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Politique Publié le lundi 19 juillet 2010 | Le Patriote

Interview / Dr Ahua Junior (ex-conseiller du président de l’Assemblée nationale): "Koulibaly a donné un coup de poignard à Gbagbo"

© Le Patriote Par DR
Politique nationale - Dr Ahua Junior, ex-conseiller spécial du président de l`Assemblée nationale, Koulibaly Mamadou
Enquête parlementaire, justice et corruption, crise interne au FPI, sont autant de sujets chauds qui alimentent la chronique politique. Le Dr Ahua Antoine Jr, depuis son exil canadien, jette un regard critique sur l’actualité politique. L’ancien Conseiller spécial du Président de l’Assemblée nationale, en est convaincu : Gbagbo doit partir pour permettre un nouvel élan à la Côte d’Ivoire. Interview.

Le Patriote : Les députés du FPI ont rejeté l’enquête sur la corruption au concours d’entrée à l’école de police. Vous y attendiez-vous ?
Dr Antoine Ahua Junior : J’imagine que vous faites référence à l’enquête parlementaire sur l’ensemble des concours d’accès aux emplois publics. Parce que si je ne m’abuse, le RHDP a saisi au vol le pot-aux-roses de corruption relative au concours d’entrée à la police pour exiger une enquête parlementaire plus large, incluant d’autres concours comme ceux de l’ÉNA, la gendarmerie et bien d’autres.
Eh bien ! à cet égard, je m’attendais à ce que cette enquête ait lieu et qu’elle n’aboutisse pas comme toutes les enquêtes entreprises sous le régime de la Refondation. Mais le 7 juillet, j’ai été surpris que les députés du FPI aient eu l’audace d’envoyer aux Ivoiriens, le message qu’ils s’objectent au principe même d’une enquête sur la moralisation dans la vie publique, du moins pour ce qui a trait aux concours. Cela fut d’autant plus surprenant que le lendemain, l’Assemblée nationale devait se pencher sur une autre enquête parlementaire, proposée celle-là par le même FPI, portant sur la moralisation gouvernementale dans l`agriculture, l`urbanisme et les télécommunications ainsi que sur les fraudes, les vols et le pillage de ressources en zone CNO. C’est justement le lendemain, le 8 juillet, lorsque sans permettre de débat, le FPI retira sa propre proposition d’enquête après avoir fait échouer la veille, celle du RHDP que je compris la logique perfide du camp présidentiel.

LP : Je suis tenté de vous demander : quelle est cette logique? Quelles leçons en tirez-vous ?
Dr A. A. Jr : Il est clair que le FPI a eu peur d’une surenchère sans fin, c’est-à-dire d’une itération du nombre de commissions qui feraient ressortir toute la laideur de la Refondation. Il faut se rappeler que l’Opposition menaçait de cibler un certain nombre de secteurs tels que les mines, le pétrole, le port autonome, donc toutes les grosses boîtes économiques qui méritent qu`on y jette un coup d`œil. Deuxièmement, la réaction virulente des Forces nouvelles face à la Commission FPI d’enquêter dans les zones CNO a été une alerte à la résurrection du G7, c’est-à-dire, à la puissante coalition militaro-politique capable de balayer le régime d’un trait. D’où le recul lâche du FPI face à toute enquête parlementaire. La logique du camp présidentiel est donc de tout canaliser vers une enquête politico-judiciaire qu’il contrôle en contrôlant le Procureur Tchimou.

