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Politique Publié le mardi 31 août 2010 | Le Temps

Naturalisation : Ce qui motive les acteurs à contourner les règles

Le processus pour acquérir la nationalité ivoirienne est contourné. Des deux acteurs clés de cette fâcheuse démarche qui fausse les données démographiques, l'objectif de l'un n'est pas forcément celui de l'autre.

Selon le magistrat Albert Aggrey auteur du livre - guide, La Nationalité ivoirienne : Comment la prouver?... Comment l'acquérir ?..., la nationalité, c'est le lien qui rattache une personne à un Etat déterminé. Et l'auteur d'ajouter : Seul un Etat indépendant et souverain peut donner une nationalité. Quant aux nationaux, ce sont les personnes qui ont la nationalité d'un Etat et qui ont, de ce fait, droit, premièrement à la protection diplomatique. Ce qui veut dire une action du gouvernement de cet Etat auprès d'un gouvernement étranger pour réclamer le respect du droit international à leur égard ou pour obtenir certains avantages. Deuxièmement, ils ont droit à l'accès aux fonctions publiques et à l'exercice de certaines professions réservées. Troisièmement, ces nationaux ont droit au plein exercice des droits politiques (électeurs et éligibles). Les non nationaux communément appelés étrangers, objet de cet article, ce sont ceux qui ont la nationalité d'un autre Etat. Lorsqu'ils se déplacent pour résider dans un autre Etat, ils sont soumis dans cet Etat d'accueil, à une réglementation de police concernant leur entrée sur le territoire, leur séjour et leur travail. Quant aux apatrides, ces personnes déchues de leur nationalité d'origine ou qui ont quitté leur pays pour une raison ou pour une autre, ils sont soumis à un régime spécial dans l'Etat qui leur accorde le refuge. Les textes applicables en matière de nationalité ivoirienne, sont régis par la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 modifiée par la loi n°72-852 du 21 décembre 1972 portant Code de la nationalité ivoirienne. Ces textes déterminent le national ivoirien la personne qui a, à la naissance, la nationalité ivoirienne à titre de nationalité d'origine en considération de la nationalité de ses parents ; la personne qui, ayant à l'origine une nationalité étrangère, acquiert la nationalité ivoirienne par l'effet de la loi : de plein droit. La personne qui, ayant à l'origine une nationalité étrangère, acquiert la nationalité ivoirienne par naturalisation. Et, précisions de taille : nul n'est autorisé à se dire ivoirien, s'il ne se trouve dans l'un de ces trois cas. La nationalité d'origine est celle que l'on possède à sa naissance. Elle se fonde sur, soit la filiation, soit le droit du sang. C'est-à-dire que toute personne qui peut établir une filiation avec un parent ivoirien a la nationalité ivoirienne à la naissance. Soit, le lieu de naissance soit le droit du sol. Ces textes sont sus de tous, la pression d'acquérir la nationalité ivoirienne urbi et orbi ne peut donc s'apprécier à l'aune des préoccupations politiciennes. Ce qui voudra dire que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et crier par la suite à la chasse aux étrangers. Ce que nous constatons à la faveur de cette crise sociopolitique est une ferveur malsaine dont les principaux acteurs, appuyés en cela par des politiciens véreux, sont des immigrés singulièrement de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Les immigrés venant notamment de la zone occidentale du continent et principalement de la partie septentrionale de la Côte d'Ivoire s'illustrent de la manière subjective qui soit. La proximité a créé une complexité de liens multiséculaires entre les peuples frontaliers du Nord ivoirien. D'où ce caractère social, traditionnel et culturel qui l'incline à une ambivalence. La même personne peut être Ivoirienne ou Malienne selon l'Etat où elle se trouve et selon la circonstance, ou posséder à la fois les deux nationalités. On retrouve les mêmes patronymes du Nord ivoirien jusqu’aux frontière soudano sahéliennes. L'occasion faisant le larron, certains esprits malins ont vite fait de profiter de la crise qui secoue le voisin ivoirien depuis 2002. Ce qui fait des consultations électorales d'octobre 2010 du pain bénit tombé comme des mannes du ciel. Et pour lesquelles bon nombre de malfrats de tout acabit et politiciens mal inspirés et, sans réel projet de développement, s'adonnent au jeu qui consiste à diluer la nationalité ivoirienne dans le vaste fleuve identitaire sous-régional. Chaque jour qui passe est une course effrénée à la nationalité ivoirienne. Dans ces deux groupes d'acteurs, les préoccupations ne sont pas forcément les mêmes. Si pour les politiciens en mal d'électeurs, les nombreux immigrés peuvent constituer un bétail électoral à la valeur d'un bout de papier falsifié dans des officines de contrefaçon et par conséquent, sans réel fondement juridique, pour ces derniers, le vrai problème relève du domaine du foncier. Car, au-delà de l'accès à un certain nombre de droits, l'après élection pose la question de la propriété foncière. Ce n'est pas tant la carte d'électeur, qui intéresse les nombreux fraudeurs, même si pour l'avoir, il faille passer par l'obtention d'une Carte nationale d'identité (Cni) qui donne droit aux prestations ci-dessus mentionnées. Connaissant les procédures administratives et surtout la légendaire lenteur de l'administration parsemée d'incertitudes - parce que rien ne prouve que la demande de naturalisation formulée peut avoir une suite favorable bien que les conditions d'acquisition ne sont pas si draconiennes qu'on le pense (ce qui ne saurait justifier l'ampleur de la fraude) -, ces immigrés forcent la nationalité. Peu importe ce que cela leur en coûte, et les traitements de faveur à leur endroit. En 1995, 7000 immigrés burkinabé installés depuis la colonisation et travaillant dans les plantations coloniales Sproa, furent naturalisés en l'espace d'une journée, par le président Henri Konan Bédié, l'information publiée au journal officiel le jeudi et le vote a eu lieu le dimanche qui a suivi. Il s'agit de Garango, Koudougou, Tangodogo et Koupéla, tous des campements burkinabé de la région de Bouaflé. Si en 1995, ce fut une action électoraliste, à l'endroit de la communauté burkinabé, d'autres actions purement à caractère social ont été posées par une autre haute autorité de ce pays. En 2008, le Président Laurent Gbagbo a procédé à un vaste mouvement de naturalisation. Toujours dans la région de Bouaflé à forte densité étrangère du fait de l'exploitation agricole et des terres cultivables, plusieurs milliers d'immigrés sont naturalisés par le chef de l'Etat après une demande de naturalisation de leur part. L'acte présidentiel participait du règlement de la question de la propriété foncière qui suscite des conflits entre populations autochtones et allogènes. Il y a donc deux catégories de demandeurs de la nationalité ivoirienne. D'un côté, les politiciens véreux comme on en rencontre au Rdr - ce parti politique agit depuis des années en véritable parrain des immigrés-, qui veulent gonfler leur électorat en l'étendant aux communautés étrangères. De l'autre côté, plutôt qu'appartenir à une Nation appelée Côte d'Ivoire, ces derniers sont plus soucieux d'accéder à des terres cultivables et à certains avantages liés à la nationalité. Si les intérêts convergent, ils n'ont pas les mêmes stimulations.

Simplice Allard
al08062317@yahoo.fr
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