Dans cette causerie du vendredi, le député Martin Sokouri Bohui fait le tour de l’actualité politique nationale. A l’occasion, il rappelle à Alassane oua-ttara, président du Rassemblement des républicains (Rdr), qu’il est celui qui a porté le glaive à la Côte d’Ivoire et non personne. Notre Voie : Monsieur le député, il y a de plus en plus de la surchauffe depuis l’affaire Koulibaly-Tagro à l’Assemblée nationale. Avec le verdict de la justice, on croyait que l’atmosphère allait baisser. Mais, avant-hier, il nous a été donné de constater que le Pdci et ses alliés ont claqué la porte. Quelle lecture faites-vous de ce qui se passe à l’hémicycle ivoirien ? Martin Sokouri Bohui : Ce qui se passe à l’hémicycle, il ne faut pas s’en étonner. Nous sommes dans un pays démocratique. Et, dans toute démocratie, nous constatons souvent des débats houleux à l’Assemblée nationale. Les députés français nous offrent souvent le spectacle que nous avons vécu, avant-hier, ici, chez nous en Côte d’Ivoire. Cela dit, ce qui est quand même curieux dans le comportement des députés de l’opposition, c’est qu’ils font comme s’ils venaient de découvrir les débats subitement à l’Assemblée nationale. Ils font comme s’ils venaient de découvrir les vertus de l’Assemblée nationale. Ils font comme si c’est aujourd’hui qu’ils savent qu’on peut défendre les intérêts de la nation à l’Assemblée nationale. Et pourtant ces députés, en 2006, ont appelé sans honte à la dissolution de cette assemblée qui n’a pas été dissoute grâce à la clairvoyance du Président Gbagbo qui a lutté pour ne pas que les institutions de la République s’effondrent à la suite de cette guerre imposée à notre pays. Depuis 2006 donc, on a vu ces députés de l’opposition boudés l’assemblée. On a même aussi vu que les ministres issus de cette opposition ne voulaient pas venir présenter les projets de loi à l’Assemblée nationale. En un mot, toute l’opposition qui avait perdu de la voix devant le camp présidentiel boudait pratiquement l’Assemblée nationale. D’où vient-il donc ce regain d’intérêt de l’Assemblée nationale pour mes collègues de l’opposition ? Il ne faut pas chercher loin. Le Front populaire ivoirien (Fpi), qui est un parti de critique et d’autocritique, a offert le débat. Sinon vous savez très bien que l’opposition ivoirienne, qui s’est coalisée pour apporter la guerre dans notre pays, a le profil bas au moment où la fin de cette crise approche et où tout le monde sait que c’est le Président Gbagbo qui s’est battu pour apporter la paix dans son pays et qui est en voie de remporter la victoire aux prochaines élections présidentielles dès le premier tour. Tout le monde sait aussi que l’opposition ivoirienne est une opposition stérile qui n’a rien à proposer aux Ivoiriens et qui n’offre que la violence. Et c’est pour cette raison qu’elle sera sanctionnée par les Ivoiriens aux prochaines élections. N.V. : Que vous inspire cette ruée vers le nord des leaders politiques ivoiriens ? Pascal Affi N’Guessan du Fpi dans le Denguélé, Alassane Dramane ouattara du Rdr dans le Worodougou, etc. ? M.S.B. : Je pense tout simplement que c’est un hasard de calendrier parce qu’une tournée est préparée longtemps à l’avance. A ce que je sache, les états-majors des différents partis ne se communiquent pas les calendriers de tournée. C’est donc par hasard que les trois leaders se retrouvent dans le nord du pays en même temps. Mais si on fait campagne aujourd’hui dans le nord, il faut mettre cela sur le compte de l’Accord politique de Ouagadougou (Apo), qui est né du dialogue direct proposé par le président Gbagbo. Je suis heureux que vous dites qu’il y a une ruée de leaders politiques vers le nord. Ce qui était impensable avant l’Apo. Il faut donc