LP : N’est-ce pas un camouflet pour le président Mamadou Koulibaly ?
Dr A. A. Jr : Non ! Parce que Mamadou Koulibaly n’a pas initié d’enquête. La première commission, commission d’enquête sur Tagro est une initiative des députés issus de l’Opposition, à savoir la coalition PDCI, UDPCI et Solidarité. La deuxième commission, commission d’enquête sur la zone CNO a été proposée par le FPI conduit par Marie-Odette Lorougnon. Par ailleurs, aucune de ces commissions n’a été présidée par Koulibaly. Je crois qu’il faut attendre le débat en plénière du 28 juillet pour juger de la force de persuasion du Président de l’Assemblée nationale.
Il faut aussi noter que le choix du FPI pour une enquête «politique» qui exclut la vigilance de tous les Élus du peuple, confirme la justesse de l’analyse de Koulibaly à l’effet que l’Exécutif abuse de son pouvoir et conforte sa préférence d’un régime parlementaire à notre régime présidentiel actuel.
Et puis, sur le fond même de la moralisation de la vie publique, la sortie de Koulibaly a relancé un débat important permettant d’amorcer le bilan des Refondateurs dans la campagne électorale.
Finalement, si vous me le permettez, toute cette saga a eu des effets collatéraux incommensurables, notamment l’empressement des Forces nouvelles à aller aux élections et la détermination de la CEI d’assumer ses responsabilités en prenant son indépendance face aux interférences.
Alors, en faisant le compte, on est loin d’un camouflet pour le président Koulibaly.

LP : Néanmoins, sur le plan politique, le FPI ne vient-il pas de démontrer à Koulibaly qu’il ne pèse rien dans sa hiérarchie ?
Dr A. A. Jr : Attention, il ne faut pas se tromper sur ce que représente Mamadou Koulibaly. Il est président de l’Assemblée nationale et non président de l’aile parlementaire du FPI; cette dernière responsabilité est celle de Mme Simone Gbagbo. Donc, Koulibaly préside les débats des Élus et ne décide pas à leur place. De plus, son titre de dauphin est constitutionnel et exige de lui beaucoup de respectabilité et de probité aux yeux des Ivoiriens. C’est dire que le Président de l’Assemblée nationale, à l’instar du Président de la République, appartient prioritairement au peuple. C’est pourquoi, la Constitution exige de ces deux personnalités, les mêmes conditions d’éligibilité à leur poste respectif.

LP : Koulibaly ne peut quand même pas s’exclure du rang des refondateurs. Vu sous cet angle, n’a-t-il pas été acteur ou complice, pendant dix ans, de l’instauration de cette déchéance du régime qu’il veut dénoncer ?
Dr A. A. Jr : C’est pertinent ce que vous dites. Mais je vais faire une révélation qui échappe au commun des mortels. Si vous lisez bien l’article 40 de la Constitution, vous constaterez que Mamadou Koulibaly, dauphin constitutionnel, devait succéder à Laurent Gbagbo dans les normes constitutionnelles définies, dès que celui-ci a déclaré qu’il est empêché de travailler à cause de la rébellion.
Si Koulibaly ne réclame pas son droit de succession à Gbagbo chaque fois que les Refondateurs et affidés justifient leur incapacité de gérer les Institutions de la République pour rendre service à la population, et ce, à cause de la présence de la rébellion, c’est que Koulibaly a une aversion pour un débat avec des confrères politiciens qu’il sait animés de mauvaise foi. Donc, si Koulibaly devait être taxé de complice, ce serait d’avoir laissé Gbagbo détruire le pays sans avoir eu le courage d’assumer ses responsabilités en saisissant la Cour constitutionnelle.

LP : Pourquoi ce réveil tardif de Koulibaly?
Dr A. A. Jr : Justement, il ne s’est pas encore complètement réveillé. Car, il ne réclame pas ses droits qui auraient pu sauver la Côte d’Ivoire. Actuellement, il se contente d’exprimer son ras-le-bol de n’avoir pas été écouté sur la gestion du pays, notamment concernant le respect des droits et devoirs des citoyens.

LP : Ne devrait-il pas démissionner pour aller jusqu’au bout et montrer qu’il est en phase avec le peuple ?
Dr A. A. Jr : Koulibaly est un économiste keynésien, c’est-à-dire macro-économiste qui applique pour soi-même les principes analytiques qu’il enseigne à l’Université. Quel est le coût social d’une démission? C’est ce genre de question qu’il peut se poser. S’il peut profiter de sa position pour rendre service à la population en sacrifiant les intérêts de son parti, il ne démissionnera jamais. Par contre, s’il croit que sa démission est plus éloquente pour le réveil national, il n’hésitera pas à le faire. C’est ainsi qu’il faut comprendre son départ fracassant des négociations de Marcoussis.

