Un palier inquiétant vient d’être franchi par le pouvoir dans les menaces contre la presse nationale, avec la garde à vue depuis mardi des trois confrères du quotidien « Le Nouveau Courrier ».
Stéphane Guédé, Théophile Kouamouo et Saint Claver Oula, respectivement directeur de publication, des rédactions et rédacteur en chef du quotidien «Le Nouveau Courrier», sont gardés dans les locaux de la Police criminelle d’Abidjan, depuis mardi. Leur tort, avoir publié des conclusions de l’enquête judiciaire ordonnée par le président de la République Laurent Gbagbo, sur les malversations présumées de la filière cacao en Côte d`Ivoire. Convoqué le jour de la parution de l’article, les trois journalistes ont été sommés par le procureur de la République, Raymond Tchimou, de divulguer la source de leur information, au mépris des règles qui régissent leur profession. Selon Raymond Tchimou, cité par Me Désiré Gueu, l’avocat des journalistes, seules trois personnes étaient censées détenir ce document, notamment Laurent Gbagbo, le juge d’instruction et le procureur lui-même. Les journalistes ayant refusé de livrer leurs sources, le parquet a initié une procédure pour fait de «vols de documents administratifs». Au-delà de la procédure engagée par le procureur de la République, une question fondamentale – celle du rôle des journalistes et de leur protection – se pose. Le rôle du journaliste étant d’informer, obtenir un document et le mettre à la disposition du public pour l’informer constitue-t-il un délit ? Si tel devait être le cas, c’est toute l’essence même du métier de journaliste qui devrait être remise en cause. Les organisations du monde des médias sont montées au créneau pour dénoncer cette autre attaque contre la presse. Lors d’une visite aux détenus à la Police criminelle, Guillaume Gbato, secrétaire général du Syndicat national de la presse privée de Côte d’Ivoire (Synappci) et Mam Camara, président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) se sont élevés contre ce traitement. «La place du journaliste n’est pas derrière les barreaux», a clamé Guillaume Gbato. «Nous refusons que ce soit un délit de droit commun», s’est insurgé Mam Camara. Avant de poser la question de savoir si le document incriminé est authentique. «Avec cette garde à vue, c’est le travail du journaliste qui est mis en cause», a-t-il noté en promettant que «tout sera mis en œuvre pour la libération des camarades qui ont fait leur travail en toute honnêteté en protégeant leurs sources».
Ouverte en octobre 2007 à la demande du président Gbagbo, une enquête judiciaire avait débouché sur l’arrestation en juin 2008, pour «détournement de fonds, abus de biens sociaux et escroquerie» de la quasi-totalité des responsables de la filière café-cacao– dont des proches de Gbagbo lui-même – soit une vingtaine de personnes. Depuis, leur détention provisoire se prolonge à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) dans des délais hors normes, et l’opération mains propres mise en avant par le pouvoir n’a toujours pas conduit à un procès.
M’Bah Aboubakar
Légende : Théophile Kouamouo et ses collègues sont détenus depuis mardi dans les locaux de la Police criminelle.
Stéphane Guédé, Théophile Kouamouo et Saint Claver Oula, respectivement directeur de publication, des rédactions et rédacteur en chef du quotidien «Le Nouveau Courrier», sont gardés dans les locaux de la Police criminelle d’Abidjan, depuis mardi. Leur tort, avoir publié des conclusions de l’enquête judiciaire ordonnée par le président de la République Laurent Gbagbo, sur les malversations présumées de la filière cacao en Côte d`Ivoire. Convoqué le jour de la parution de l’article, les trois journalistes ont été sommés par le procureur de la République, Raymond Tchimou, de divulguer la source de leur information, au mépris des règles qui régissent leur profession. Selon Raymond Tchimou, cité par Me Désiré Gueu, l’avocat des journalistes, seules trois personnes étaient censées détenir ce document, notamment Laurent Gbagbo, le juge d’instruction et le procureur lui-même. Les journalistes ayant refusé de livrer leurs sources, le parquet a initié une procédure pour fait de «vols de documents administratifs». Au-delà de la procédure engagée par le procureur de la République, une question fondamentale – celle du rôle des journalistes et de leur protection – se pose. Le rôle du journaliste étant d’informer, obtenir un document et le mettre à la disposition du public pour l’informer constitue-t-il un délit ? Si tel devait être le cas, c’est toute l’essence même du métier de journaliste qui devrait être remise en cause. Les organisations du monde des médias sont montées au créneau pour dénoncer cette autre attaque contre la presse. Lors d’une visite aux détenus à la Police criminelle, Guillaume Gbato, secrétaire général du Syndicat national de la presse privée de Côte d’Ivoire (Synappci) et Mam Camara, président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) se sont élevés contre ce traitement. «La place du journaliste n’est pas derrière les barreaux», a clamé Guillaume Gbato. «Nous refusons que ce soit un délit de droit commun», s’est insurgé Mam Camara. Avant de poser la question de savoir si le document incriminé est authentique. «Avec cette garde à vue, c’est le travail du journaliste qui est mis en cause», a-t-il noté en promettant que «tout sera mis en œuvre pour la libération des camarades qui ont fait leur travail en toute honnêteté en protégeant leurs sources».
Ouverte en octobre 2007 à la demande du président Gbagbo, une enquête judiciaire avait débouché sur l’arrestation en juin 2008, pour «détournement de fonds, abus de biens sociaux et escroquerie» de la quasi-totalité des responsables de la filière café-cacao– dont des proches de Gbagbo lui-même – soit une vingtaine de personnes. Depuis, leur détention provisoire se prolonge à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) dans des délais hors normes, et l’opération mains propres mise en avant par le pouvoir n’a toujours pas conduit à un procès.
M’Bah Aboubakar
Légende : Théophile Kouamouo et ses collègues sont détenus depuis mardi dans les locaux de la Police criminelle.