes »… de l’autre rive des vassaux, des sujets. De nombreux témoignages recueillis dans le cadre de ce dossier font état de nombreux jeunes étudiants qui, pour fuir la galère, se sont enrôlés dans la Fesci. De la Fesci, d’autres ont été parachutés à l’Ena ou dans des directions centrales où ils veillent aux intérêts du Fpi. Les aveux de Désiré Tagro lors du secrétariat exécutif du Front populaire ivoirien et ceux de la Directrice générale de l’Ecole nationale d’administration dévoilent la pieuvre. «Je veux réconcilier l’Ena avec la population ivoirienne. On n’aura plus à payer pour y entrer», avait soutenu, le 10 juin, Mme Yapo Evelyne, la nouvelle directrice de cette institution. Le chef de l’Etat, lui, n’est pas resté en marge des rumeurs (sic) qui consacraient de fait la corruption à l’Etat. « M. le Dg, votre école a une mauvaise réputation. Il se raconte en ville que pour entrer ici, il faut payer. Si c’est vrai, renoncez à ça (…) Je ne veux plus qu’on dise que l’Ena est Sodome et Gomorrhe et que c’est l’épicentre de la corruption. Je ne veux plus qu’on dise ça », avait tancé Laurent Gbagbo lors de la sortie de la 48ème promotion de l’école.
Aujourd’hui, les jeunes recrutés à la police nationale et même à la gendarmerie, sans niveau ou qualification, pour la « survie du Fpi » représentent un danger réel pour la cohésion nationale. Les groupes parlementaires du Pdci, de l’Udpci et Solidarité ont mis le doigt sur ce danger, parlant de « milice privée au service d’un clan ».
L’incorporation des milices dans les rangs des Forces de défense et de sécurité au lendemain du 19 septembre 2002, pour engager la « résistance patriotique », a eu pour effet de décupler les violations de droits humains, déjà mis à mal par la belligérance. Les tirs à balles réelles lors des manifestations politiques ou des mouvements sociaux (marche des femmes, des handicapés, grève des transporteurs ou bavures policières) dénotent du faible niveau d’instruction de nos forces et parfois de l’inefficacité de la formation reçue. La rupture de la chaîne de commandement, les initiatives solitaires et solidaires pour racketter, la criminalisation de la police et de l’armée ne sont que l’expression de la rupture du pacte républicain entre l’Etat et la population.
Assoumane Bamba