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Politique Publié le mercredi 11 août 2010 | Le Nouveau Réveil

Jean Baptiste Akrou (directeur général de Fraternité Matin) : “Personne ne peut m`empêcher de faire de la politique à Yamoussoukro”

Fraternité Matin, le journal gouvernemental a joué un rôle de premier choix dans la préparation de la fête du cinquantenaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Il a même lancé un concours de nouvelles avec pour thème, le cinquantenaire et les nouvelles primées ont été éditées dans un livre. Dans cette interview, son directeur général, M. Jean Baptiste Akrou, situe le sens de ce choix et en profite pour dire quelques vérités qui fâchent.


M. le directeur, dans le cadre du cinquantenaire de la Côte d'Ivoire, vous avez lancé un concours de nouvelles qui aient de se concrétiser par la sortie d'un livre, d'un recueil comprevant les 10 premières nouvelles sélectionnées. Quels sont les objectifs que vous visiez en organisant ce concours ?
Il faut dire que Fraternité Matin a décidé, à l'instar du pays de placer le cinquantenaire sous le signe de la réflexion et c'est ainsi que nous avons, en tenant compte de notre position et de la mémoire que nous avons emmagasinée, nous avons déjà fait ce qu'on a appelé les pages du cinquantenaire qui était pour nous un devoir de mémoire, un devoir de vérité. Nous avons donc décidé de placer ce cinquantenaire sous le signe de la réflexion et du témoignage. Comme Fraternité Matin a 45 ans et que nous sommes dépositaires en partie de la mémoire collective de ce pays, nous avons donc décidé, pendant cette période là, de revisiter l'histoire de la Côte d'Ivoire au plan politique, économique, social, sportif, etc. C'est ainsi que nous avons donné à lire un certain nombre de pages et de documents. Par ailleurs, à coté du passé, nous avons décidé d'entrevoir l'avenir et nous avons donné la parole à des ivoiriens qui eux-mêmes racontent ce que leur inspirent les 50 ans passés et puis, peut-être ce qu'ils attendent des 50 prochaines années. Nous avons donc lancé en avril 2010 ce concours de nouvelles…

Combien d'œuvres avez-vous reçues?
On était un peu pris par le temps, donc on avait demandé aux postulants de le faire en un mois. Donc d'avril à mai, ils devaient déposer leur texte. Nous avions honnêtement pensé qu'on aurait une cinquantaine de textes et on s'était décidé à primer 10. Mais il y a eu un tel engouement qu'on a eu 111 postulants en définitive et on avait toujours maintenu de primer 10. Et c'est le jury dirigé par le professeur Grah Mel qui nous a dit, vu la qualité des autres textes, nous vous demandons, même en maintenant le principe de ne primer que les 10 premiers, d'ouvrir la possibilité d'ajouter 15 autres textes parce que ce sont aussi de bons textes qui gagneraient au moins à être publiés. Donc à l'arrivée, nous avons 10 lauréats qui ont été récompensés, leurs textes ont été déjà édités, nous avons donc fait le premier livre. Les 15 autres textes qui ont été admis hors concours seront édités dans un second livre à paraître, mais leurs auteurs n'ont pas eu de prix.

Sur quelle base les 10 premiers textes ont été sélectionnés ?
Je pense que, comme dans tout concours, il y a un jury. Je tiens d'abord à dire que les textes ont été rendus anonymes donc quand vous prenez les textes de ceux qui ont gagné, les délibérations du jury vous parlent de la copie 0011, de la copie 005, ce qui veut dire qu'il n'y avait pas moyen de savoir qui était l'auteur de ce texte. Le jury était composé d'éminents hommes de lettres, des professeurs d'université. Il y avait trois femmes, trois hommes. Il y avait le professeur Grah Mel, Mme Tanon qui est vice Doyen je crois, à l'Ufr des langues et civilisations, il y a une autre dame qui est enseignante à l'université. En tout cas, c'est pour la plupart des universitaires aguerris qui font autorité et qui ont été dirigés par M. Frédéric Grah Mel qui fait aussi autorité. Donc c'est le jury qui a travaillé pendant de longues heures et qui a sélectionné les 10 meilleurs œuvres. Quand ils ont fini, ils nous ont communiqué la liste des lauréats et nous les avons rencontrés pour une 1ère fois. Et à partir de ce moment, nous leur avons rédigé des contrats d'édition. Le 4 août dernier, lorsque nous leur avons remis leur prix, nous leur avons remis également leur contrat d'édition parce que maintenant que leur œuvre est sur le marché, il faut qu'ils soient couverts pour pouvoir bénéficier de leur droit d'auteur. Donc le jury était autonome et c'est lui qui a travaillé pour sélectionner les meilleurs textes.