LP : En fin de compte, n’est-il pas dans un jeu de rôle qu’affectionne tant le Pouvoir FPI ?
Dr A. A. Jr : Je l’ai dit en d’autres circonstances que le FPI n’est pas un parti de planificateurs collectifs. Ses élites, disons ceux qui pensent en faire partie, agissent par émotions. Si une initiative personnelle est profitable à tous, celui-là devient un héros. Si son solo ne prospère pas, il est renié. Chaque frontiste a été confronté à un moment de gloire et à un moment de brebis galeuse. Le FPI est une confrérie où Dieu et Satan cohabitent. Je sais que beaucoup d’observateurs pensent que le FPI est ordonné dans son désordre. Et que chacun est semblable à un joueur d’une équipe de foot avec un rôle soit d’attaquant, de milieu ou de défenseur. C’est une tentative erronée d’expliquer les discours discordants des uns et des autres. La réalité est que, au FPI, personne ne sait où se trouvent les poteaux du but. On peut marquer un bon but comme marquer contre son propre camp. L’essentiel est d’avoir son nom dans le palmarès des buteurs avec sa photo dans le journal.

LP : L’enquête de Tchimou ne va-t-elle pas en fin de compte, permettre à Gbagbo de se présenter comme le champion de la lutte contre l’impunité ? Du moins, n’est-ce pas l’image que les ivoiriens retiendront de lui ?
Dr A. A. Jr : Tchimou est un Refondateur choisi pour blanchir un autre Refondateur. Sinon, l’enquête parlementaire, c’est-à-dire des Élus multicolores du peuple aurait eu lieu. Souvenons-nous que pour justifier leur refus de procéder aux enquêtes parlementaires sur la moralisation de la vie publique, des membres du FPI ont évoqué qu’il n’est pas opportun de réveiller les vieux démons au moment où il faut aller aux élections. Rappelons-nous aussi que Tchimou a orienté sa mission en déclarant qu’il peut arrêter qui il veut quand il veut. Du coup, il s’est élevé à tort au-dessus de la loi. Or, le procureur de la République doit mettre en œuvre la politique pénale du Gouvernement de façon régalienne, c’est-à-dire qu’il a l’obligation de rechercher ou faire rechercher l`existence d`infractions, contraventions, délits et crimes, avant de décider des suites à y donner. Donc, contrairement à son habitude, Tchimou n`a pas l’obligation d`accomplir un acte de poursuite face à une apparence d’infraction qui lui est signalée. Il peut en décider d`un classement sans suite de la procédure pour des motifs tels que l`absence réelle d`infraction et l`impossibilité d`identifier le ou les auteurs présumés de l`infraction. Le dernier cas en droite ligne de cette attitude est l’arrestation le mardi 13 juillet dernier, de trois journalistes du «Nouveau Courrier» pour avoir, dit-on, mis sur la place publique des informations relatives aux conclusions du juge d`instruction et des réquisitions du parquet sur l`affaire de la filière café cacao. Des informations qui seraient couvertes par le secret de l`instruction alors que les présumés fraudeurs de la filière croupissent en prison depuis plus de deux ans, sans jugement et sans le moindre égard au droit à la présomption d’innocence.
C’est dire que l’enquête de Tchimou sur «l’Affaire Tagro» veut faire passer Gbagbo comme le champion de la lutte contre l’impunité, elle doit attendre que Gbagbo livre préalablement à la population, et ce, en guise d’éclairage pour des élections justes, des résultats d’enquête sur le charnier de Yopougon et les différentes tueries lors de protestations pacifiques; les assassinats de Bala Kéita, de Boga Doudou et du Général Guéï; les responsables du scandale des déchets toxiques et de détournements des ressources et des deniers publics; la gestion de la «Réserve de contingence de l’État» appelée «Fonds de souveraineté de la Présidence»; les tenants et aboutissants de la rébellion du 19 septembre 2002, etc.
En clair, le peuple n’est pas dupe. Il a la preuve que Gbagbo et le FPI croient qu’ils n’ont pas de compte à lui rendre après dix ans de pouvoir, soit l’équivalent du maximum de deux mandats prescrits par la Constitution.

