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Politique Publié le mardi 29 juin 2010 | Notre Voie

Saisine du procureur dela République par le chef de l’Etat - Pr. Ouraga Obou sur l’affaire Koulibaly-Tagro : “L’enquête parlementaire est devenue inopérante”

Le président de la République, Laurent Gbagbo, a chargé le procureur de la République, Raymond Tchimou, de mener une enquête sur des faits graves de corruption portés au crédit du ministre de l’intérieur, Désiré Tagro, par le président de l’Assemblé nationale, Mamadou Koulibaly. Dans le texte qui suit, le professeur de droit constitutionnel Boniface Ouraga Obou souligne les deux leçons politiques à tirer de cette enquête judiciaire en cours. Il se prononce, par ailleurs, sur l’enquête parlementaire réclamée par des députés. Synonyme de celle qui “souffre des maux d’autrui, comme si elle en était responsable” selon Vauvenargues, la générosité est la vertu du désintéressement et de la solidarité. Puisqu’au plan matériel, étant donné qu’on ne peut redistribuer la pauvreté, la générosité rime avec la création de richesses ou l’abondance. Elle ne peut se dissocier d’elle. C’est dire qu’on ne peut donner que ce qui nous appartient. Subséquemment, celui qui n’a rien et s’évertue à distribuer la richesse suscite suspicion. Car il est tenté de voler pour alimenter son ambition personnelle. Aussi, est-il porté à enfreindre la loi. En fait, on ne peut délibérément aliéner ce qui appartient à autrui. Donc celui qui vole et redistribue n’est pas de la lignée des généreux. Sinon on serait tenté de louer la pseudogénérosité des chefs des gangs et des cartels de drogue. Ce qui revient à considérer que la générosité est difficilement concevable sans la vertu. C’est le sens de la gouvernance au sens étatique. Entendue au sens démocratique ou économique, sans être une ordonnance universelle applicable partout ou un remède miracle, la gouvernance constitue cependant une notion de référence universelle, une conditionnalité de l’aide au développement. Dès lors qu’elle intègre parfaitement l’interaction entre le progrès économique et le progrès politique et social, la gouvernance se définit comme un modèle de référence d’administration publique, d’évaluation de la performance ou d’utilisation rationnelle des ressources. Elle s’analyse en un mode de moralisation de la vie publique. Sa finalité est de structurer, dans un cadre institutionnel d’Etat de droit de type démocratique, la transparence des procédures, les mécanismes de contrôle, la responsabilité, c’est-à-dire l’obligation de résultats et de rendre compte, assortie de récompense ou de sanction en cas de mauvaise gestion. A fortiori, en elle, se cristallisent les valeurs de l’éthique. Générosité et gouvernance, deux concepts inséparables Selon l’ancien Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, “sans bonne gouvernance, sans respect de la légalité, sans administration prévisible, sans pouvoir légitime, sans réglementation adaptée, ni le financement extérieur ni la charité ne nous mettront sur la voie de la prospérité. Une des fonctions essentielles de l’Etat est de mettre en place les conditions favorables à l’investissement, à la création de richesses, à l’épanouissement des individus. La bonne gouvernance exige le consentement et la participation des gouvernés et l’engagement durable, sans réserve, de tous les citoyens en faveur de l’avenir de leur pays”. (Extrait de sa déclaration inaugurale à la Conférence internationale sur la gouvernance, coopération sud, n°1, 1998, p. 26). C’est dire que le corrélat entre la générosité et la gouvernance permet : - de soustraire le citoyen à la mentalité du gain facile et à l’esprit d’éternel assisté, car il n’est pas d’ambition et d’espérance sans un effort individuel ; - d’institutionnaliser, dans l’utilisation des fonds publics, l’obligation de transparence, de résultat, de responsabilité, de contrôle ou de rendre compte ; de lutter efficacement contre la corruption et l’impunité des responsables de la mauvaise gestion, en vue d’obliger tout citoyen à respecter la chose publique, aux termes des articles 25 et 26 de la constitution. A la limite, notre devoir n’est pas d’obstruer les voies de l’espérance. De ce point de vue, nous n’avons pas le droit d’être indifférent à l’égard des démunis. Aussi, faut-il tuer en nous l’égoïsme, au point de développer en nous le sens élevé du partage et de la solidarité. Car être indifférent, c’est fermer les voies de l’espérance. En sens inverse, être généreux, c’est pouvoir renoncer, au nom du civisme, au devoir d’indifférence. Mais a-t-on le droit de