Vous voulez dire qu'en plus des prix qu'ils ont reçus, les auteurs de ces nouvelles éditées vont bénéficier d'autres retombées financières ?
Tout à fait, c'est pour cela que nous avons signé avec chacun de ces auteurs, un contrat d'édition. Donc ils sont aujourd'hui avec le groupe Fraternité Matin et Michel Lafont. Ils ont un contrat d'Edition en bonne et due forme. C'est ce que nous avons toujours fait avec tous nos auteurs, que ce soit avec Blé Goudé, Isaïe Byton Coulibaly, chaque fois que nous publions un texte, nous signons un contrat avec son auteur.

Mais comment va se faire la répartition des droits d'auteur vu qu'il y a 10 auteurs dans le même livre ?
Je pense que ce sera, il me semble, une question de bon sens. Parce que si le livre se vend bien, on ne pourra jamais dire que c'est à cause de tel texte ou tel autre que le livre se sera bien comporté. Donc on versera toujours le même montant à tout le monde. C'est ce qui me parait logique parce que même le texte classé 1er ne peut pas être forcément la préférence de tous les lecteurs. On ne pourra donc pas dire que comme celui-là est 1er, il doit avoir un droit d'auteur plus élevé que les autres. D'ailleurs si vous regardez la liste des lauréats, vous verrez que celui qui a eu le 1er prix est un jeune de 26 ans, il est étudiant. Alors que parmi les 10, il y en a un qui est docteur en lettres, qui enseigne lui-même à l'Ens. Voyez-vous le jury est souverain. Il a décidé, nous avons pris acte.

M. le directeur, l'actualité de ces derniers jours, c'est la célébration du cinquantenaire de l'indépendance de notre pays. Fraternité Matin à aujourd'hui 45 ans. Quelles sont les orientations de votre journal par rapport à la nouvelle ère qui commence ?
Je pense que nos orientations sont toujours les mêmes, faire en sorte que Fraternité Matin soit le journal de tous les ivoiriens, cela nous importe beaucoup et nous nous sommes efforcés, depuis le 26 novembre 2006 que nous avons été nommé à la tête de Fraternité Matin, nous avons mis un point d'honneur à faire en sorte que Fraternité Matin soit effectivement le journal de tous les ivoiriens. Nous avons une très bonne couverture des activités de tous les leaders politiques, nous nous ouvrons très largement à la société civile, nous couvrons toutes les activités sportives, nous faisons en sorte réellement que les ivoiriens retrouvent l'essentiel de leurs centres d'intérêts dans le journal et Dieu merci, le Cnp qui est notre instance de validation et qui est notre instance même de critique, fait régulièrement, à la fin de chaque mois, le point de la couverture par exemple des activités des principaux leaders politiques dans Fraternité Matin. Et ceux qui le lisent se rendent compte que grosso modo, nous donnons la parole à tout le monde, que tout le monde s'exprime. Nous avons l'espace " l'invité de la rédaction " qui a reçu, je dirais, tous les grands leaders politiques. Il ne nous reste qu'un seul, nous attendons qu'il arrive, mais on relance très régulièrement son service de communication. Il s'agit du président Bédié. Sinon nous avons déjà reçu M. Alassane Ouattara, le président Gbagbo, le 1er ministre Soro Guillaume, M. Mabri Toikeusse, M. Wodié, M. Gnamien Konan, Mme Oble et j'en passe et nous continuerons ainsi…

