A première vue, ce n’était qu’un simple blâme familial. Une conjoncture qui devrait s’éteindre et se fondre dans l’oubli, une fois la clameur et l’émotion passées. Comme les querelles de positionnement entre barons, qui rythment, bien souvent, la vie des partis politiques. Les agissements du ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, dénoncés par le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, alimentent toujours la chronique politique et fait la manchette des tabloïds, depuis des semaines. Ces deux pontes du parti au pouvoir, ne s’apprécient que très peu, on le sait. Très vite, l’on a tenté de laver le linge sale au sein de la maison bleue. Mais, les laveurs ont buté sur l’épaisseur de la souillure. Les langues sont restées très peu taciturnes. Le linge sale a été donc exposé publiquement. Le FPI, divisé autour du sujet des diatribes contre le maître d’œuvre des Accords politiques de Ouagadougou, a cru pouvoir faire diversion. Echec. La couleuvre est trop grosse, difficile à avaler pour l’opinion. Le linge est donc exposé au soleil. Sous les regards de l’ensemble de la communauté nationale et internationale.
La Côte d’Ivoire présente, une fois de plus, l’affreux visage d’un pays corrompu, souillé, du plus profond de ses structures étatiques. Les forces de défense et de sécurité que sont la Police, l’Armée et la Gendarmerie, n’étant composées que sur des bases tribales, ethniques et politiques, selon les propres confessions du ministre de l’Intérieur qui affirme, non sans la conviction de celui qui a la conscience d’avoir accompli son devoir, qu’il réserve « 2/3 des effectifs », à sa famille politique. Les régies financières que sont la Douane, les Impôts et le Trésor ainsi que la l’Administration publique, échappent difficilement à la règle morale non écrite d’autant plus qu’à la base, le Concours d’entrée à l’Ecole normale d’Administration (ENA) obéit, jusque-là, à des critères financiers et ne réussit qu’à ceux qui payent pour corrompre, de l’aveu de la nouvelle directrice de l’institution, Yapo Zoua Evelyne. « On ne paiera plus pour entrer à l’ENA », avait-elle déclaré sitôt désignée après le limogeage de l’ancien Directeur, dont elle était la collaboratrice. Lapsus ? Certainement. Mais, méprise révélatrice d’une pratique malsaine devenue la règle depuis dix ans, dans cette Ecole dite d’élite.
Il aura fallu la salve, volontaire ou pas, de Koulibaly pour que les Ivoiriens soient conscients du tragique péril qui pèse sur l’équilibre social de leur pays. Laurent Gbagbo, après avoir vainement tenté de circonscrire la crise au sein de sa famille politique, s’est lancé dans une opération de charme. L’affaire est donc devenue nationale et la presse et les intellectuels qui lui sont obligés, se lancent dans des conclusions aussi hâtives qu’hasardeuses, parlant de « vent de vertu qui souffle sur la République ». Où se trouve cette « vertu », au moment où la Cote d’Ivoire plonge, de jour en jour, dans les profondeurs abyssales de l’immoralité ?
Pendant une décennie, le chef de l’Etat, se comportant le plus souvent comme le porte-flambeau d’un clan, s’est toujours refusé à ouvrir les yeux. S’il n’a pas encouragé publiquement les pontes de son camp aux vols et aux pillages, Laurent Gbagbo a constitué, pour eux, un bouclier, une sorte de parapluie atomique contre leurs forfaits de tous acabits. Scandales des déchets toxiques, pillages dans la filière café-cacao, achats de concours, racket, tueries et exactions, sont autant des maux qui n’ont jamais connu de solutions. Pis, comme réponse aux attentes du peuple, Gbagbo faisait plutôt chanter ses collaborateurs dont certains rechignaient à adouber son nouveau Directeur de campagne, le parachuté Issa Malick Coulibaly : « si je ne suis pas élu, vous perdrez vos fortunes », les avait-il prévenus. Trahissant du coup la protection dont il les entoure, sachant bien qu’ils se rendaient quotidiennement coupable – et cela depuis dix ans bonnes années maintenant – de concussions pour ne pas dire plus au détriment du peuple.
