La famille Traoré a dû faire sa cuisine à l’air libre hier soir. Leur maison, comme bien d’autres du quartier de la Riviéra Bonoumin ‘’aux chevaux’’ n’a pas eu la chance d’être épargnée par les bulldozers du préfet d’Abidjan, Sam Etiassé. Sur cet espace où étaient encore levées diverses habitations, l’on n’aperçoit plus que des tas de gravas, de tôles et de planches. «Vous voyez, ils ont tout détruit. On nous a demandé de quitter hier (Ndlr, le jeudi) à 16h, et déjà aujourd’hui (hier, Ndlr) ils ont détruit nos maisons. Où veulent-ils que nous allions ? En attendant de trouver un lieu, où loger nos enfants, il est déjà soir (18h), il faut penser au moins à se nourrir le soir. Et c’est pourquoi nous sommes en train de préparer sur le site de notre maison détruite», explique D. Fatoumata, son bébé au dos. A quelques encablures de son feu de bois, certains déguerpis continuent de marcher, sans destination fixe. La situation semble critique. Où trouver une couchette en ce temps de pluie ? Une préoccupation qui semble être partagée par les familles déguerpies. «Comment procéder à un déguerpissement en saison de pluie. On dit qu’on doit quitter ce site pour éviter que les pluies ne nous tuent. Mais à cette allure, qu’elle est la différence entre les décès causés par la pluie et l’acte que la mairie et le préfet d’Abidjan viennent de poser. Est-il possible de laisser des êtres humains dehors de la sorte. Nous ne sommes quand même pas des animaux», crache D. Mamadou. «En même temps qu’on dit que ce sont nos constructions qui obstruent la voie des eaux de pluies, nous nous sommes rendu compte que certaines constructions ont été épargnées. Pourquoi faire de deux poids deux mesures», s’indigne Mamadou qui précise que sur le document à eux présenté jeudi par la mairie, il était écrit que le déguerpissement devait se faire 48h plus tard. «Mais nous avons été surpris ce matin (hier matin) de voir arriver le préfet d’Abidjan, les agents des sapeurs pompiers et les bulldozers», renchérit L. Gnankouè. Et pourtant, selon B. Ladji, porte-parole de la population, ce sont 500 familles qui ont ainsi été mises à la rue, sans explication. «Les plus forts ont agi. Il ne nous reste que la voie de la négociation. Nous essaierons de rentrer en contact dès lundi avec la mairie et le préfet d’Abidjan afin qu’on nous dise les dispositions à prendre», soutient le porte-parole. Annoncée pour jeudi dernier à 17h, l’opération de déguerpissement a démarré hier. Plus de la moitié des habitations de ce sous-quartier n’existent plus. Dès 9h, la délégation des sapeurs pompiers fait son apparition sur les lieux, accompagnés quelques instants plus tard des agents de la police nationale. Deux heures plus tard, la délégation de la préfecture d’Abidjan et des ministres Koné Myélet Tiémoko et Dagobert Banzio, respectivement ministre de la Construction et de l’Urbanisme et ministre des Infrastructures économiques arrivent sur les lieux. Après quelques conciliabules, les agents des forces de l’ordre demandent aux populations de quitter les maisons avant de demander aux conducteurs des bulldozers de débuter leur travail, sous les pleurs des femmes. «Nous sommes déjà à plus de 8 morts pour cette année. Ça suffit, il faut arrêter l’hémorragie, et nous prendrons nos responsabilités», avait affirmé le préfet Sam Etiassé, jeudi, sur le théâtre des opérations. Les responsables du plan Orsec ont donc décidé de passer à l’offensive. Mais une action qui donne un goût d’inachevé, puisque le plan Orsec prévoit également le recasement des populations déguerpies, où à la limite un dédommagement pour leur permettre de se reloger.
Malheureusement, ces familles de Bonoumin aux chevaux ont été abandonnées à elles-mêmes
Touré Yelly
Malheureusement, ces familles de Bonoumin aux chevaux ont été abandonnées à elles-mêmes
Touré Yelly