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Art et Culture Publié le mardi 24 août 2010 | Le Patriote

Interview / Charles Sanga (Directeur de publication du Patriote): “Le Patriote est devenu le souffre-douleur du CNP”

Interview / Charles Sanga (Directeur de publication du Patriote): “Le Patriote est devenu le souffre-douleur du CNP”
© Le Patriote Par Cecom RDR
Tournée du président du RDR dans la vallée du Bandama - Alassane Ouattara à Tafiré
Mercredi 11 août 2010. Tafiré. Photo: ADO et Charles Sanga, le Directeur général du quotidien "Le Patriote"
Le Conseil national de la Presse (CNP), inflige blâmes sur blâmes au Patriote suite, d’une part, à la publication de l’image et de l’identité d’activistes du parti au pouvoir réclamant la radiation de personnes traitées abusivement d’ "étrangers" et d’autre part, la réplique de Delma Mohamed Salice à Assoa Adou, en lieu et place d’un "droit de réponse". Pour dénoncer ces réprimandes qui apparaissent, à la limite, comme un harcèlement, M. Charles Sanga, s’élève contre ces pratiques et prend l’opinion à témoin.

Le Patriote : Votre journal a reçu des blâmes du CNP par rapport au Contentieux électoral en cours. Quelle est votre réaction au sujet de ces reproches ?
Charles Sanga : C’est avec surprise que nous avons reçu ces notes du président Eugène Dié Kacou. Notre surprise est telle que nous n’avons pas publié de droit de réponse. Nous n’avons fait que donner la parole à un citoyen qui est mis en cause dans une affaire dite de "fraude sur la nationalité". Je marque donc mon étonnement devant cette attitude du CNP qui, de plus en plus, s’illustre dans ce genre de dérives qui surprennent la communauté des journalistes. Et je me demande bien si le CNP sait réellement ce que c’est un Droit de réponse. En effet, l’Article 55 de la loi portant régime juridique de la presse ivoirienne, définit le droit de réponse comme la faculté donnée à toute personne mise en cause dans un journal ou écrit périodique d’exiger l’insertion d’une réponse, si elle estime que la citation qui la concerne est erronée ou diffamatoire. Mais là, nous n’avons pas publié de déclaration de qui que ce soit. Il y a un problème et en tant que journal, nous avons essayé d’apporter un peu plus d’éclaircissements. En interrogeant les mis en cause. Je me demande ce que recherche réellement le CNP. Les medias de la haine, ce n’est pas nous.

LP : Dans les décisions du CNP, il vous est reproché aussi d’avoir révélé l’identité de ceux qui demandent la radiation des personnes sur la liste électorale
CS : Pourquoi ne le ferions nous pas ? Nous continuerons à la faire, tant qu’il y aura tapis dans l’ombre, des personnes qui se croient porteuses d’un titre de propriété sur la Côte d’Ivoire. C’est encore une énormité qui nous pousse à chercher à comprendre les réelles motivations de cette institution. Le président Eugène Kacou et ses amis en font un peu trop. C’est vrai, même si l’on veut faire plaisir à Laurent Gbagbo, mais il ne faut pas se ridiculiser jusqu’à un certain niveau. Je vous informe que le débat a eu lieu au sein de la Commission Electorale Indépendante (CEI), qui est une institution de l’Etat. La décision a été prise qu’il fallait rendre publique les images, les noms, les adresses et les contacts des réclamants, parce qu’on ne peut pas s’amuser à rendre quelqu’un apatride et vouloir le faire dans l’anonymat. Ce n’est pas possible ! C’est même lâche. Il faut que chacun assume ce qu’il fait, parce que c’est une décision très grave. Aussi bien le juge qui prend la décision finale que la personne qui porte plainte, il faut que tous, assument leurs responsabilités, d’autant plus que les audiences sont publiques. Si cela se fait dans les règles, si elles pensent agir légalement, sans arrière pensée, à mon avis, il n’y a pas de quoi craindre que la photo du réclamant soit affichée. Sur les plaintes, il y a toutes les informations relatives aux adresses et numéros de téléphone.

LP : Le CNP vous reproche, dans ce cas, d’exposer les réclamants à la vindicte populaire
CS : C’est une interprétation exagérée de ce que nous faisons! Quand on a vu ce qui s’est passé ailleurs, et c’est là notre crainte, il ne faut pas faire passer les victimes pour les bourreaux. Au moins pour l’histoire il faut que nous l’assumions. Je vous l’ai dit : au niveau de la CEI, la décision prise est qu’il faut afficher les photos et les noms des réclamants. Si moi, j’estime que vous n’êtes pas Ivoirien, il faut que je puisse vous affronter, en personne, apporter les preuves et dire voici pourquoi vous n’êtes pas Ivoirien. Nous, nous faisons notre travail de journaliste. Nous ne sommes pas allés chercher ces documents dans des tiroirs au tribunal. Ce sont des documents, des photos qui sont du domaine public. Quand les directeurs de campagne de Laurent Gbagbo se rendent dans leurs localités et demandent qu’on radie des milliers de personnes, nous pensons que ce sont des dérives inquiétantes ! Et il faut pouvoir le dénoncer et montrer à la communauté nationale et internationale qui sont réellement ces hommes qui mettent à mal l’unité nationale.

