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Société Publié le lundi 20 septembre 2010 | Nord-Sud

Guéï Nesserou (Ruban Bleu) à propos des talibés de Korhogo : “A 3 ans, ils vivent de restes de nourriture”

Guéï Nesserou, coordonnateur de l’Ong Ruban-Bleu à Korhogo, décrit le drame des enfants talibés dans le Nord de la Côte d’Ivoire et parle de l’aide que son Ong apporte à ces petits mendiants.

A quand remonte le début du phénomène du convoyage des enfants talibés à Korhogo ?
Depuis une vingtaine d’années. Les enfants talibés (ndlr : talibé signifie en arabe celui qui cherche la savoir) sont issus de parents pau?vres venant pour, la plupart, de villages des différentes contrées de la sous-région ouest-africaine. Les parents, dans l’incapacité de subvenir à leur éducation, les confient à des marabouts ou à des personnes capables de le faire. Ils y sont envoyés de gré ou de force, dès leur plus jeune âge, pour acquérir la culture religieuse islamique. A l’origine, l’enfant talibé était intégralement pris en charge par son maître coranique dans une école où il recevait une éducation islamique et un ensemble de valeurs appelant à l’endurance et à l’humilité et exigeant la renonciation au bien-être matériel. C’était, en un mot, une socialisation qui préparait l’enfant à faire face à toutes sortes de défis. Cette pratique participait au processus d’apprentissage. Dans cette culture, l’apprentissage du coran est souvent lié à une initiation à la vie communautaire et à une endurance à toute épreuve. Malheureusement, ces enfants sont de plus en plus convoyés vers les pays comme la Côte d’Ivoire où ils sont livrés à la mendicité et souvent vivent dans la rue.

Comment arrivent-ils à Korhogo ?
Il y a deux groupes. Le premier groupe est celui d’élèves d’écoles coraniques qui ont leurs familles sur place. Et le second, est celui des enfants dont les tuteurs sont en Côte d’Ivoire et les parents, dans des pays de la sous-région comme le Mali, le Niger ou le Sénégal. Ils viennent généralement dans des camions de transport de bétails ou avec des personnes qui sont en relation avec les tuteurs.

Les convoyeurs obtiennent-ils l’accord des parents ?
Oui, les parents donnent leur accord.

A combien estimez-vous le nombre d’enfants arrivés à Korhogo dans ces conditions ?
Difficile d’avancer avec exactitude le nombre d’enfants. Mais aujourd’hui, je puis affirmer qu’il y a au moins 250 enfants talibés dans la ville de Korhogo. Un seul tuteur peut avoir 20 enfants.

Quel âge ont-ils en moyenne ?
Les plus jeunes ont trois ans. C’est pitoyable. Les plus âgés en ont 14.

Y a-t-il des filles parmi eux ?
Oui. Une fillette de 3 ans est décédée récemment. Elle est tombée malade et ses tuteurs n’ont pas eu les moyens nécessaires pour assurer ses soins. Nous avons découvert son cas en retard.

Dans quel état arrivent-ils ?
Ils arrivent très jeunes. Dans la journée, ils font de la mendicité à travers la ville, et le soir, ils suivent des cours au domicile de leur tuteur, à la lumière de flammes allumées à partir de fagots que les filles sont chargées d’aller chercher dans la brousse.

Les talibés se limitent-ils à la ville de Korhogo ou vont-ils dans d’autres localités ?
Ils sont aussi dans les localités environnantes chez des tuteurs également.

Dans quelles conditions vivent-ils ?
Ceux qui ont leurs parents sur place fréquentent des écoles coraniques qui n’ont malheureusement pas de commodités. Ce sont des maisons inachevées où ils s’asseyent à même le sol. Mais de façon générale, les talibés vivent une situation difficile. Ils sont livrés à la mendicité et souvent vivent dans la rue. Ces enfants, très nombreux, dorment dans des cadres délabrés et dans la pauvreté totale. Je vous ai parlé de la fillette de trois ans qui est morte parce que ses tuteurs n’avaient pas les moyens de la soigner. Ces enfants souffrent généralement de grosses plaies qui deviennent graves parce qu’ils n’arrivent pas tôt à l’hôpital. Nous les aidons à traiter ces plaies. Nous leur permettons aussi de participer aux programmes élargis de vaccination(Pev) contre différentes maladies.

Depuis quand menez-vous des actions en leur faveur ?
Depuis novembre 1999. Nous avons amené des tables-bancs dans des écoles coraniques. Et jusqu’à ce jour, nous leur apportons de la nourriture, chaque soir. Nous leur offrons du savon plus des vêtements.

Chez leur tuteur ou en ville ?
Chez les tuteurs. Nous les aidons avec l’accord des tuteurs à qui nous leur rendons régulièrement visite. Il faut leur coopération pour que les enfants puissent être assistés.
l Prévoyez-vous quelque chose pour leur insertion professionnelle ?
Nous prévoyons déjà réhabiliter les écoles coraniques. Ensuite, nous avons en projet de former certains aux petits métiers.

Avec quels moyens réalisez-vous toutes actions ?
Uniquement avec les fonds de l’Ong Ruban Bleu. Nous sommes en discussion avec certains partenaires extérieurs afin qu’ils nous apportent un appui.

Comment ces enfants sont-ils perçus par les populations ?
Les populations semblent indifférentes à leur situation. On les regarde circuler à travers la ville. Lorsque certaines personnes veulent faire des sacrifices, elles les leur apportent. D’autres leur offrent des pièces d’argent qu’ils doivent rapporter à leurs tuteurs. Des propriétaires de restaurants acceptent qu’ils viennent chercher les restes de nourriture.

Interview réalisée par Cissé Sindou
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