Lors d'une réunion de crise du Haut conseil des membres du Fpi (Ndlr, Front populaire ivoirien, parti au pouvoir), le ministre de l'Intérieur, membre dudit parti, Désiré Tagro Asségnini, aurait affirmé que les 2/3 des places aux concours d'entrée à l'Ecole de police étaient réservées à certains barons du Fpi. Cette révélation du sécurocrate de la République apparaît clairement comme un aveu dans la mesure où elle s'est faite devant une instance aussi importante de sa famille politique. De ce point de vue, il aurait fallu que le Procureur de la République s'autosaisisse en prenant soin au préalable de dresser un procès verbal avec les noms des membres du Fpi ayant participé à ladite réunion de crise. C'est son devoir. Les faits sont extrêmement graves, car la police est un fondement de la République. Mieux, le bon sens aurait voulu que Désiré Tagro Asségnini démissionne, de gré ou de force, de ce poste ministériel aussi stratégique que celui de l'Intérieur. Cette démission permettrait d'éviter les vices de procédure et la justice pourra statuer librement sur son cas qui, apparaît complexe du fait de sa qualité de membre de gouvernement. Que non, le magistrat en chef de la République est resté indifférent devant un tel fait aussi gravissime jusqu'à ce que le Chef de l'Etat lui-même le saisisse aux fins de diligenter une enquête sur le dossier. La main sur le cœur, le Procureur de la République près le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, Tchimou Raymond Féhou, promet de mener les investigations sans complaisance. Mais que va-t-on faire des résultats de cette enquête ? devrait-on leur donner une suite judiciaire ou administrative ? A en croire Tchimou Raymond Féhou, son Parquet a été saisi par le Chef de l'Etat pour ''voir clair dans l'affaire''. Dès lors, il va mener son enquête avec l'appui de la Brigade de recherche de la gendarmerie nationale et les résultats de ses investigations seront transmis à celui qui l'a mandaté. Lui (le Chef de l'Etat) seul peut décider de la suite à donner au dossier. A ce stade de l'enquête, deux cas de figure sont possibles : soit sanctionner administrativement Désiré Tagro Asségnini et ses complices, soit engager des poursuites judiciaires contre eux. Dans cette dernière éventualité, le Procureur Tchimou tient à observer que Désiré Tagro, en sa qualité de ministre, n'est pas justiciable devant les tribunaux de droit commun. Il faut, a-t-il argumenté lors d'un point de presse, pour poursuivre un ministre en fonction, créer une juridiction spéciale, la Haute cour de justice. Ce qui, a-t-il reconnu, requiert une panoplie de procédures. A l'absence de cette haute juridiction, pourtant prévue par la Constitution pour traiter ce genre d'affaire, un groupe d'enquête parlementaire devrait être constitué pour combler le vide. Etant donné que la Haute cour de justice est constituée de parlementaires et de magistrats. Pour y arriver, la démarche est tout aussi procédurière. Contrairement à ce qu'on croit, si l'on s'en tient aux récentes déclarations du Président du Parlement ivoirien sur cette enquête, ce n'est pas le Président de l'Assemblée nationale qui décide de l'enquête parlementaire. Ce sont plutôt les Groupes parlementaires qui écrivent au Président de l'Assemblée nationale lui demandant de mettre en place, une Commission d'enquête parlementaire. " J'ai donc reçu une résolution du Groupe parlementaire Solidarité, une du Pdci (Ndlr, Parti démocratique de Côte d'Ivoire, parti d'opposition), une autre de l'Udpci (Ndlr, Union démocratique pour la paix en Côte d'Ivoire, parti d'opposition) me demandant de me dépêcher de mettre en place ladite Commission. Et moi, en tant qu'exécutant, j'ai donc convoqué la Conférence des présidents pour mardi prochain (Ndlr, le 29 juin 2010) et c'est elle qui va étudier la demande des groupes