LP. : Pourquoi, selon vous le CNP agit de la sorte ?
C.S. : Le CNP veut se donner bonne conscience. Mais, il fait fausse route. Certains journaux, en dehors de la présomption d’innocence, affichent les photos et les noms de certains de nos concitoyens qu’ils taxent arbitrairement d’étrangers ou de fraudeurs. Et là, on ne voit pas le CNP réagir sur ces faits. Sinon il le fait mollement. Mais, on ne peut pas mettre ceux-là dans la même balance que nous. Mais, nous nous ne faisons que dire voici ceux qui demandent la radiation de certaines personnes de la liste électorale, sans plus. Nous n’accusons personne. Les interprétations, c’est le CNP qui les fait. Avec maladresse. Il faut faire attention à cet organe qui s’arroge des pouvoirs que même le parlement n’a pas. Depuis un certain temps, il a interdit des photographies du chef de l’Etat, les images des tueries de Laurent. Il interdit qu’on dise du régime FPI qu’il est xénophobe ou tribaliste. C’est encore le CNP qui a publiquement condamné l’excellent travail d’investigation mené par nos confrères récemment arrêtés par le Procureur de la république ? Que devient le journalisme dans ce cas, si on ne doit qu’écrire ce qui parait correct aux yeux des fonctionnaires de l’Etat, qui veulent justifier un salaire ? Ce n’est pas cela le rôle que la Loi attribué à cet organe.

LP : A vous entendre, c’est du " deux poids deux mesures" que fait le CNP à votre détriment ?
CS : Je vous prête les mots. Le Patriote est devenu, depuis longtemps, le souffre-douleur de cette institution qu’est le CNP qui, depuis un temps, agit dans l’illégalité. Il n’est dirigé que par deux personnes, le président et son Secrétaire général qui, à eux deux seulement, décident au nom d’un Conseil qui n’est pas légalement établi, parce que les membres n’y siègent pas. La tutelle a été maintes fois interpellée sur cet état, sans suite. Nous avons été victimes, à deux reprises de l’arbitraire

LP : N’est-ce pas l’Epée de Damoclès qui plane encore sur votre tête à l’approche des élections ?
CS : Je suis d’avis avec vous. Nous craignons qu’une mesure arbitraire de suspension ou de fermeture ne nous soit imposée, comme ce fut le cas en février dernier. Mais, nous prenons la communauté nationale et internationale à témoin. Il y a quelques semaines, un journal de la place s’est amusé à publier des sondages, contrairement aux prescriptions de la loi et malgré une mise en garde du CNP. Ce journal devrait être fermé, cela n’a pas été possible puisque, naturellement, les membres du CNP ont voulu faire plaisir à Laurent Gbagbo, dont les proches sont les patrons du journal en question. Nous leur disons que le Patriote ne saurait être un tapis pour les gens qui veulent se défouler sur un journal parce qu’ils veulent faire plaisir à Laurent Gbagbo. Nous avons un rôle précis à jouer pour l’avènement de la démocratie en Côte d’Ivoire et nous l’assumons pleinement dans le respect des règles que nous avons établies.

LP : Est-ce à dire que le journal ne va pas se laisser intimider pour ronger son frein face à cette question sensible de radiations massives d’Ivoiriens sur la liste électorale ?
CS : Nous ne croyons pas. Il faut qu’Eugène Kacou et son secrétaire général le comprennent. Nous en avons vue déjà en terme de menaces, de décisions arbitraires. Il faut que les Ivoiriens qui sont pour l’unité nationale, qui sont pour la préservation de la cohésion nationale comprennent notre combat car on ne peut pas mettre dans le même panier les bourreaux et les victimes. On ne peut pas non plus tolérer qu’on affiche les images des personnes qui, pour la plupart sont des Ivoiriens et décider de protéger ceux qui, par délation, ou par les officines du parti au pouvoir, décident de les rendre apatrides. Et nous, Patriote, nous ne pouvons pas nous rendre complices de cela. C’est l’essence même de l’existence de ce journal et nous lutterons toujours pour renforcer la cohésion nationale et nous allons toujours continuer de mettre cela en avant pour que l’opinion nationale sache qui fait quoi.

Réalisée par Y. Sangaré
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