LP : Pour Blé Goudé, Mamadou Koulibaly en relevant les tares de la Refondation, parle « n’importe où, n’importe quand, n’importe comment». Quelle lecture faites-vous de ce jugement ?
Dr A. A. Jr : Je vais être franc avec vous. J’ai travaillé pour la République de Côte d’Ivoire, avant, pendant et après avoir travaillé comme Conseiller spécial de Mamadou Koulibaly. J’ai été sollicité comme consultant (bénévole) par des Chefs d’État et de grandes organisations mondiales pour la sortie de crise en Côte d’Ivoire. Je vais donner une information privilégiée à Blé Goudé. Il est perçu comme un drôle d’animal, un perroquet-caméléon. Il parle plus que sa capacité de réflexion et mue en fonction des circonstances pour qu’on sente sa présence sans se faire prendre aux collets. Il se prend pour le PDG à vie d’une entreprise appelée «patriotisme» tout en empochant le salaire de «ses» employés. Pour seul exemple, demandez-lui ce qu’il a fait des dix milliards des «Fonds d’emploi jeunesse» débloqués par Gbagbo et confiés à lui. C’était en 2004. J’en suis un témoin oculaire. Que Blé Goudé ne pense pas que le financement illicite de sa compagnie de «Leaders Team» est occulte pour les enquêteurs internationaux. Et puisqu’il est sous sanction onusienne, il a le malheur de ne pas pouvoir préparer sa fuite hors du pays comme la plupart des Refondateurs qui ont déjà meublé leurs tanières à Atlanta aux États-Unis renommée pour sa grande concentration de population noire africaine sans papier, au Canada pour sa politique d’immigrants investisseurs et en Afrique du Sud pour la bonne intégration culturelle.
Pour votre information, le fait que la Suisse se débarrasse de ses requérants d`asile africains, notamment en renvoyant systématiquement les ressortissants ouest-africains vers la Côte d`Ivoire, l’Europe n’est plus un lieu sûr d’exil. Alors, de nombreux Refondateurs rougissent les téléphones des Experts en placement politique; leur seul visa : l’Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l`Homme qui stipule que «Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l`asile en d`autres pays». Le hic est que les sommes colossales amassées par les Refondateurs sont en devise de Colonie Française d’Afrique (CFA). Elles ne sont pas facilement convertibles et sont confinées dans des coffres-forts au bureau, à la maison à Abidjan, voire au village. Sachant qu’ils ne peuvent pas les emporter dans leur éventuelle escapade, c’est l’immobilier sans preneur et les cultures d’hévéa qui sont devenus la destination privilégiée du blanchiment.
En somme, les Refondateurs s’apprêtent à fuir le pays après l’avoir pillé. Blé Goudé qui sait qu’il risque d’être la cible de l’ire des victimes du FPI, a intérêt à éviter l’arrogance et à se ranger sagement. C’est une impertinence outrancière de sa part d’oser porter un jugement sur une quelconque déclaration de Mamadou Koulibaly.

