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Politique Publié le samedi 24 juillet 2010 | L’expression

Manifestation devant le palais de justice : Les journalistes bastonnés

Manifestation devant le palais de justice : Les journalistes bastonnés
© L’expression Par Atapointe
Affaire "prisonniers de la filière café-cacao": les journalistes ivoiriens manifestent à Abidjan pour la libération de leurs confrères
Vendredi 23 juillet 2010. Abidjan, Plateau. De la Maison de la presse au Palais de justice, les journalistes qui manifestaient pour la liberté de la presse sont dispersés par les forces de l`ordre, et le sit-in s`achève à la cathédrale
Les éléments du commissaire Oré Brice de la préfecture de police ont brutalisé hier les journalistes venus manifester au palais de Justice contre l’emprisonnement de leurs collègues.

Chaude journée hier au Plateau. Le sit-in pacifique organisé devant le palais de justice par les journalistes pour protester contre l’incarcération des confrères du quotidien Le Nouveau Courrier, a vite tourné à la bastonnade. Les policiers, commis à cette mission de répression l’on exercée avec une barbarie et une violence inouïes. Fallait-il s’attendre à autre chose quand on connaît la propension des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes à jouer habilement de la matraque à la moindre contestation, à la moindre protestation ? Au nombre de la cinquantaine les journalistes, accourus à l’appel du Comité ivoirien pour la protection des journalistes (Cipj) se sont d’abord réunis à la Maison de la presse d’Abidjan (Mpa) avant de se diriger vers le palais de justice. Sur des pancartes, étaient inscrits des slogans appelant à la libération des confrères de la Maca. L’arrivée devant le temple de Thémis, à coups de sifflets, mais dans la discipline et le calme désarçonne les hommes de Désiré Tagro. Pacifistes et résolus à se faire entendre, les journalistes s’installent devant l’entrée réservée aux travailleurs du palais. Estimant qu’ils perturbent la circulation à cet endroit, les flics leur demandent de se retirer. Ce qui est naturellement refusé. Les policiers commencent alors à repousser brutalement les journalistes.

Les coups de matraque pleuvent accompagnés de coups de rangers portés aux tibias. Les journalistes replient dans la cour de la Cathédrale Saint-Paul où – suprême manque de respect des franchises religieuses – ils sont encore pourchassés par les policiers particulièrement remontés. Des appareils photos et des téléphones portables sont arrachés à leurs propriétaires sans ménagement. Au terme de ces moments de folie et de barbarie, une déclaration est lue, dans l’enceinte de la cathédrale, par le porte-parole de la Cipj, Francelin Glodé. Dans le texte les manifestants «exigent la libération immédiate et sans conditions» de leurs confrères. «Nous n’accepterons pas une condamnation, même avec sursis, de nos trois confrères, car cela voudrait dire que le délit de ‘’vol de documents administratifs’’, invoqué par le procureur de la République lors du procès a été constitué ; ce qui pourrait donner naissance à une fâcheuse jurisprudence susceptible de mettre dangereusement en péril la liberté de la presse et l’exercice du métier de journaliste en Côte d’Ivoire», a indiqué le porte-parole de la Cipj. Avant d’appeler «tous les journalistes de la presse nationale et internationale à se tenir mobilisés pour les combats à venir». Malgré tout, les policiers, postés à la sortie de la cathédrale ne lâcheront pas prise. Ils exigeront aux journalistes, habillés de tee-shirts à l’effigie des embastillés, Stéphane Guédé, le directeur de la publication, Théophile Kouamouo, le directeur de la rédaction et Saint Claver Oula, le rédacteur en chef, de les ôter avant de sortir. Même le retour à la Mpa se fera sous surveillance policière. A leur domicile, les journalistes ont convenu de mener encore des actions pour aboutir à la libération de leurs confrères. Une mobilisation exceptionnelle est attendue pour lundi. Le jugement doit être rendu ce jour-là.

Encadré : Vous avez dit «Liberté» ?

L’année 2010 constitue pour la Côte d’Ivoire – et pour nombre de pays africains – une année charnière. Et pour cause ! Elle se situe au confluent des 50 ans du pays et des 22 ans du Front populaire ivoirien (Fpi), qui préside à ses destinées depuis bientôt une décennie. Elle marque aussi les 20 années du retour au multipartisme dans la vie politique nationale. Si sur certains plans, des avancées ont été enregistrées, le chapitre des Libertés individuelle et collectives, reste une zone de régression, surtout sous le régime des refondateurs. Le spectacle, hideux, de policiers brutalisant les journalistes, qu’il a été donné de voir et de vivre hier, au palais de justice consacre l’inexistence et le viol de ce droit fondamental sous le règne de ceux qui avaient promis de « gouverner autrement ». La scène de ces policiers – blanchis et armés avec l’argent du contribuable, dont le journaliste – frappant et violentant à tout va, donne un avant-goût amer de leur réaction en cas d’éventuelles contestations des élections. Si la liberté de la presse est piétinée, quel sera le sort des autres droits auquel elle ouvre la voie et donne vie ? Cette énième entorse à la liberté de presse (et à la liberté de manifester) constitue un signal fort de l’état de frilosité du régime Fpi. Après la suspension du «Patriote», il y a quelques mois et l’interpellation à la DST d’un journaliste de L’Expression, récemment, c’est au tour du Nouveau Courrier d’être «violé». A quoi servent alors les célébrations annuelles des «Fête de la liberté» par le parti bleu si c’est pour piétiner ces mêmes libertés ? Discours, rien que des discours.

M. A.
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