« Les plaintes des populations, victimes de ces pratiques qui durent depuis longtemps, largement relayées par la presse, n’ont reçu que l’indifférence et le mépris du pouvoir. Tout se passe comme si les déviances dénoncées sont quelque part encouragées », dénonce Gnamien Konan, ancien patron des Douanes.
Le proverbe malinké le dit : « Comment retrouver une aiguille par terre pendant qu’on a soi-même le pied posé dessus » ? Autrement dit, comment le Procureur de la République, Tchimou Raymond, peut-il enquêter sur les malversations alors que son mandataire, Laurent Gbagbo, en a été le principal bénéficiaire et/ou le complice passif ? Tagro aurait-il agi seul, sans aucune influence, sans en avoir informé le chef de l’Etat ? Improbable. Décider de rompre le pacte républicain en annihilant l’égalité des chances, pour laisser prospérer un parti-Etat ou un Etat partisan, au profit de sa propre tribu ou de son parti politique, est une attitude trop lourde de conséquences pour un « simple » ministre, même s’il s’appelle Tagro Désiré. « Beaucoup de personnes en sont arrivées à se demander si nous ne sommes pas en présence d’un choix idéologique de la Refondation », s’interroge, juste à propos, le président de l’UPCI, candidat à la présidentielle. Refondation ? Ce système politique qui n’a jamais promu les valeurs du travail et du mérite, prospère dans la complaisance et la tricherie.
Gbagbo Laurent à la tête du pays, incarne aujourd’hui, au nom des cette Refondation, la résignation et l’impuissance. Sa gestion du pays, montre qu’il refuse lui-même la moralisation de la vie publique. Les stratégies de lutte contre ce fléau doivent s’étendre sur le long terme, dans un cadre politique, social et institutionnel qui le permet. Car en l’état actuel, la prétendue lutte contre la corruption de Laurent Gbagbo, semble n’être qu’un exutoire au lieu d’une réelle volonté politique de moraliser la vie publique. Au lieu de déclarer la guerre au pillage des deniers publics, Gbagbo cherche des justifications, pour que le peuple accepte la situation pour, enfin, l’intégrer comme une fatalité. Une démarche vraiment trompeuse, un miroir aux alouettes, que cette prétendue enquête dans l’affaire du linge sale du FPI, qui a fini par salir le drapeau national.
PAR CHARLES SANGA
La Côte d’Ivoire présente, une fois de plus, l’affreux visage d’un pays corrompu, souillé, du plus profond de ses structures étatiques. Les forces de défense et de sécurité que sont la Police, l’Armée et la Gendarmerie, n’étant composées que sur des bases tribales, ethniques et politiques, selon les propres confessions du ministre de l’Intérieur qui affirme, non sans la conviction de celui qui a la conscience d’avoir accompli son devoir, qu’il réserve « 2/3 des effectifs », à sa famille politique. Les régies financières que sont la Douane, les Impôts et le Trésor ainsi que la l’Administration publique, échappent difficilement à la règle morale non écrite d’autant plus qu’à la base, le Concours d’entrée à l’Ecole normale d’Administration (ENA) obéit, jusque-là, à des critères financiers et ne réussit qu’à ceux qui payent pour corrompre, de l’aveu de la nouvelle directrice de l’institution, Yapo Zoua Evelyne. « On ne paiera plus pour entrer à l’ENA », avait-elle déclaré sitôt désignée après le limogeage de l’ancien Directeur, dont elle était la collaboratrice. Lapsus ? Certainement. Mais, méprise révélatrice d’une pratique malsaine devenue la règle depuis dix ans, dans cette Ecole dite d’élite.
