Les humoristes ont en ce moment le vent en poupe en Côte d’Ivoire. Pour certains professionnels du secteur, cette transformation des acteurs de théâtre en humoristes risque, à la longue, de tuer le théâtre ivoirien.
Ils semblent avoir trouvé le filon. Il ne se passe presque plus de mois sans qu’un humoriste n’invite le public au Palais de la culture Bernard Dadié pour un spectacle humoristique. Adama Dahico, Zongo et Tao, Félicia et Mana Kampess, Ambassadeur Agalawal… entrent en concurrence avec les chanteurs pour l’occupation de la salle Anoumabo du Palais de la culture de Treichville. Plusieurs d’entre ces humoristes semblent avoir abandonné leur vocation 1ère, celle d’acteurs de théâtre pour se consacrer à l’humour qu’ils ont érigé en véritable profession. D’autres au contraire sont tombés dans l’humour par un concours de circonstances et s’efforcent de mener leur barque contre vents et marées dans les flots des arts du spectacle. Une attitude qui irrite nombre de professionnels du secteur qui assimilent cette irruption sur le devant de la scène à une démission. Pour Ignace Alomo, acteur de théâtre, metteur en scène et ex-directeur du Festival du mono-théâtre d’Aboisso, «ce que les jeunes gens font aujourd’hui est une sale prostitution. Prostitution car n’ayant bénéficié d’aucune formation au niveau du théâtre, ensuite, comme ils courent derrière l’argent facile, ils pensent que l’humour est un créneau pour se faire rapidement des sous», s’insurge-t-il. Avant d’affirmer que ce que font ces «conteurs de blagues de salon» n’a rien à voir ni avec le vrai humour ni avec le théâtre. L’homme de planches est rejoint dans cette vision par un autre grand nom du théâtre, Sidiki Bakaba.
Leurs spectacles tiennent plus……
Pour lui, «ces humoristes font des sketches. Ils ne racontent pas une histoire avec une trame. C’est plus des gags puisque le plus souvent, ça s’arrête à des histoires de ménage où on raconte des histoires pour faire rire sans plus, sans que ce rire procure au spectateur un moment de réflexion». Pour lui, les humoristes sont à classer en deux catégories, ceux qui font des efforts pour présenter des œuvres de qualité et ceux qui se surfent sur leur popularité pour se croire grands artistes. Sidiki Bakaba pense qu’il est possible que cette situation conduise à la mort du théâtre étant entendu que le public s’y intéresse peut-être un peu trop, au détriment des planches. Il explique cet état de fait par un certain nombre de facteurs dont le plus important, à ses yeux, relève plus d’une volonté politique. «Ces jeunes qui sont venus sur le tas devenaient pour la presse et pour le public, des stars au même titre que ceux qui ont appris leur métier. De ce fait, on ne faisait plus la part entre un acteur qui venait du système amateur et un autre qui a mis 10 ans pour apprendre son art. Finalement, l’autre se demande s’il est important d’apprendre son métier étant entendu qu’il est déjà connu. Cet amalgame a aussi joué contre le théâtre», explique l’acteur. A ceux qui croient que le public fuit le théâtre de réflexion pour se ruer sur les spectacles humoristiques, Sidiki Bakaba répond : «c’est ce qu’on donne à un peuple qu’il consomme» pour parler de l’effet de la télévision. «Elle est très puissante. Ce sont ces gens qui font rire que l’on voit tous les jours à la télévision, de sorte que le public ne connaît que cette forme de spectacle», continue-t-il. Rejoignant Ignace Alomo, il affirme que ce que ces jeunes font, «n’est pas du théâtre, c’est un fourre-tout. Ils essaient de faire du théâtre et de l’humour alors qu’ils ne maîtrisent pas les règles et les méthodes ni de l’un ni de l’autre de ces arts. «Ce n’est pas du théâtre alors que c’est dérivé du théâtre. Ils ne font pas rire, on rit d’eux, de leur côté pittoresque, des vêtements dont ils s’affublent, mais on ne rit pas avec eux, la nuance est très importante», indique le directeur du Palais de la culture. Pour qui le théâtre court vers une mort certaine si des actions d’envergure ne sont pas menées pour une éducation des populations. «Si le public est éduqué, il deviendra exigeant et n’écoutera plus que des humoristes ayant une certaine valeur.