Houphouët-Boigny, tout le monde le sait, avait une grande vision, il rêvait grand, très grand pour son pays. Il a fait de très grandes choses. Après lui, il y a eu ses successeurs. Je veux parler du président Bédié, de la parenthèse de feu Guéï Robert. Aujourd'hui le président Gbagbo est au pouvoir depuis pratiquement 10 ans. Quelle comparaison pouvez-vous établir entre ces trois successeurs et le président Houphouët au moment où l'on parle de cinquantenaire?
Je veux éviter une polémique parce que je sais qu'on m'attend à ce niveau. Nous sommes dans une période où on attend d'aller aux élections, je veux éviter d'ouvrir un front. Mais je pense que Houphouët a fait beaucoup de choses, de grandes choses. Mais il y a beaucoup de choses sur lesquelles on lui a fait faire malheureusement beaucoup d'erreurs, je le dis parce que moi je suis de Yamoussoukro. Quand on voit les grandes rues de Yamoussoukro, on dit Houphouët a fait de grandes voies, il les a bitumées, il y en a même qui débouchent en pleine forêt, mais aujourd'hui on se rend compte que c'est du goudron qui a été jeté en brousse pour rien. Je ne dis pas qu'il a mal fait d'ouvrir les voies, je dis que les voies ont été mal faites. Ce sont de grandes voies sans caniveaux. Tous les techniciens des Tp disent que le 1er ennemi du bitume, c'est l'eau qui stagne. Or malheureusement ces voies ont été faites sans caniveaux, Yamoussoukro n'a pas de circuits d'assainissement. Quand il pleut, l'eau stagne sur le bitume et vous voyez aujourd'hui que toutes ces voies sont en train de s'abimer. Donc les personnes qui étaient chargées de faire ces travaux ont induit soit le président en erreur soit on a abusé de sa bonne foi et se sont beaucoup enrichies. Les travaux n'ont pas été faits comme il se devait, donc au moment où il y avait l'argent, on ne l'a pas fait ou on l'a mal fait et aujourd'hui, on est obligé de reprendre un certain nombre de travaux. Maintenant, je voudrais me retenir de parler de ceux qui ont succédé à Houphouët parce que je risque de laisser parler mon cœur et cela manquerait d'objectivité.

Vous ne voulez pas ouvrir un front mais la réalité est qu'une nouvelle date des élections présidentielle vient d'être fixée après pratiquement huit autres dates qui n'ont servi à rien. Est-ce que vous que cette nouvelle date sera tenue ?
En tout cas si je me fie aux propos des officiels, le 1er ministre Soro, le président Gbagbo, le 1er ministre Alassane, le président Bédié, tout le monde dit qu'on ira aux élections le 31 octobre.
Oui mais chaque fois ça été la même conviction quand on donne une date mais ça n'a jamais été tenu. En quoi est-ce que cette date est différente des autres ?
Moi je ne suis pas organisateur d'élection, je souhaite ardemment que les élections se tiennent, parce que effectivement, ça nous permettra d'en finir avec cette situation bâtarde où tout le monde est au pouvoir et en même temps certains sont dans l'opposition, c'est assez compliqué. Moi je ne sais pas à quel moment il y a une opposition et à quel moment les gens sont au pouvoir. Il faut donc qu'on sorte de cette situation de manière à ce que celui qui gagne gouverne, dirige le pays, quitte pour lui à faire appel à d'autres personnes dans le cadre d'un gouvernement d'ouverture, mais vraiment c'est lui qui dirige, c'est lui qui est aux commandes, de manière aussi, à ce que les investisseurs qui sont à l'extérieur, qui n'attendent que ces élections pour avoir une visibilité beaucoup plus claire et nette, viennent investir dans ce pays qui en a vraiment besoin. On a besoin de créer des emplois, de redonner confiance aux ivoiriens. Il faut donc qu'on aille aux élections parce qu'il y a trop de questions importantes qui sont liées à cette élection, notamment des questions économiques, de cohésion sociale. Il faut donc ces élections pour reconstruire le pays.

