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Économie Publié le mercredi 23 juin 2010 | Le Mandat

Interview/ Tanoh Kouassi Georges, Pr à l’UFR des Sciences économiques et de gestion: "Il faut qu’on revienne à la Caisse de stabilisation"

© Le Mandat Par DR
Matières premières - Le bon cacao de Côte d`Ivoire
Les Producteurs ivoiriens de cacao de café qui se sentent trahis par le pouvoir en place, disent s`opposer avec la dernière énergie et par tous les moyens en leur possession, à ce nouvel accord signé par le Gouvernement actuel de la Côte d`Ivoire. La Coordination des Rois et Chefs Traditionnels Baoulés de Côte d`Ivoire les a rejoints dans ce combat, parce que pour lui, les producteurs Baoulés constituent la frange la plus importante des producteurs de cacao en Côte d`Ivoire et se sentent ainsi menacés pour leur survie!

Que pensez-vous du retour des multinationales dans la gestion de la filière café-cacao ?
Il faut dire qu’avec la Caisse de stabilisation, les paysans étaient assurés d’un prix permanent jusqu’à la fin de la campagne. Chacun pouvait bâtir son budget et construire sa richesse. Avec la libéralisation de la filière, nous tombons dans une ère d’assujettissement aux fluctuations des cours du café et du cacao. Cela appelle à la spéculation. C’es-à-dire que des gens vendent aux enchères ; c’est la surenchère. Les plus forts mangent les plus faibles. Et jusqu’à ce jour, le prix du café et du cacao baisse, appauvrissant les producteurs. Et pourtant, l’Etat a toujours son dû, c’est-à-dire son droit unique de sortie qui était de 200 F Cfa à l’époque. Ce prix ne baisse jamais alors que celui payé aux paysans ne cesse de chuter. A la longue, cela va décourager les producteurs de café et de cacao. Il faut qu’on revienne à la Caisse de stabilisation.

Vous ne parlez que du retour de la Caistab; pourtant, selon les dirigeants actuels, cette caisse a montré ses limites…
La Caisse n’a jamais montré de limites. Au contraire, ce sont les ennemis de la Côte d’Ivoire qui ont fait une mauvaise publicité de la Caistab. Sinon, elle était la meilleure des choses. Les Camerounais sont revenus à la caisse de stabilisation.

A qui faites-vous allusion quand vous parlez des ennemis de la Côte d’Ivoire ?
Il y a deux sortes d’ennemis. Ceux au plan externe et ceux de l’intérieur. Ceux qui, à partir de 1990, ont voulu prendre le pouvoir sont devenus des ennemis internes. Ils ont dénoncé tout ce qui se faisait. Actuellement, on remarque qu’ils ont tort. L’ancien système était donc bon. Ce sont eux que nous appelons les ennemis internes. Les ennemis externes sont ces puissances planétaires qui font varier les prix des matières premières, surtout végétales, par rapport au prix de l’essence. Lorsque le prix du carburant monte, ils font tout pour que le prix des matières premières végétales baisse pour en faire une compensation. Les gens ne le perçoivent pas trop. Il faut être économiste pour le savoir. Ce sont ces ennemis internes et externes qui ont mis l’économie ivoirienne à genoux.

Vous insistez sur le retour de la Caistab. Vous parlez du cas du Cameroun. Comment cela se passe dans ce pays là ?
Le Cameroun est revenu au stade de la Caisse de stabilisation. Le cocoa bord est de retour pour garantir le prix jusqu’à une certaine période. Le prix fixé en début de la campagne reste jusqu’à la fin. A la grande comme à la petite campagne, les prix sont fixés d’avance et respectés. Avec la caisse de stabilistaion des prix les produits sont ramassés et convoyés aux exportateurs. C’était une efficacité qui ne disait pas son nom. Les 400 milliards de F Cfa dont parlait en 1977, le président Bédié lorsqu’il quittait le Ministère de l’Economie et des Finances, ont été les fruits de ce travail de la caisse. La Caistab engrangeait beaucoup d’argent. Ce qui a permis à la Côte d’Ivoire de se développer.

Que pensez-vous de la remise de la filière aux producteurs comme le soutiennent les refondateurs ?
On ne confie pas quelque chose qui marche à des personnes dont on ignore l’efficacité. Si vous arrachez la filière à la Caistab pour la confier aux planteurs, il faut avoir la certitude que ces derniers vont avoir la même efficacité que la caisse. Or cela n’est pas le cas. Les paysans ne sont pas tous instruits. Ils sont analphabètes et manquent de moyens. Quand il était question de dégager les moyens pour créer les coopératives, c’était tout un problème. D’où l’échec des coopératives des producteurs.

