Ce n’est pas en vain que les Ivoiriens les plus sensés qualifient Houphouët-Boigny de visionnaire. Ce bâtisseur hors paire dans un prgmatisme idéalisé, était abandamment instruit en fait, des fluctuations des prix des matières premières agricoles, notamment ceux du café et du cacao, sur le marché mondial. Aussi, pour éviter que les producteurs de café et de cacao ivoiriens subissent impuissants, la loi des grands spéculateurs seulement guidés par leurs intérêts, Houphouët-Boigny avait-il créé la Caisse de Stabilisation et de soutien des prix du café et du cacao (Caistab). La Caisse de Stabilisation permettait à l’Etat ivoirien, bon an, mal an, de payer aux agriculteurs ivoiriens, un prix qui compensait considérablement le dur labeur de ces paysans qui alimentait la première mamelle de l’économie ivoirienne. Tous les paysans ivoiriens et même leurs enfants, se rappellent encore la crise économique des années 80. En effet, en 1989, « la Côte d’Ivoire devait faire seule face aux géants consomamteurs de cacao. Dans l’impossibilité de continuer à stocker leurs cacao, les Ivoiriens ont dû vendre d’un seul coup aux plus grandes banques d’affaires du monde dont les intérêts ne coïncident pas forcement avec ceux d’Abidjan » (Africa international n°218 juillet-août 1989) Houphouët-Boigny n’avait pas eu besoin de brandir la souveraineté de l’Etat ivoirien, encore moins de se contenter de s’appesantir sur l’impuissance de notre ‘’proto-nation’’ face aux géants chocolatiers, consommateurs de premier ordre du cacao mondial. 280 000 t de fève cacao attendaient d’être enlevées à Abidjan. La Caisse de Stabilisation s’était décidée. Deux concurrents lui faisaient la cour. 280 000 t de cacao devaient rapporter plus de 100 milliards de francs. Au marché mondial, malgré le déficit, le kilogramme de cacao coûtait seulement 425 Fcfa Houphouët l’avait fixé 500 F au bas mot pour tout acheteur qui consentait à enlever tout le stock. Pour l’acheteur, le prix de revient se trouvait alors en dessous du prix mondial. Mais ce manque à gagner pour lui pouvait être rattrapé d’une manière ou d’une autre : ‘Phipp Brothers est prêt à enlever les 280 000 t de fève. Thor Peterson tergiverse » René Amani, alors Directeur général de la Caistab, résiste. Le 7 juin 1989, Thor Peterson, se décide. Il a gagné. Amani René, peu bavard, se frotte les mains. Homme discret, il a fait vendre ce gros lot. 280 000 t de cacao au prix du marché mondial. Les paysans n’en ont pas pâti outre mesure. Les hangars sont désormais vides. Les autorités ivoiriennes se félicitent d’avoir placé toute leur récolte en plus des résidus de la campagne 1988-1989. René Amani, en rendant compte du contrat le vendredi 9 juin 1989, l’a dit franchement « la marchandise a été vendue au cours du marché international ». Il restait à savoir que Phipp pouvait à Londre, faire monter le prix pour d’une part, vendre son stock et d’autre part, retourner à Abidjan. Ainsi, Houphouët-Boigny et sa Caistab, savaient attendre, négocier au bon moment, rapporter des gains substantiels, contenter les paysans, au lieu de dépenser l’argent du contribuale dans des fêtes dispendieuses de prestige, au lieu d’affamer les paysans. On retiendra que « le contrat des fameuses 400 000 t avait été signé à 515 F/kg le 11 novembre 1988 avec Phibro. Le prix mondial ne dépassait pas 425/kg. C’était 7 mois plus tard ». Avec les recettes de ce contrat, Houphouët-Boigny et la Caisse Stab pouvaient financer les infrastructures économiques qui font aujourd’hui la fierté de notre pays. Alors, à défaut de pouvoir y ajouter, de les étendre, les gouvernants actuels ont intérêt à entretenir ce qui existe, ces réalisations effectuées grâce à la perspicacité et à la tenacité de leurs prédecesseurs. Il faut surtout se garder de les détruire au motif qu’ils veulent refonder parce qu’ils sont des refondateurs.
J. C
J. C
