Face au coût élevé des phares de véhicule dans les grands magasins, les automobilistes se retournent vers les artisans qui en fabriquent qui sont identiques aux originaux. Mais combien dangereux.
C’est tous les jours que l’on constate des accrochages entre automobilistes dans la circulation abidjanaise. Des télescopages entre véhicules dits personnels, entre ces engins et des véhicules de transport en commun etc. Les dommages généralement se situent au niveau des pare-chocs et plus généralement les phares. Les prix de ces pièces, importées, ne sont pas à la portée de tous. Contraints pourtant de les changer, nombre d’automobilistes abidjanais se tournent vers les phares de fabrication artisanale qui leur revient moins cher que ceux vendus dans les magasins de Treichville et de Zone 4. Atta Owusu, un ressortissant ghanéen, installé au carrefour du Zoo sur l’axe Adjamé-Plateau Dokui, est très sollicité par les conducteurs. Son magasin grouille de clients qui viennent avec un phare brisé lors d’un accrochage. « Ils viennent avec la conviction de repartir satisfait », fait remarquer le bricoleur qui s’est fait une renommée dans la capitale économique. Devant son magasin où est accrochée fièrement une pancarte estampillée : « Fabrication et réparation de phares », trainent des carcasses de toute marque de véhicule. Assis au milieu du lot, sa main balance de gauche à droite pour attraper un reste de verre qui va servir à redonner forme à un autre. Et redonner le sourire à un automobiliste. « C’est un métier qui demande beaucoup de concentration et de délicatesse », clame-t-il. Son matériel de travail, une matière plastique qu’il importe du Ghana, des fers soigneusement limés et un grand fourneau électrique. Et le fer chaud sans protection qu’il introduit et retire du feu, il dit ne plus faire attention à la douleur. « Je suis habitué », dit-il. Selon lui, tout a commencé en 1999 lorsqu’il s’est mis en apprentissage chez un compatriote ghanéen qui lui a appris le métier avant de s’installer sur l’axe Adjamé-Abobo. Aujourd’hui, Atta Owusu, même s’il regrette l’époque du premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny - les affaires marchaient dit-il-, il arrive à nourrir sa femme et ses trois enfants.
Présidence, CeCos et chauffeur de gbaka courent chez lui…
Les habitués de ce marché de raccommodage se comptent dans toutes les couches sociales. Des woro-woro aux ‘’en haut d’en haut’’ en passant par les ‘’plaques jaunes’’ (véhicules administratifs), les personnels… la classe moyenne. « Comme les chauffeurs de gbakas sont les plus nombreux sur cette voix, la majorité d’entre eux ne réparent leurs phares qu’avec moi. Souvent, ce sont des raccommodages que je fais. Mais il arrive également que le phare soit entièrement endommagé. Dans ce cas, je refais entièrement un autre. Il me suffit de regarder le modèle. Et quand je ne suis pas fatigué, cela prend juste quelques minutes », explique Owusu. Selon lui, ses clients se comptent aussi parmi les chauffeurs en fonction à la présidence de la République. Quand il leur arrive souvent d’endommager leurs pare-brises, ils courent le voir avant de regagner leur parking. « En 2009, un employé de la présidence est venu réparer les phares d’une nouvelle Mercedes. Je lui ai refait les phares à 16.000 Fcfa. Mais en magasin, le même modèle coûte à peu près 450.000 Fcfa », souligne ‘’l’ingénieur’’ des phares. Et d’ajouter que l’on n’a pas besoin de se vider les poches pour remettre son véhicule en état.