LP : Mamadou Koulibaly aurait violé un secret d’État comme le soutiennent certains cadres du FPI. Quel commentaire ?
Dr A. A. Jr : Vous savez, un secret d’État, c’est une information tenue confidentielle pour assurer la sécurité de l’État. J’ai lu comme vous dans les journaux que Blé Goudé a fait une telle accusation contre Koulibaly. Si j’étais encore Conseiller de ce monsieur dont l’honneur est ainsi atteint, je lui proposerais de porter plainte contre Blé Goudé pour diffamation. Il importe que les jeunes générations qui ont des ambitions politiques aillent un peu plus longtemps à l’école pour connaître le sens des mots. La politique, c’est un débat d’idées et non une foire à injures. Je ne sais pas si d’autres figures du FPI pensent comme Blé Goudé, mais il me semble que l’inculture amène des drôles de zouave à confondre «secret d’État» et «discipline de parti».

LP : Cela ne sonne-t-il pas comme la fin du n°2 du régime ?
Dr A. A. Jr : Ça sonne certainement la fin du Régime tout entier. Pas celle du n°2 seulement. Koulibaly a donné un coup de poignard à la campagne présidentielle qui ne voulait pas parler de bilan. Il fallait s’y attendre. Car, lors de ses échanges avec Venance Konan en mars dernier, il a dit clairement qu’il n’aime pas les attitudes masquées et préfère vivre ouvertement son engagement, tout en restant objectif et en osant critiquer les dérives de son propre groupe si nécessaire. Pour lui, l’engagement n’est pas forcément synonyme de comportement moutonnier. Tout intellectuel ivoirien sait que Koulibaly est jeune, intelligent et survivra à la mort du régime du FPI. Le contraire n’est pas vrai.

LP : Gbagbo pourrait-il le démettre ou dissoudre l`Assemblée nationale?
Dr A. A. Jr : Ah non ! Le Président de l’Assemblée nationale n’est pas assujetti au Président de la République. Les deux personnalités dirigent deux Institutions étatiques distinctes et séparées de droit. Selon la Constitution ivoirienne, Gbagbo ne peut pas démettre un député, a fortiori le Président des députés, ni dissoudre l’Assemblée nationale. Le mandat, les pouvoirs parlementaires et leur durée sont régis par notre Constitution, sans possibilité d’intrusion du Pouvoir exécutif.
A contrario, les pouvoirs exceptionnels que la Constitution confère au Président de la République par l’Article 48, en cas de dysfonctionnement des Institutions de l’État, ne peuvent s’exercer qu’avec l’Accord du Président de l’Assemblée nationale. En somme, c’est Koulibaly qui balise les pouvoirs de Gbagbo et non l’inverse. Vous savez, dans notre pays, tout le monde fait de la politique sans savoir les règles qui la régissent. Constitutionnellement Gbagbo ne peut rien contre Koulibaly.

LP : Pourtant, apparemment Koulibaly a perdu tous ses soutiens au sein du FPI. N’est-il pas un homme isolé ?
Dr A. A. Jr : Écoutez, qu’est-ce qui est mieux? Être isolé au sein du FPI et populaire auprès de la population ou être un demi-dieu au FPI et haï par le peuple. Par ailleurs, il faudra attendre les séances plénières prévues pour le 28 juillet pour jauger des soutiens réels de Koulibaly au sein de toute la députation. Car, je rappelle qu’il est Président de l’Assemblée nationale et non président de l’aile parlementaire du FPI.

LP : Comment expliquer que les Atteby et autres Simone aient combattu la résolution?
Dr A. A. Jr : Vous savez, l’ambition d’un député, c’est de se faire réélire. Or, seul le parti dresse la liste des candidats qui vont le représenter. Par conséquent, un député qui veut être en lice a intérêt à respecter les consignes disciplinaires du parti. Ce qui veut dire que les députés du FPI présents aux deux commissions parlementaires ont fait un calcul d’intérêt personnel. Ce qui est une erreur de courte vue, puisqu’il ne sert à rien d’être candidat d’un parti englué dans des fourberies et condamné à perdre. Je ne serai pas étonné qu’à l’approche des législatives, de nombreux frontistes changent de parti ou du moins se présentent comme indépendants.