nous enrichir de façon illicite et nourrir la générosité ? Avons-nous le droit de disposer impunément du bien d’autrui, notamment du bien public, et prétendre animer l’espérance des autres ? N’est-ce pas dissocier la vertu de la générosité, c’est-à-dire deux valeurs complémentaires ? En fait, coupée de la vertu, la générosité nourrie par le bien d’autrui et frauduleusement acquis devient un acte crapuleux. C’est le sacre des prédateurs. Et, quand on se prévaut de ce qui est acquis dans le mal et le déshonneur, pour en tirer gloire et fierté, c’est, au moyen de cet incivisme, troquer la générosité contre la charité. Souvent, la charité sert à masquer ou à exorciser le mal dont on souffre et qui nous est imputable. Elle condamne l’autre à la mendicité. Donc, exhiber la générosité dans la méprise de la vertu, c’est se noyer dans le flot de l’insouciance. C’est le dévoiement de la République. Au sens républicain, en faisant de la vertu notre thérapie, c’est-à-dire l’ultime garant de notre espérance, la mentalité du gain facile devient notre totem, le vol notre interdit, l’enrichissement illicite notre péché, la corruption notre déshonneur, et la tricherie notre honte. C’est le refus d’une Côte d’Ivoire avilie qui, sans cesse, paresse, triche et que certains voudraient voir s’appauvrir au détriment d’une minorité éhontée. C’est le sens de La Refondation, définie comme un correctif du déshonneur et du viol de notre foi républicaine. Refonder, c’est, en fait, changer nos mentalités. C’est révolutionner nos comportements et nos manières de vivre. Car lorsque les “vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer”, l’immobilisme ferait de La Refondation une œuvre promise à l’oubli. Ce qui reviendrait à fermer les voies de l’espérance. Car, d’après le dramaturge français Molière, “on finit par perdre tout espoir lorsqu’on attend sans cesse”. A la limite, selon Victor Hugo “le désespoir est un compteur, il additionne tout”. Et, céder au désespoir, c’est se nourrir continuellement des frustrations et des rancoeurs. Au regard de ce qui précède, on peut démêler aisément la composition du matériau qui nourrit la démarche anticipative et instructive du chef de l’Etat, à savoir que la générosité et la gouvernance sont intimement liées. Mais comment ? La commission parlementaire désormais inopérante D’une part, il nous rappelle que la politique ne peut se dissocier de la générosité. C’est dire que la générosité nourrit la politique. Cela est conforme, dans la culture africaine, au devoir du chef. Il a le devoir d’être généreux. Mais la générosité ou manifestation de la redistribution de la richesse ne peut prospérer dans le temps que si elle est empreinte de vertu, synonyme de bonne gouvernance. Faute de quoi la générosité serait abâtardie. C’est, semble-t-il, le sens de la procédure d’enquête diligentée contre le ministre de l’Intérieur à l’initiative du chef de l’Etat. Sa signification est double. Retenons que le ministre de l’Intérieur bénéficie de la présomption d’innocence, au sens de l’article 22 de notre constitution. Et s’il s’avérait que son innocence était prouvée à l’issue de “ces multiples chefs d’accusation”, cela ne pourrait que réconforter le chef de l’Etat dans le choix de la plupart de ses collaborateurs. On ferait alors de celui qui semble à présent voué aux gémonies, un modèle de citoyen, un grand serviteur de l’Etat, placé au-dessus de tout soupçon. Ce qui ferait de lui, un symbole de référence d’intégrité morale. Dans le sens contraire, la leçon politique à tirer de cet exercice serait que le chef républicain n’est nullement complaisant. Généreux envers les intègres, il est aussi impitoyable à l’égard des malhonnêtes. Nul, y compris ses propres parents, amis et plus proches collaborateurs, ne serait au-dessus de la loi. De ce fait, récuser le procureur de la République en charge du dossier ne résiste pas à l’examen. Car procéder autrement relèverait de la mauvaise gouvernance. Pourquoi ne pas lui accorder le bénéfice de la bonne foi ? Enfin, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la commission d’enquête parlementaire est/ou devient inopérante, en cas de poursuite judiciaire, antérieure ou postérieure à sa création. Donc, à l’étape actuelle de la procédure, elle est inopportune. En définitive, il ne sert à rien de préjuger. Ce serait une drôle de manière de se faire une opinion, parfois hâtive et souvent fausse. Attendons de voir. Ouraga Obou Professeur de Droit constitutionnel et de Science politique N.B. : Les titres et intertitres sont de la Rédaction.
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