Pour des prix abordables…
Ces artisans qui montent les phares de manière identique à ceux vendus dans les magasins ne demandent pas des fortunes à leurs clients. Pour des modèles de Citroën, Audi et Peugeot 306 vendus en magasin à 15 000 Fcfa, 40 000 Fcfa et 150 000 Fcfa, Atta Owusu en fabrique en tous points identiques et les cèdent respectivement à 1500 Fcfa, 6 000 Fcfa et 40 000 Fcfa. « Tout le monde ne peut pas aller au magasin parce que les phares coûtent cher, ils sont importés, raison de plus pour les magasiniers de monter les enchères », explique celui qui dit rendre beaucoup de service aux chauffeurs d’Abidjan. Ces derniers ne s’en cachent d’ailleurs pas. A notre passage chez Atta Owusu, ce lundi 12, pas moins de cinq candidats au recyclage nous y ont trouvé. Des habitués de ‘’l’usine’’
Qui attirent des clients malgré les risques
« Il y a deux semaines que j’ai eu un accident et j’ai cherché un phare pour mon clignotant à la casse d’Adjamé, sans en avoir. Et c’est mon mécanicien qui m’a conduit ici ce matin. Il me facture le travail à 1500 Fcfa et pourtant ce phare fait 15 000 Fcfa en magasin », explique Akré Jean, propriétaire d’une Renault. Son mécanicien qui l’accompagnait rassure que les travaux de l’artisan ont toujours satisfait les clients qu’il lui a confiés depuis quatre ans. « Vous savez, il y a des lanternes qui atteignent 50.000 voire 60.000 Fcfa. Et vu ce que nous gagnons, il est difficile d’acheter ces pièces à ces prix », souligne Sylla Arouna, chauffeur de gbaka. Mais pour Zadi Kessy qui se trouvait dans le même véhicule, ces phares de fabrication artisanale aident certes, mais présentent beaucoup de défaillances. Il révèle avoir échoué en 2003 à une visite parce que le phare n’était pas conforme aux normes exigées. Ses propos sont corroborés par Tah Bi Tra, sous-directeur de la formation à l’Oser (Office de sécurité routière). Selon lui, les phares de fabrication artisanale sont à la base de nombreux accidents de la circulation. La crise que traverse le pays a, selon lui, amenuisé les revenus des populations. « Mais ce n’est pas une raison pour acheter ces phares qui ne respectent aucune norme légale», explique-t-il. Ces phares, à l’en croire, n’ont pas une bonne luminosité et souvent la qualité approximative du matériel utilisé par les artisans oriente les faisceaux dans la mauvaise direction. Ce qui, selon Tah Bi Tra, provoque les accidents. «En principe, les phares pleins doivent pouvoir éclairer à une distance de 100 mètres et ceux de signalement au moins 30 mètres. Lorsque cela n’est pas respecté, des accidents peuvent survenir au cours des dépassement, du fait des mauvaises appréciations », révèle le formateur. Et d’ajouter que l’Oser élabore actuellement des stratégies afin d’homologuer les réalisations des ces artisans et bien d’autres acteurs de petits métiers. En dépit des risques qu’ils courent, nombre d’automobilistes continuent d’utiliser ces phares. Courir chez les artisans ou mettre la main à la poche, le choix est vite fait. Situation du pays oblige.
Kuyo Anderson
Légende : Atta Owusu s’est spécialisé dans la fabrication de phares de véhicule.
C’est tous les jours que l’on constate des accrochages entre automobilistes dans la circulation abidjanaise. Des télescopages entre véhicules dits personnels, entre ces engins et des véhicules de transport en commun etc. Les dommages généralement se situent au niveau des pare-chocs et plus généralement les phares. Les prix de ces pièces, importées, ne sont pas à la portée de tous. Contraints pourtant de les changer, nombre d’automobilistes abidjanais se tournent vers les phares de fabrication artisanale qui leur revient moins cher que ceux vendus dans les magasins de Treichville et de Zone 4. Atta Owusu, un ressortissant ghanéen, installé au carrefour du Zoo sur l’axe Adjamé-Plateau Dokui, est très sollicité par les conducteurs. Son magasin grouille de clients qui viennent avec un phare brisé lors d’un accrochage. « Ils viennent avec la conviction de repartir satisfait », fait remarquer le bricoleur qui s’est fait une renommée dans la capitale économique. Devant son magasin où est accrochée fièrement une pancarte estampillée : « Fabrication et réparation de phares », trainent des carcasses de toute marque de véhicule. Assis au milieu du lot, sa main balance de gauche à droite pour attraper un reste de verre qui va servir à redonner forme à un autre. Et redonner le sourire à un automobiliste. « C’est un métier qui demande beaucoup de concentration et de délicatesse », clame-t-il. Son matériel de travail, une matière plastique qu’il importe du Ghana, des fers soigneusement limés et un grand fourneau électrique. Et le fer chaud sans protection qu’il introduit et retire du feu, il dit ne plus faire attention à la douleur. « Je suis habitué », dit-il. Selon lui, tout a commencé en 1999 lorsqu’il s’est mis en apprentissage chez un compatriote ghanéen qui lui a appris le métier avant de s’installer sur l’axe Adjamé-Abobo. Aujourd’hui, Atta Owusu, même s’il regrette l’époque du premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny - les affaires marchaient dit-il-, il arrive à nourrir sa femme et ses trois enfants.