remercier et féliciter le président Gbagbo qui apporte la paix là où ses adversaires apportent la guerre. Qui apporte la joie là où ses adversaires apportent ruine et désolation. Mais ces différents leaders vont dans le nord différemment armés. Concernant Alassane Ouattara, il est allé dans son fief que la guerre qu’il a envoyée a défiguré. A-t-il été à l’aise tout ce temps qu’il a passé dans le Worodougou ? Je peux dire non parce que Alassane Ouattara lui-même a demandé à ses partisans meurtris par la crise, de lui donner 5 ans pour réparer ce que le Fpi a détruit. Il était mal à l’aise parce qu’il voulait plutôt dire : “je vais réparer ce que j’ai détruit”. Nous savons tous que, le 24 décembre 1999, Ouattara a commencé la destruction de la Côte d’Ivoire par le premier coup d’Etat que ce pays a connu. En octobre 2000, après la victoire du peuple de Côte d’Ivoire sur l’armée qui voulait confisquer le pouvoir au moment de la proclamation des résultats présidentiels, il a envoyé ses partisans, selon ses propres termes, chercher le pouvoir qui était dans la rue. C’était la deuxième grande fracture. Les 7 et 8 janvier 2001, une autre tentative de coup d’Etat perpétrée par Ouattara endeuillait encore la Côte d’Ivoire. Et, depuis 2002, Ouattara fait plonger la Côte d’Ivoire dans une crise sans précédent qui a fait des morts et des blessés à vie. Peut-on raisonnablement confier ce pays à quelqu’un qui l’a détruit dès qu’il a fait son apparition sur la scène politique ivoirienne ? Je dis non. Alassane Ouattara ayant lui-même reconnu que le pays a été détruit, c’est un aveu de taille. Par honte, il n’a pas le courage de se désigner comme le coupable. Il accuse le Fpi, ce parti qui était sa cible dans cette guerre qu’il a amenée en Côte d’Ivoire. Que Ouattara ne prenne pas les Ivoiriens pour des niais. On ne peut pas être en même temps victime et bourreau. En Côte d’Ivoire, tout le monde sait que c’est Ouattara le bourreau, le Fpi et les Ivoiriens les victimes. L’imam d’Odienné vient de le révéler à la face du monde en refusant, selon ses propres termes, d’accorder sa bénédiction aux déstabilisateurs de notre pays. Et ça, c’est la partie visible de l’iceberg. Au moment de la campagne, des Ivoiriens, et non des moindres, lui cracheront au visage qu’il est bien l’auteur de la destruction de la Côte d’Ivoire. Et donc, quand il parle de la destruction de la Côte d’Ivoire, il doit avoir le profil bas. Parce que, demain, c’est toute la Côte d’Ivoire qui s’élèvera pour lui dire en face que c’est lui qui est à l’origine du malheur des Ivoiriens, que c’est lui qui est à l’origine de la souffrance des Ivoiriens. Quant à Affi N’Guessan, il est à l’aise au nord parce qu’il est chez ces parents qui ont payé le plus lourd tribut de cette guerre. Et ces parents du nord savent que c’est le Fpi et le Président Laurent Gbagbo qui sont en train de les sortir des ténèbres dans lesquelles leurs propres fils les ont plongés. On dit que le mensonge court vite, mais il est toujours rattrapé par la vérité. Affi N’Guessan dira la vérité qui guérit, la vérité qui soigne à ses parents du nord et ceux-ci, en reconnaissance, porteront le Fpi et le président Laurent Gbagbo au pouvoir triomphalement. N.V. : Monsieur le député, la vérification de la liste électorale provisoire a commencé, il y a quelques jours pour durer une semaine. Quel est aujourd’hui l’état des lieux ? M.S.B. : Sur 846 000 pétitionnaires à vérifier, 400 000 l’ont déjà été. Il reste encore un peu plus de 400 000 pétitionnaires à vérifier. Mais, nous apprenons par-ci par-là que les agents Oni vérificateurs se mettront en grève pour défaut de paiements de leurs indemnités. Nous souhaitons que la Primature, maître d’ouvrage de