LP : Pensez-vous que la médiation d’Abou Dramane Sangaré pourrait porter fruit, vu la profondeur des divergences ?
Dr A. A. Jr : Une médiation pour remédier à quoi? Pour demander à Koulibaly de retirer ses dires et affirmer que la corruption, le clientélisme et le tribalisme n’existent pas au FPI ? Ou demander à ce que quelques boucs-émissaires soient condamnés à la place de Tagro et de tout le régime ? À moins que le but de cette médiation soit d’écourter les déclarations intempestives dans les journaux. Même dans ce cas, le ver serait toujours dans le fruit.

LP : Pour nombre d’observateurs, l’opposition et singulièrement le RHDP n’a pas su tirer les dividendes politiques de la guerre Koulibaly-Tagro. Êtes-vous de cet avis ?
Dr A. A. Jr : Oui, je crois que l’Ivoirien a l’impression que l’opposition la plus efficace au FPI vient de Mamadou Koulibaly et que le RHDP est à bout de souffle. Pourtant, au lendemain du CPC du 3 décembre 2009, ADO et Bédié ont pris l’engagement de suivre l’application du nouveau chronogramme, point par point, afin de ne pas faire de la date des élections, une fixation fictive. Dès le 15 décembre, le premier décaissement que Gbagbo devait faire pour le fonctionnement de la CEI n’eût pas lieu. ADO et Bédié ne communiquèrent aucune information aux militants. Ce rendez-vous manqué fit boule de neige sur la suite du processus électoral. Puis, ce fut l’annulation de la marche du 15 mai des jeunes houphouétistes. Depuis, le PDCI s’enlise dans des querelles de clocher; l’UDPCI a un duel interne à régler; le RDR s’est doté d’une pléthore de porte-parole, probablement pour des raisons géopolitiques, mais dont on ignore la paternité des idées qu’ils expriment. Ce, en attendant que le président ADO donne suite au changement structurel réclamé au dernier Congrès du parti. Quant au MFA, son leader semble avoir perdu la voix après avoir tenté en vain de convaincre ses compères pour plus de pro-activité.

LP : Que dites-vous de l’apathie de la société civile, par rapport aux accusations d’une extrême gravité portées contre Tagro?
Dr A. A. Jr : L’écho qui me parvient, est que la désillusion a gagné la population à l’effet qu’il y a un deal de passivité entre les leaders politiques au ventre plein, que les élections sont impossibles en Côte d’Ivoire et que chacun doit «se chercher» pour survivre. Dans ce contexte, l’Affaire Tagro-Koulibaly ne semble pas faire augmenter les ventes de journaux. Pas plus que la cote d’écoute n’ait augmenté. Moi, je crois en la politique et je souhaite que le RHDP se ressaisisse et booste le processus électoral en encourageant la CEI à aller de l’avant de façon autonome.

LP : Confirmez-vous qu’au FPI les 2/3 des postes étaient réservées sur recommandations ?
Dr A. A. Jr : Je savais que des listes personnifiées existaient pour certains concours. Mais, j’ignorais que la corruption était de cette ampleur.

LP : La CEI a décidé de mettre les bouchées doubles. Que pensez-vous de ce réveil du président de Bakayoko Youssouf et de son équipe ?
Dr A. A. Jr : Je ne suis pas étonné que Youssouf Bakayoko se réveille enfin. Ce qui me surprend, c’est la profondeur du sommeil dans lequel il s’était enfoncé. Lorsqu’il a pris fonction, c’était le 25 février. Puis, il s’est mis à recevoir les lettres de créances des parents et amis pour le féliciter de sa promotion. Ensuite, ce fut la fête au village où il a fait don de deux ambulances dont on aimerait bien connaître la source de financement. À bien réfléchir, il n’est pas idiot de penser qu’un complot a dû l’amener à laisser Gbagbo fêter son Cinquantenaire et à organiser les élections en octobre 2010. Ainsi, le dilatoire aurait amené la date électorale à retrouver le calendrier constitutionnel.