Voulez-vous dire que les Henri Amouzou, Tapé Doh et autres Angéline Killi, n’étaient pas à la hauteur de la tâche?
Non ! Toutes ces personnes n’étaient pas à la hauteur. C’est pourquoi, nous devons revenir à la Caisse de stabilisation. Ce sont des Ivoiriens et vous les connaissez. Face à l’argent, ils perdent la tête. Ils se sont amusés et n’ont pas atteint les résultats escomptés. D’où leur emprisonnement. Il ne faut pas qu’on s’amuse. Quand quelque chose marche, il faut le conserver. On peut le retoucher certes, pourvu qu’il y ait de l’efficacité. On ne change pas tout pour faire plaisir ou pour chercher des voix aux élections. On ne bâtit pas un pays de la sorte.

Mais, M. Ano Gilbert, aujourd’hui à la tête du Comité de la reforme de la filière, était à la Caistab…
M. Ano Gilbert était certes à la Caisse de stabilisation, mais ce n’est pas la caistab qui est de retour. C’est simplement un individu et non la structure, avec ses différents départements qui faisaient la réussite du café et du cacao. Parce que tout le monde sait qu’à cette époque-là, il y avait un succès dans la filière. Est-ce le cas aujourd’hui ?

Voulez-vous dire que le pouvoir en place n’a pas prévu de politique pour la filière ?
Non. Il a suivi la politique préconisée par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale. Or, ces institutions financières internationales ne connaissent rien de la filière. Ce sont des structures qui sont très loin. Elles interviennent au niveau de la commercialisation des produits, mais ne sont pas sur le terrain. On ne bâtit pas une politique avec l’avis des autres. Tous les pays sont en compétition pour posséder les richesses mondiales et pour se développer. Il y a la concurrence sur les matières premières. Alors, les autres peuvent mal conseiller pour détruire votre stabilité.

Peut-on conclure que les refondateurs ont échoué dans leur politique de gestion de la filière ?
Oui ! Il y a eu un échec. Le pouvoir en place devait analyser ce qui s’était passé depuis la libéralisation et en tirer des conclusions, en comparaison de ce qui se faisait par le passé. Cela n’a pas été fait. Même si c’était le cas, les gens n’aiment pas avouer leurs faiblesses. L’Africain est ainsi. Il faut que nos gouvernemants aient le courage de reconnaitre que leur gestion de la filière a été un échec et revenir à certaines formes qui ont fait valoir leur efficacité dans le passé.

Que pensez-vous du nouvel accord international sur le cacao en tant qu’économiste averti ?
Ce nouvel accord va faire perdre à la Côte d’Ivoire son indépendance économique et financière. Lorsque les multinationales possèdent vos terres, c’est fini pour les élections libres. Parce que, ce sont ces nouveaux propriétaires terriens qui placent leurs candidats pour pouvoir en tirer profit. Puisqu’il leur faut un candidat qui défende leurs intérêts. On ne doit pas accepter de brader sa terre à des multinationales qui sont sans foi, ni loi. La Côte d’Ivoire doit garder son indépendance politique, économique, culturelle et financière. En vendant nos terres, nous perdons ce qu’un pays a de plus précieux. La nationalité est liée à la terre. Lorsque votre terre appartient à autrui, vous ne pouvez plus parler de nationalité, voire exercer vous-même l’agriculture.

Parlons de la gestion des plantations du président Houphouët-Boigny de Yamoussoukro.
J’ai lu dans la presse que le Maire et le Gouverneur du District de Yamoussoukro se livrent une vraie bataille pour le contrôle de la gestion de ces plantations. Mais sachez que les plantations de l’Etat attisent la corruption. Pour moi, les peuples baoulé sont assez outillés pour cultiver des plantations de café et de cacao. Je souhaite qu’on repartisse ces plantations entre les riverains qui sont aussi des planteurs. Ce sont d’ailleurs leurs terres. On les leur a arrachées sans leur donner grande chose. Qu’on les leur rétrocède pour qu’ils puissent faire des plantations. Ils sont coincés. Ils n’ont pas de terres pour cultiver les vivriers pour nourrir leurs enfants. Le District doit certes songer au développement, mais ne doit pas être planteur. Le rôle du Gouverneur, c’est d’être coordonnateur du développement. Qu’on redonne ces terres aux riverains.

Réalisée à Yamoussoukro par Jules César
cesaryao32@yahoo.fr
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