parlementaires. Si la Conférences décide que leurs demandes sont recevables, alors on va confier les résolutions à une commission permanente. Soit la commission des Affaires sociales, parce qu'il s'agit de l'école, soit la commission de la défense et de la sécurité, parce qu'il s'agit de la police. Et la commission permanente va étudier les résolutions, proposer à l'Assemblée nationale en plénière une résolution qui fusionne les trois résolutions. Puis, la plénière va se réunir alors pour débattre de cette résolution, l'adopter et mettre en place la commission, ou la rejeter et la commission ne se mettra pas en place. Et c'est après la décision de l'Assemblée nationale que son président écrira au Garde des Sceaux pour dire que l'Assemblée nationale a décidé ce jour de mettre en place une commission d'enquête parlementaire ", a expliqué Mamadou Koulibaly. Loin de toute polémique et avant l'aboutissement de l'enquête du Parquet du Plateau, il est plus que nécessaire de prendre des mesures conservatoires en ce qui concerne l'issue de ce qu'il convient d'appeler ''l'affaire Tagro''. Il s'agit notamment de la suspension de ses fonctions du ministre de l'Intérieur pour éviter un vice de procédure qui risque de nous conduire exonorablement vers une enquête tronquée et penser à mettre rapidement en place une commission d'enquête parlementaire sur les différents chefs d'accusation afin que l'opinion nationale soit informée et tire les conséquences. Pour rappel, c'est à partir des déclarations du Président de l'Assemblée nationale Mamadou Koulibaly, dénonçant, le 2 juin dernier au cours d'une cérémonie organisée par la Société civile ivoirienne au Parlement, la corruption et la favoritisme dans l'organisation des concours d'entrée à l'Ecole de police, que le Chef de l'Etat a instruit le Parquet du Plateau à l'effet de vérifier l'exactitude ou non de certaines accusations portées contre son ministre de l'Intérieur. A savoir : 1- Déterminer le nombre exact, tous corps confondus, des personnes admises au concours d'entrée à l'Ecole nationale de Police, session 2007-2009, qui sont originaires des sous-préfectures de Saioua et Nahio. Et vérifier si le ministre de l'Intérieur a directement ou indirectement marchandé des places ou s'il a fait obstruction aux poursuites engagées contre une personne qui les aurait marchandées. 2- Rechercher si le ministre de l'Intérieur a oui ou non détourné pour son compte ou pour le compte d'autrui, les sommes d'argent mises à la disposition de la communauté musulmane, dans le cadre des pèlerinages à la Mecque (Hadj) des années 2007, 2008 et 2009. Il s'agit en outre en cas de détournement avéré d'en déterminer le montant. 3- L'enquête a aussi pour but de déterminer si les sommes d'argent payées par l'Etat de Côte d'Ivoire pour l'indemnisation des victimes des déchets toxiques sont effectivement et en totalité parvenues aux destinataires. 4- Enfin, elle vise à établir si oui ou non le ministre de l'Intérieur a perçu, seul ou avec autrui, la somme de dix milliards Fcfa à titre de commission de la part de la société Sagem Sécurité.
Tout en saluant l'initiative et le courage du Chef de l'Etat qui visent à promouvoir la bonne gouvernance, il est nécessaire que cette ''Opération mains propres'' s'étende à tous les secteurs de la vie publique nationale pour éviter le génocide des jeunes diplômés sacrifiés au profit de la médiocrité, du favoritisme, du clientélism.
Coulibaly N'Golo A.aboubackr@yahoo.fr
Tout en saluant l'initiative et le courage du Chef de l'Etat qui visent à promouvoir la bonne gouvernance, il est nécessaire que cette ''Opération mains propres'' s'étende à tous les secteurs de la vie publique nationale pour éviter le génocide des jeunes diplômés sacrifiés au profit de la médiocrité, du favoritisme, du clientélism.
Coulibaly N'Golo A.aboubackr@yahoo.fr