Autre sujet M. le directeur. Vous dirigez le quotidien gouvernemental, donc le journal de tous les ivoiriens. Mais ces derniers temps, on vous découvre très actif sur le terrain dans votre région natale qui n'est autre que Yamoussoukro. On vous voit faire des dons par-ci, des dons par-là. Qu'est-ce qui vous fait courir tant ? Auriez-vous des ambitions politiques à Yamoussoukro ?
Ça c'est une question qu'on me pose très souvent. Mes 1ères activités à Yamoussoukro en matière de dons remontent à 1998. Je fais des dons, tout simplement parce que j'ai la possibilité de le faire. Au poste où je suis, j'ai la chance d'avoir des relations. J'ai un réseau de relations qui me permet d'avoir facilement un certain nombre d'objets, de faveurs que je refuse de garder pour moi tout seul. J'aurais pu, par égoïsme, chercher à monnayer mes contacts pour moi-même. Mais, je m'inspire un peu de Raoul Follereau qui dit que nul n'a le droit d'être heureux seul et c'est pour cela que je fais des dons. J'ai fait des dons à l'hôpital de Yamoussoukro, j'ai fait des dons à la Dren, à des écoles. Alors on me demande si j'ai des ambitions politiques. Non. Je n'ai pas d'ambitions politiques. Je suis à un poste comme je l'ai déjà dit, où j'ai la possibilité de recevoir des dons. Je vous apprends qu'au moment où nous faisons cette interview, l'Ambassade d'Egypte s'apprête à me donner dans les tout prochains jours, trois tonnes de médicaments parce que j'ai formulé la demande. Tout récemment j'ai eu des ordinateurs pour Fraternité Matin. Là, on va me remettre trois tonnes de médicaments. Qu'est-ce que j'en fais ? Est-ce que je les garde pour Fraternité Matin seul ? Est-ce que je peux en donner à mes parents de Yamoussoukro ? Si j'ai la possibilité, à partir de mon poste, de rendre les populations heureuses, je me dois de le faire. Mais quand je le fais on me dit oui, il a des ambitions politiques. Mais c'est quoi la politique ? Tous ceux qui font la politique de façon générale disent, si vous m'élisez je vais faire ceci, je vais faire cela. Mais moi je n'ai pas besoin d'être élu pour faire du bien. Je le fais depuis mon poste. Donc je fais la bonne politique, la politique de développement, la politique d'un homme qui ne se contente pas de se suffire dans son confort égoïste, individuel, mais qui met ses relations au service des autres. Je suis heureux et je peux vous le dire, de pouvoir permettre à mes parents de bénéficier d'un certain nombre de biens. Donc je demande à ceux qui pensent que faire cela, c'est faire de la politique, c'est avoir des ambitions politiques, je leur demande de faire deux fois plus que ce que je fais, parce qu'ils font déjà la politique. Quand je fais un don à l'hôpital, je leur demande d'en faire deux fois plus…

Oui mais est-ce que ce n'est pas pour vous une façon habile de préparer les esprits, de préparer le terrain pour demain ?
Si je voulais avoir cette ambition de me présenter à une élection à Yamoussoukro, rien, absolument rien ne m'empêche de le faire parce qu'il n'est pas dit qu'il est donné à tel de faire la politique et à tel autre de ne pas la faire. Pour le moment j'ai décidé de ne pas en faire, mais j'ai déjà été conseiller municipal à Yamoussoukro. Donc qu'on le veuille ou pas, je suis déjà entré dans la politique. Aujourd'hui, j'ai décidé de me consacrer à plein temps, au travail qui est le mien à Fraternité Matin. Mais si demain, je voudrais faire la politique, je peux la faire. D'autant plus que sans être élu, sans avoir de poste électif, moi je fais ce qu'un homme politique doit faire logiquement. Parce qu'un bon homme politique est au service des autres, un bon homme politique n'est pas là pour se servir. Moi je vis très simplement, je ne cherche pas à m'enrichir, je suis dans mon petit coin. Chaque fois que je peux rendre service, je le fais. Je le fais de bon cœur et personne ne m'y oblige. Mais si demain j'ai envie de faire la politique, quand je regarde tous ceux qui sont aujourd'hui député, maire et j'en passe, aucun n'a plus de valeur intrinsèque que moi. Je le dis, pour le moment ça ne me tente pas, mais si demain je décide de le faire, je suis un fils de Yamoussoukro, libre de faire de la politique. Pour le moment, ce n'est pas mon choix. Mais ça ne veut pas dire aussi qu'on peut me l'interdire. Chaque chose en son temps et rien ne peut m'empêcher de faire demain, de la politique à Yamoussoukro. Il y a des gens qui sont trop fébriles. Vous savez, moi j'ai aujourd'hui un travail, mais il y a des gens qui ne travaillent pas. Tout ce qu'ils ont comme travail aujourd'hui, c'est la politique. Alors, ils ont peur que quelqu'un qui a déjà un travail, vienne leur prendre le leur. Pour le moment je fais ce que j'ai appris et que je sais faire, le journalisme.
Interview réalisée par Assalé Tiémoko


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