…des gags que du théâtre
Ce qui va obliger les humoristes eux-mêmes à restructurer leur profession. Sinon, il va arriver un moment où le théâtre peut complètement mourir alors que l’humour est son fils. Il faut que les gens aient l’humilité d’apprendre leur métier», affirme-t-il. Les humoristes de leur côté pensent autre chose. «La forme de théâtre qui se faisait à l’époque n’est plus prisée. Avec la crise, les Ivoiriens ont eu besoin de se détendre sans trop réfléchir», explique pour sa part Ambassadeur Agalawal. Il est soutenu dans cette réflexion par un promoteur de spectacles humoristiques qui pense, lui, que l’humour vise tout le monde et peut être compris par tous. Il explique le nombre croissant des spectacles d’humour par le fait qu’ «il y a de la matière en Côte d’Ivoire». Avant de noter, le sourire en coin, les avantages financiers non négligeables générés par l’organisation de ce genre de spectacles. Se refusant à entrer dans une définition universitaire ou académique de cet art, il affirme que leurs objectifs, en organisant ces spectacles, est de faire rire. Sans plus. «Ce n’est pas à nous de définir si c’est du théâtre ou pas. Nous faisons notre travail», tranche-t-il. Avant de se demander en quoi l’humour peut tuer le théâtre. «Ce qui est déplorable, déplore le maître du mono-théâtre Ignace Alomo, c’est que ce sont les mêmes blagues que racontent les humoriste. Rien d’artistique n’existe dans ce qu’ils font». Pour autant, l’homme des planches ne rejette pas du revers de la main tout ce qui se fait par les humoristes. Il recommande la perspicacité et l’effort dans le travail et cite, à cet effet, l’exemple d’Adama Dahico. «C’est quelqu’un qui travaille. Il se reproche toujours des choses pour pouvoir évoluer. Une attitude qui le place au-dessus des autres», reconnaît-il. Le président du «Dôrômikan», Adama Dahico, cité en exemple, ne conçoit pas, pour sa part, un seul instant, que l’humour puisse mettre le théâtre à mal. «Certains pensent qu’il suffit de raconter quelques histoires drôles à des copains pour s’improviser humoriste. C’est faut ! Il y a un véritable travail de recherche à faire», affirme-t-il. Avant d’informer qu’il est plus difficile de raconter des histoires hilarantes que de jouer dans une pièce de théâtre. «On peut jouer une pièce toute l’année. Alors que l’humoriste se doit d’innover chaque fois qu’il est appelé à intervenir devant un public», fait-il remarquer. «Il ne suffit pas de se contenter des cachets», conseille-t-il aux jeunes.
M’Bah Aboubakar
Ils semblent avoir trouvé le filon. Il ne se passe presque plus de mois sans qu’un humoriste n’invite le public au Palais de la culture Bernard Dadié pour un spectacle humoristique. Adama Dahico, Zongo et Tao, Félicia et Mana Kampess, Ambassadeur Agalawal… entrent en concurrence avec les chanteurs pour l’occupation de la salle Anoumabo du Palais de la culture de Treichville. Plusieurs d’entre ces humoristes semblent avoir abandonné leur vocation 1ère, celle d’acteurs de théâtre pour se consacrer à l’humour qu’ils ont érigé en véritable profession. D’autres au contraire sont tombés dans l’humour par un concours de circonstances et s’efforcent de mener leur barque contre vents et marées dans les flots des arts du spectacle. Une attitude qui irrite nombre de professionnels du secteur qui assimilent cette irruption sur le devant de la scène à une démission. Pour Ignace Alomo, acteur de théâtre, metteur en scène et ex-directeur du Festival du mono-théâtre d’Aboisso, «ce que les jeunes gens font aujourd’hui est une sale prostitution. Prostitution car n’ayant bénéficié d’aucune formation au niveau du théâtre, ensuite, comme ils courent derrière l’argent facile, ils pensent que l’humour est un créneau pour se faire rapidement des sous», s’insurge-t-il. Avant d’affirmer que ce que font ces «conteurs de blagues de salon» n’a rien à voir ni avec le vrai humour ni avec le théâtre. L’homme de planches est rejoint dans cette vision par un autre grand nom du théâtre, Sidiki Bakaba.