Présidence, CeCos et chauffeur de gbaka courent chez lui…
Les habitués de ce marché de raccommodage se comptent dans toutes les couches sociales. Des woro-woro aux ‘’en haut d’en haut’’ en passant par les ‘’plaques jaunes’’ (véhicules administratifs), les personnels… la classe moyenne. « Comme les chauffeurs de gbakas sont les plus nombreux sur cette voix, la majorité d’entre eux ne réparent leurs phares qu’avec moi. Souvent, ce sont des raccommodages que je fais. Mais il arrive également que le phare soit entièrement endommagé. Dans ce cas, je refais entièrement un autre. Il me suffit de regarder le modèle. Et quand je ne suis pas fatigué, cela prend juste quelques minutes », explique Owusu. Selon lui, ses clients se comptent aussi parmi les chauffeurs en fonction à la présidence de la République. Quand il leur arrive souvent d’endommager leurs pare-brises, ils courent le voir avant de regagner leur parking. « En 2009, un employé de la présidence est venu réparer les phares d’une nouvelle Mercedes. Je lui ai refait les phares à 16.000 Fcfa. Mais en magasin, le même modèle coûte à peu près 450.000 Fcfa », souligne ‘’l’ingénieur’’ des phares. Et d’ajouter que l’on n’a pas besoin de se vider les poches pour remettre son véhicule en état.
Pour des prix abordables…
Ces artisans qui montent les phares de manière identique à ceux vendus dans les magasins ne demandent pas des fortunes à leurs clients. Pour des modèles de Citroën, Audi et Peugeot 306 vendus en magasin à 15 000 Fcfa, 40 000 Fcfa et 150 000 Fcfa, Atta Owusu en fabrique en tous points identiques et les cèdent respectivement à 1500 Fcfa, 6 000 Fcfa et 40 000 Fcfa. « Tout le monde ne peut pas aller au magasin parce que les phares coûtent cher, ils sont importés, raison de plus pour les magasiniers de monter les enchères », explique celui qui dit rendre beaucoup de service aux chauffeurs d’Abidjan. Ces derniers ne s’en cachent d’ailleurs pas. A notre passage chez Atta Owusu, ce lundi 12, pas moins de cinq candidats au recyclage nous y ont trouvé. Des habitués de ‘’l’usine’’
Qui attirent des clients malgré les risques
« Il y a deux semaines que j’ai eu un accident et j’ai cherché un phare pour mon clignotant à la casse d’Adjamé, sans en avoir. Et c’est mon mécanicien qui m’a conduit ici ce matin. Il me facture le travail à 1500 Fcfa et pourtant ce phare fait 15 000 Fcfa en magasin », explique Akré Jean, propriétaire d’une Renault. Son mécanicien qui l’accompagnait rassure que les travaux de l’artisan ont toujours satisfait les clients qu’il lui a confiés depuis quatre ans. « Vous savez, il y a des lanternes qui atteignent 50.000 voire 60.000 Fcfa. Et vu ce que nous gagnons, il est difficile d’acheter ces pièces à ces prix », souligne Sylla Arouna, chauffeur de gbaka. Mais pour Zadi Kessy qui se trouvait dans le même véhicule, ces phares de fabrication artisanale aident certes, mais présentent beaucoup de défaillances. Il révèle avoir échoué en 2003 à une visite parce que le phare n’était pas conforme aux normes exigées. Ses propos sont corroborés par Tah Bi Tra, sous-directeur de la formation à l’Oser (Office de sécurité routière). Selon lui, les phares de fabrication artisanale sont à la base de nombreux accidents de la circulation. La crise que traverse le pays a, selon lui, amenuisé les revenus des populations. « Mais ce n’est pas une raison pour acheter ces phares qui ne respectent aucune norme légale», explique-t-il. Ces phares, à l’en croire, n’ont pas une bonne luminosité et souvent la qualité approximative du matériel utilisé par les artisans oriente les faisceaux dans la mauvaise direction. Ce qui, selon Tah Bi Tra, provoque les accidents. «En principe, les phares pleins doivent pouvoir éclairer à une distance de 100 mètres et ceux de signalement au moins 30 mètres. Lorsque cela n’est pas respecté, des accidents peuvent survenir au cours des dépassement, du fait des mauvaises appréciations », révèle le formateur. Et d’ajouter que l’Oser élabore actuellement des stratégies afin d’homologuer les réalisations des ces artisans et bien d’autres acteurs de petits métiers. En dépit des risques qu’ils courent, nombre d’automobilistes continuent d’utiliser ces phares. Courir chez les artisans ou mettre la main à la poche, le choix est vite fait. Situation du pays oblige.
Kuyo Anderson
Légende : Atta Owusu s’est spécialisé dans la fabrication de phares de véhicule.