l’opération de vérification, mette de l’ordre pour éviter les retards de salaires afin que l’opération se termine à la date indiquée. Ainsi évitera-t-on un long retard à ce processus de confection des listes électorales. N.V. : Au moment où la Côte d’Ivoire s’apprête à fêter le cinquantenaire de son indépendance, le 7 août prochain, l’opposition ivoirienne, avec en tête le Pdci-Rda, ne semble pas être intéressée par cette festivité. Quel est votre commentaire ? M.S.B. : J’ai toujours dit, et je le répète encore aujourd’hui, que, pour l’opposition ivoirienne, en général, et plus particulièrement pour le Pdci-Rda, la Côte d’Ivoire n’existe que quand il est au pouvoir. C’est ce qui peut expliquer ce comportement. Sinon comment comprendre que les cadres du Pdci boudent le cinquantenaire de notre nation, eux qui ont passé 40 ans sur les 50 au pouvoir, eux qui se targuent d’avoir bâti ce pays et qui devraient venir défendre leur bilan avec “fierté”, reconnaître les erreurs du passé, faire des propositions pour un avenir plus radieux de la Côte d’Ivoire ? Parce qu’ils ne sont pas au pouvoir, ils ne trouvent pas bonne l’idée très noble du président Gbagbo de fêter le cinquantenaire, c’est-à-dire de nous arrêter et de nous demander: “Qu’avons-nous fait de nos 50 dernières années et que comptons-nous faire de nos 50 prochaines années ?”. Poser une telle problématique, c’est aimer son pays. Si nous avons bien fait, c’est pour prendre appui sur nos acquis en vue d’améliorer nos performances. Si nous avons mal travaillé les 50 dernières années, c’est pour rectifier le tir en vue de faire des redressements pour accéder au développement. Refuser de participer à une telle proposition, c’est mont-rer qu’on n’aime pas son pays. Et je suis peiné pour ces dirigeants du Pdci-Rda qui, pour une fois sur ce thème, devraient être d’accord avec le Président Laurent Gbagbo. Eux qui n’ont pas hésité à s’associer à Alassane Ouattara qui a détruit ce pays en apportant la guerre en Côte d’Ivoire. Alors qu’ils auraient bien pu s’allier à Gbagbo pour qu’ensemble, on repousse l’ennemi. Cette guerre coûte aujourd’hui à la Côte d’Ivoire 3.000 milliards FCFA. Et la Côte d’Ivoire paye aujourd’hui 3.000 milliards FCFA par le fait de nos errements. Aujourd’hui encore, ils refusent de se mettre avec Gbagbo pour qu’ensemble, nous tracions les sillons d’une nouvelle Côte d’Ivoire pour les 50 prochaines années. Par ce comportement, le Pdci a décidé de ne pas entrer dans l’histoire par la grande porte. C’est dommage. Mais la porte reste toujours ouverte pour que nous puissions réfléchir ensemble. Mais, s’ils s’obstinent à ne pas venir, nous organiserons sans eux ce colloque qui, je l’espère, connaîtra un grand succès. On annonce la présence, à ce cinquantenaire, de grandes personnalités de renom de ce monde, dont trois Prix Nobel. Nous avons la charge de ce pays au moment où le cinquantenaire est fêté. Si nous n’avions rien fait, les mêmes nous l’auraient reproché. Mais nous allons réfléchir et proposer des résolutions qui seront applicables et dont tout le monde bénéficiera, y compris ceux qui refusent de participer aujourd’hui à ces réflexions. Le Pdci nous a habitués à cet état de fait. Hier, les députés Pdci avaient refusé de participer à l’élaboration de la loi sur les conseils généraux, et ils avaient claqué la porte. Mais quand la loi a été votée, ils étaient les premiers à courir par-ci et par-là pour être les présidents des conseils généraux. C’est pour toutes ces raisons que les Ivoiriens ne donneront pas leur confiance aux gens qui veulent une chose et son contraire en même temps. Une interview réalisée par Robert Krassault ciurbaine@yahoo.fr
Politique Publié le vendredi 30 juillet 2010 | Notre Voie