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Art et Culture Publié le mardi 21 septembre 2010 | Le Patriote

Interview / Boni Gnahoré - “Il faut des mécènes pour financer la musique ivoirienne”

Il fait partie des artistes qui ont écrit les lettres de noblesse du Village Kiyi de "la prêtresse de l’art" Wêrê-Wêrê Liking Gnépo. Admiré pour être de ceux qui valorisent la musique du terroir ivoirien, Boni Gnahoré réside en Europe et précisément en France depuis un moment. Dans cet entretien, il parle des difficultés du musicien en Côte d’Ivoire ; de son apport aux côtés de sa fille Dobé Gnahoré (aujourd’hui star mondiale), de son prochain album et son retour au pays. Il n’occulte pas, non plus, la situation politique de la Côte d’Ivoire.
Le Patriote : Vous faites partie des premiers artistes, au début de la crise ivoirienne, à avoir demandé, aux leaders politiques, de s’entendre pour le retour de la paix. Etes- vous satisfait, aujourd’hui, de l’évolution des choses ?
Boni Gnahoré : Je suis un peu satisfait pour les efforts de paix qui se font dans mon pays et je ne suis pas le seul à l’être. Pour moi, il reste encore beaucoup d’efforts à faire de la part des hommes politiques. Le jour où ces derniers cesseront de ne penser qu’à eux seuls, dans l’utilisation des fonds publics; le jour où ils penseront au peuple, aux pauvres paysans dans les villages, ce jour- là, ce sera parfait pour la Culture et les autres domaines sociaux. Aujourd’hui, Il ne s’agit pas de faire plaisir qu’à leurs partisans. L’urgence est de créer des emplois pour la jeunesse dans son ensemble. Voyez, il n’y a plus de route dans notre pays, les villes Ivoiriennes sont très sales et les Ivoiriens font avec. Toutes les infrastructures qui faisaient la fierté de notre pays sont dans un état piteux. Voilà ce qui devait être la priorité des politiques, au lieu de se cantonner dans de perpétuels reports des élections qui occupent le temps, l’esprit mais, surtout, coûtent de l’argent au pays qui prend du retard.

LP : Depuis un bon moment, vous résidez en Europe. Est- ce un exil ?
BG : Exil ! (rires) Non, le grand écrivain Ahmadou Hampâté Ba disait : « Un jeune qui a fait cent villages est plus sage qu’un vieillard qui a fait cent ans dans le même village ». Et c’est cela la vraie vie d’un artistes créateur. Mais ceci dit, je viens souvent au pays pour côtoyer ma tradition pour laquelle j’ai un grand respect. Aussi et surtout voir mes enfants et mon épouse. Je rentre le 13 décembre prochain pour fêter avec eux. Donc quand on a toutes ces valeurs chez soit, on n’a pas le droit de s’exiler. Le pays compte sur nous tous que l’on soit loin ou près. Aussi, l’inspiration ne vient pas forcement du lieu où l’on vit. Elle peut venir de ce qu’on aime, de ce qu’on vit. Que je vive au Japon ou en Guinée, l’essentiel est d’être capable, en tant qu’artiste, de représenter mon pays et mon continent. Il y en a qui sont sur place mais qui ne trouvent plus d’inspiration !

LP : Vous étiez, avec d’autres artistes tels que Bomou Mamadou, Honakami Tapé…les figures emblématiques du Village Kiyi. Vous, pourquoi êtes vous parti de cette formation artistique ?
BG : Je suis quand même resté au Village Kiyi pendant vingt (20) ans ! Nous avons, avec Wêrê Wêrê Liking, sa sœur Nserel Njock, Bomou Mamadou, et moi-même, créé le Kiyi. Nous avons fait en sorte qu’il soit parmi les groupes renommés en Afrique. Moi, surtout, j’ai formé des jeunes à la musique pour la relève. En partant, j’ai juste laissé la place aux jeunes que nous avons formés afin qu’ils assurent la relève ! Et moi, je continue mon chemin de créateur, de formateur et homme des arts de la scène dans le monde pour ceux qui aiment les bonnes mélodies d’Afrique.

LP : D’aucuns parlent de brouilles entre Wêrê-Wêrê Liking et vous, ce qui aurait été à la base de votre départ. Qu’en est-il ?
BG : J’ai tellement reçu de cette femme-là que même les simples petites embrouilles ne remplaceraient pas le trésor que j’ai reçu d’elle. Je suis un artiste qui aime et ne vit que par son art alors avoir des brouilles avec les autres artistes et surtout celle là même qui m’a fait serait me fermer les portes artistiques. Il y a parfois des petites fâcheries entre nous mais cela ne doit pas primer sur les valeurs que nous représentons pour notre continent et notre pays. Et puis un enfant ne se fâche jamais avec sa mère.

LP : Dobé Gnahoré, votre fille, est aujourd’hui la première artiste ivoirienne à avoir "le Grammy Award". Qui du père et de la fille est la star ?
BG : La fille voulant faire comme son père, l’écoute, imite et travaille comme lui. Elle aime tellement le père qu’elle tend finalement à devenir comme le père (rires). Et le père très content du rayonnement de sa fille, dit seulement, Dieu soit loué. Il y a eu un grand travail sur son devenir. Il faut dire, tout de même que le suivi au quotidien du père a aussi beaucoup joué. Je profite pour dire merci à son époux, Colin la Roche de Féline qui est non seulement son conjoint mais aussi son guitariste- compositeur, sans oublier son producteur Michel Debock. On ne devient pas star sans amour et sans travail. En somme, le père vérifie très souvent les devoirs artistiques de sa fille pour qu’elle soit forte et compétitive.

LP : A quel tournant de votre carrière êtes-vous à ce jour ?
BG : Ma carrière n’a pas de tournant. Il n’y a pas de destination finale à ma marche. Je forme les jeunes. S’agissant de moi- même, je suis en pleine préparation de mon nouvel Album. Je suis souvent en tournée pour des spectacles, mais j’assure aussi la direction musicale des compagnies artistiques.

LP : Que devient votre groupe "le Chœur Attoungblan ?"
BG : Le Chœur Attounglan se porte très bien et vous entendrez bientôt de ses nouvelles. S’il y’a une opportunité, au pays, mon groupe et moi sommes prêts à assurer. Mais, ce qui est dommage c’est que notre pays n’a plus de bonnes volontés pour organiser de grands concerts. En clair, il faut des mécènes pour financer la musique.

LP : Que pensez-vous du manque d’infrastructures culturelles ?
BG : Dommage que des salles comme le Centre culturel français (CCF) qui programmaient facilement les artistes ne le fassent plus. Les mélomanes ont vu la plupart de nos créations grâce à ces salles. Programmer les artistes pour les valeurs qu’ils représentent et partager ces valeurs avec le public. C’était ça le combat du CCF. Alors que, lorsqu’on nomme quelqu’un à la tête d’une salle de spectacles chez nous, au lieu de mener une politique de diffusion des produits des arts de la scène, il pense d’abord à sa poche et cela tue énormément les artistes.
Réalisée par Jean- Antoine Doudou (via le Net)
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