Il aura fallu la salve, volontaire ou pas, de Koulibaly pour que les Ivoiriens soient conscients du tragique péril qui pèse sur l’équilibre social de leur pays. Laurent Gbagbo, après avoir vainement tenté de circonscrire la crise au sein de sa famille politique, s’est lancé dans une opération de charme. L’affaire est donc devenue nationale et la presse et les intellectuels qui lui sont obligés, se lancent dans des conclusions aussi hâtives qu’hasardeuses, parlant de « vent de vertu qui souffle sur la République ». Où se trouve cette « vertu », au moment où la Cote d’Ivoire plonge, de jour en jour, dans les profondeurs abyssales de l’immoralité ?
Pendant une décennie, le chef de l’Etat, se comportant le plus souvent comme le porte-flambeau d’un clan, s’est toujours refusé à ouvrir les yeux. S’il n’a pas encouragé publiquement les pontes de son camp aux vols et aux pillages, Laurent Gbagbo a constitué, pour eux, un bouclier, une sorte de parapluie atomique contre leurs forfaits de tous acabits. Scandales des déchets toxiques, pillages dans la filière café-cacao, achats de concours, racket, tueries et exactions, sont autant des maux qui n’ont jamais connu de solutions. Pis, comme réponse aux attentes du peuple, Gbagbo faisait plutôt chanter ses collaborateurs dont certains rechignaient à adouber son nouveau Directeur de campagne, le parachuté Issa Malick Coulibaly : « si je ne suis pas élu, vous perdrez vos fortunes », les avait-il prévenus. Trahissant du coup la protection dont il les entoure, sachant bien qu’ils se rendaient quotidiennement coupable – et cela depuis dix ans bonnes années maintenant – de concussions pour ne pas dire plus au détriment du peuple.
« Les plaintes des populations, victimes de ces pratiques qui durent depuis longtemps, largement relayées par la presse, n’ont reçu que l’indifférence et le mépris du pouvoir. Tout se passe comme si les déviances dénoncées sont quelque part encouragées », dénonce Gnamien Konan, ancien patron des Douanes.
Le proverbe malinké le dit : « Comment retrouver une aiguille par terre pendant qu’on a soi-même le pied posé dessus » ? Autrement dit, comment le Procureur de la République, Tchimou Raymond, peut-il enquêter sur les malversations alors que son mandataire, Laurent Gbagbo, en a été le principal bénéficiaire et/ou le complice passif ? Tagro aurait-il agi seul, sans aucune influence, sans en avoir informé le chef de l’Etat ? Improbable. Décider de rompre le pacte républicain en annihilant l’égalité des chances, pour laisser prospérer un parti-Etat ou un Etat partisan, au profit de sa propre tribu ou de son parti politique, est une attitude trop lourde de conséquences pour un « simple » ministre, même s’il s’appelle Tagro Désiré. « Beaucoup de personnes en sont arrivées à se demander si nous ne sommes pas en présence d’un choix idéologique de la Refondation », s’interroge, juste à propos, le président de l’UPCI, candidat à la présidentielle. Refondation ? Ce système politique qui n’a jamais promu les valeurs du travail et du mérite, prospère dans la complaisance et la tricherie.
Gbagbo Laurent à la tête du pays, incarne aujourd’hui, au nom des cette Refondation, la résignation et l’impuissance. Sa gestion du pays, montre qu’il refuse lui-même la moralisation de la vie publique. Les stratégies de lutte contre ce fléau doivent s’étendre sur le long terme, dans un cadre politique, social et institutionnel qui le permet. Car en l’état actuel, la prétendue lutte contre la corruption de Laurent Gbagbo, semble n’être qu’un exutoire au lieu d’une réelle volonté politique de moraliser la vie publique. Au lieu de déclarer la guerre au pillage des deniers publics, Gbagbo cherche des justifications, pour que le peuple accepte la situation pour, enfin, l’intégrer comme une fatalité. Une démarche vraiment trompeuse, un miroir aux alouettes, que cette prétendue enquête dans l’affaire du linge sale du FPI, qui a fini par salir le drapeau national.
PAR CHARLES SANGA