LP : Laurent Gbagbo à la suite de la CEI a déclaré à des populations de l’ouest que les élections auront lieu cette année. Un discours de trop ?
Dr A. A. Jr : Bien entendu, puisque c’est la énième fois qu’il annonce la date des élections tout en jurant que ce n’est pas lui qui fixe cette date. Sans vouloir être méchant, je suis dans l’obligation de réaffirmer que Laurent Gbagbo n’a ni parole, ni signature.

LP : Et à ces mêmes populations, il déclare : « On peut me tuer. Mais avant de partir, je vais me débattre ». Quelle lecture faites-vous d’un tel discours ?
Dr A. A. Jr : Vous savez, dans le contexte de mondialisation actuelle, rien n’est entièrement sous contrôle national. Le monde est devenu un village global et la Côte d’Ivoire fait partie du monde. La gestion géopolitique de la paix sur Terre est telle que des réseaux ésotériques dominés par «les maîtres du monde» planifient les grandes tendances planétaires. Après dix ans de pouvoir marqué par une diplomatie conflictuelle avec l’extérieur, il est plausible de penser que le sort de Gbagbo est scellé à l’intérieur du pays comme au sein des institutions financières et politiques mondiales. Le chef de la Refondation est le seul à savoir la teneur exacte des injonctions qui lui sont faites au nom de la paix régionale. En terme clair, Gbagbo n’a pas la confiance des créanciers de la Côte d’Ivoire et sa retraite de la politique est une forte recommandation à laquelle il essaie de résister informellement. Sinon, qui des candidats présidentiels ivoiriens, voudrait le tuer? Quand on brave la Communauté internationale insolemment comme Gbagbo l’a fait en dissolvant la CEI de Mambé malgré la Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui venait d’interdire une telle interférence, il fallait s’attendre à ce qu’une réaction musclée directe et personnelle lui soit adressée à l’insu du grand public. Gbagbo ne semble dormir que d’un œil car, à l’instar de Dadis Camara, on ne se moque pas du Conseil de sécurité de sécurité impunément.

LP : Pourquoi toujours un champ lexical guerrier dans son discours ?
Dr A. A. Jr : Le chant du cygne est toujours râlant. Les cris de guerre de Gbagbo lui sont vraisemblablement dictés par son instinct de survie, politique et potentiellement physique, face à sa condamnation internationale pour promesses non tenues délibérément.

LP : Il se dit porte-étendard national contre les suppôts de l’étranger. Ce discours a-t-il des chances de prospérer pendant la campagne ?
Dr A. A. Jr : C’est moi qui lui ai suggéré ce leitmotiv. C’était en 2004. Ce discours devait prospérer à condition que des actions accompagnatrices aient lieu, notamment servir le peuple économiquement tout en portant les évènements de novembre 2004 à la connaissance du monde entier par une rupture diplomatique temporaire. Ni l’un, ni l’autre n’a été fait. Les budgets annuels de l’État de 2,3 mille milliards de FCFA ne bénéficient pas à la population et au-delà des prétentions de nationalisme, Gbagbo est foncièrement craintif. Au stade actuel de la réalité politique, aucun Ivoirien ne peut croire une seule seconde que Gbagbo aime plus la Côte d’Ivoire qu’ADO, Bédié, Mabri ou Anaky.

LP : Croyez-vous en des élections en 2010 ?
Dr A. A. Jr : Nous ne sommes plus dans les conjectures de foi. Les élections doivent se tenir au plus tard le dernier dimanche d’octobre 2010, date constitutionnelle qui boucle les deux mandats de Gbagbo.

LP : Certains pensent que Gbagbo n’ira à ces élections qu’à ses conditions. Le croyez-vous ainsi ?
Dr A. A. Jr : Je ne pense pas ainsi. Les obstacles dilatoires du FPI aux élections ont prospéré depuis octobre 2005 par le simple fait que suite aux Accords de Marcoussis, le processus électoral exigeait des étapes devant aboutir à l’inclusion des Ivoiriens sans papier. C’est ainsi que les difficultés techniques liées aux opérations des audiences foraines, d’identification et de l’enrôlement ont été des freins moraux pour l’Opposition politique pour contraindre à des élections impossibles. Depuis la publication de la première liste blanche en novembre dernier et l’Affaire Mambé, la mauvaise foi des Refondateurs pour la tenue des élections est devenue une évidence notoire. L’état de grâce concédé à Gbagbo laissant croire que les Ivoiriens ne peuvent aller à des élections qu’à ses conditions est arrivé au terminus.