Leurs spectacles tiennent plus……
Pour lui, «ces humoristes font des sketches. Ils ne racontent pas une histoire avec une trame. C’est plus des gags puisque le plus souvent, ça s’arrête à des histoires de ménage où on raconte des histoires pour faire rire sans plus, sans que ce rire procure au spectateur un moment de réflexion». Pour lui, les humoristes sont à classer en deux catégories, ceux qui font des efforts pour présenter des œuvres de qualité et ceux qui se surfent sur leur popularité pour se croire grands artistes. Sidiki Bakaba pense qu’il est possible que cette situation conduise à la mort du théâtre étant entendu que le public s’y intéresse peut-être un peu trop, au détriment des planches. Il explique cet état de fait par un certain nombre de facteurs dont le plus important, à ses yeux, relève plus d’une volonté politique. «Ces jeunes qui sont venus sur le tas devenaient pour la presse et pour le public, des stars au même titre que ceux qui ont appris leur métier. De ce fait, on ne faisait plus la part entre un acteur qui venait du système amateur et un autre qui a mis 10 ans pour apprendre son art. Finalement, l’autre se demande s’il est important d’apprendre son métier étant entendu qu’il est déjà connu. Cet amalgame a aussi joué contre le théâtre», explique l’acteur. A ceux qui croient que le public fuit le théâtre de réflexion pour se ruer sur les spectacles humoristiques, Sidiki Bakaba répond : «c’est ce qu’on donne à un peuple qu’il consomme» pour parler de l’effet de la télévision. «Elle est très puissante. Ce sont ces gens qui font rire que l’on voit tous les jours à la télévision, de sorte que le public ne connaît que cette forme de spectacle», continue-t-il. Rejoignant Ignace Alomo, il affirme que ce que ces jeunes font, «n’est pas du théâtre, c’est un fourre-tout. Ils essaient de faire du théâtre et de l’humour alors qu’ils ne maîtrisent pas les règles et les méthodes ni de l’un ni de l’autre de ces arts. «Ce n’est pas du théâtre alors que c’est dérivé du théâtre. Ils ne font pas rire, on rit d’eux, de leur côté pittoresque, des vêtements dont ils s’affublent, mais on ne rit pas avec eux, la nuance est très importante», indique le directeur du Palais de la culture. Pour qui le théâtre court vers une mort certaine si des actions d’envergure ne sont pas menées pour une éducation des populations. «Si le public est éduqué, il deviendra exigeant et n’écoutera plus que des humoristes ayant une certaine valeur.
…des gags que du théâtre
Ce qui va obliger les humoristes eux-mêmes à restructurer leur profession. Sinon, il va arriver un moment où le théâtre peut complètement mourir alors que l’humour est son fils. Il faut que les gens aient l’humilité d’apprendre leur métier», affirme-t-il. Les humoristes de leur côté pensent autre chose. «La forme de théâtre qui se faisait à l’époque n’est plus prisée. Avec la crise, les Ivoiriens ont eu besoin de se détendre sans trop réfléchir», explique pour sa part Ambassadeur Agalawal. Il est soutenu dans cette réflexion par un promoteur de spectacles humoristiques qui pense, lui, que l’humour vise tout le monde et peut être compris par tous. Il explique le nombre croissant des spectacles d’humour par le fait qu’ «il y a de la matière en Côte d’Ivoire». Avant de noter, le sourire en coin, les avantages financiers non négligeables générés par l’organisation de ce genre de spectacles. Se refusant à entrer dans une définition universitaire ou académique de cet art, il affirme que leurs objectifs, en organisant ces spectacles, est de faire rire. Sans plus. «Ce n’est pas à nous de définir si c’est du théâtre ou pas. Nous faisons notre travail», tranche-t-il. Avant de se demander en quoi l’humour peut tuer le théâtre. «Ce qui est déplorable, déplore le maître du mono-théâtre Ignace Alomo, c’est que ce sont les mêmes blagues que racontent les humoriste. Rien d’artistique n’existe dans ce qu’ils font». Pour autant, l’homme des planches ne rejette pas du revers de la main tout ce qui se fait par les humoristes. Il recommande la perspicacité et l’effort dans le travail et cite, à cet effet, l’exemple d’Adama Dahico. «C’est quelqu’un qui travaille. Il se reproche toujours des choses pour pouvoir évoluer. Une attitude qui le place au-dessus des autres», reconnaît-il. Le président du «Dôrômikan», Adama Dahico, cité en exemple, ne conçoit pas, pour sa part, un seul instant, que l’humour puisse mettre le théâtre à mal. «Certains pensent qu’il suffit de raconter quelques histoires drôles à des copains pour s’improviser humoriste. C’est faut ! Il y a un véritable travail de recherche à faire», affirme-t-il. Avant d’informer qu’il est plus difficile de raconter des histoires hilarantes que de jouer dans une pièce de théâtre. «On peut jouer une pièce toute l’année. Alors que l’humoriste se doit d’innover chaque fois qu’il est appelé à intervenir devant un public», fait-il remarquer. «Il ne suffit pas de se contenter des cachets», conseille-t-il aux jeunes.
M’Bah Aboubakar