LP : Que faudra-t-il à la communauté internationale pour l’y contraindre ?
Dr A. A. Jr : Comme je viens de vous le dire, la tenue des élections ivoirienne n’est pas assujettie aux humeurs de Gbagbo. Mais à la volonté populaire. Le rôle de la Communauté internationale est d’accompagner les efforts des Ivoiriens. Elle sera passive ou active selon que les Ivoiriens seront passifs ou actifs. La seule véritable initiative des Institutions internationales accréditées ou ésotériques est de se débarrasser d’un chef d’État indiscipliné, menaçant pour la paix internationale et passible de crime contre l’humanité pour comportement dictatorial taché de sang. C’est à ce niveau que Gbagbo feint de se débattre. Mais, il est clair pour les initiés que «le chien de Gbagbo est mort».

LP : Devrait-elle décréter la fin de son mandat en octobre 2010 et envisager un autre schéma institutionnel ?
Dr A. A. Jr : Les Ivoiriens ne peuvent plus se payer le luxe d’un nouveau schéma institutionnel sans élections. Il est trop tard. L’heure est aux urnes au dernier dimanche d’octobre 2010, avec ou sans Gbagbo.

LP : Quel commentaire faites-vous de la situation au sein du PDCI ?
Dr A. A. Jr : Je suis partisan de Dr ADO, le seul candidat actuel compétent à sortir la Côte d’Ivoire du marasme économique. Je voudrais donc m’imposer la réserve de trop commenter la «guerre des Konan» au PDCI, un parti allié au RDR. Néanmoins, je trouve désespérant qu’un grand parti comme le PDCI arrive aux portes des élections avec une déchirure qui risque de lui laisser des séquelles. Au-delà de ce qui est visible, il est plausible d’imaginer un tireur de ficelle qui a l’habitude de chercher à briser les partis d’opposition avec les deniers publics. Hélas, l’Ivoirien mord toujours à l’hameçon des billets sonnants.

LP : Pensez-vous que les candidatures doivent être rouvertes pour autoriser de nouveaux postulants?
Dr A. A. Jr : Je crois que vous faites référence à la sortie du Professeur Ouraga Obou, ponte du FPI, qui a déclaré récemment que comme le conseil constitutionnel a déjà publié la liste des candidats et attend que la date soit fixée, il ne voit pas, au plan juridique, comment on pourrait ouvrir une nouvelle candidature, sauf par arrangement politique.
Je suis très surpris par cette analyse du Professeur Obou. Le code électoral dit clairement que les dates d`ouverture et de clôture de la campagne électorale sont fixées par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections. Et que tous les candidats retenus disposent d`une période réglementaire au cours de laquelle ils font campagne. Autrement-dit, chaque nouvelle date électorale décrétée officiellement démarre un nouveau chronogramme incluant la période d’appel aux candidatures. Étant donné que le décret présidentiel appelant à des élections le 29 novembre 2009 est caduc, il va de soi qu’un nouveau décret est attendu pour une nouvelle date électorale. Le Prof Obou semble confondre l’éligibilité d’office des candidats déjà confirmés par le Conseil constitutionnel après fixation de la nouvelle date électorale attendue et le droit légitime de nouvelles candidatures dont l’éligibilité sera soumise au Conseil constitutionnel. Il est dommage qu’un universitaire de la trempe du Professeur Obou fasse une lecture erronée du code électoral. Cela ne lui fait pas honneur. Ni à la Côte d’Ivoire.
Réalisée au téléphone par
Charles Sanga

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