L’exportation de certains produits alimentaires ‘’made in Africa’’ vers l’Europe relève du parcours du combattant. Les commerçants, souvent grugés par des transitaires véreux, sont aussi soupçonnés par la douane de dissimuler de la drogue dans ces aliments.
Comment ces denrées atterrissent en Europe
Dame Bamba Safiatou ne sait plus où donner de la tête. Elle mène une course effrénée contre la montre depuis que sa fille qui travaille en France l’a informé de l’arrivée imminente d’un de ses amis au pays. Ce dernier n’arrive à Abidjan que dans deux jours mais dame Bamba sait que le temps lui est compté. Entre sécher et piler les feuilles de patate, transformer en poudre le gombo sec, le piment et ensacher l’attiéké, la tâche s’annonce des plus compliquées. Mais, cette inquiétude ne semble pas être partagée par sa fille Sali. «Maman s’inquiète un peu trop. Voilà maintenant quatre années que nous vendons ces genres d’aliments en France et les commandes de ma sœur sont arrivées toujours à la dernière minute. Nous réussissons chaque fois à nous en sortir», rassure-t-elle. Quatre ans, que cette mère et sa fille expédient des denrées alimentaires en France et depuis les commandes ne cessent de pleuvoir de toute l’Europe.
Beaucoup d’efforts…
«Cela marche très bien. Lorsque les produits arrivent chez ma sœur, elle informe ses clients et procède à la vente. Nous vendons par exemple un sachet d’attiéké de 100 Fcfa à Abidjan à 1500 voir 2000 Fcfa en France. Mais la procédure d’expédition est de plus en plus compliquée. A chaque voyage, nous constatons qu’il y a un nouveau document à remplir. Certaines destinations comme Londres en Angleterre sont devenues quasiment impossibles à alimenter aujourd’hui. En Italie et en France, les choses sont moins compliquées parce que nos frères se sont organisés pour faciliter l’exportation des produits. On trouve toujours quelqu’un pour les convoyer. Des fois, nous n’arrivons pas à effectuer le déplacement avec les marchandises. Dans ce cas, on mandate certains transitaires pour piloter toute l’opération de l’aéroport d’Abidjan jusqu’à destination en Europe. Mais cela est beaucoup risqué car il s’agit de beaucoup d’argent. Ce dernier peut utiliser votre argent à d’autres fins que pour le règlement des frais de fret », soutient Sali. Cet avis est partagé par Coulibaly Massandjé. Cette commerçante au grand marché de Marcory connaît tous les circuits de ce commerce. «Mon frère en Italie m’avait demandé de lui faire parvenir une fois par trimestre des produits alimentaires qu’il devait ensuite vendre là-bas. Il s’agissait notamment des boîtes de sauce graine appelé ‘‘troffai’’, des crabes et escargots fumés, du ‘‘soumara’’ (poudre de graine de baobab, ndlr) et de l’attiéké. Au début, tout à bien marché. Pour moins de 100.000 Fcfa de dépense y compris les autres frais de dédouanement, nous avons réalisé près d’un million de Fcfa de bénéfice. Mon frère était tellement content qu’il multipliait les commandes. Et les frais d’expédition étaient de plus en plus élevés. Une fois, nous devrions faire partir des marchandises pour 3 millions de Fcfa en tout. Le transitaire qui était chargé de faire passer la marchandise à la douane de l’aéroport n’a plus donné signe de vie après avoir récupéré l’argent que mon frère m’avait envoyé pour pouvoir expédier les marchandises. Les produits sont restés bloqués dans les hangars de l’aéroport pendant des semaines et lorsqu’on a enfin pu régler la douane, il ne restait plus rien. Tout était périmé. Et la douane a refusé de reprendre les autres aliments prétextant qu’ils n’ont pas été bien conservés», se plaint-elle. Après cette mésaventure, Coulibaly Massandjé a tourné le dos à ce commerce.
…Pour moins de profits
Konan Madeleine ne prend pas de risque. Cette jeune fille, la trentaine environ, contrairement aux deux autres, refuse de s’embarquer dans une quelconque activité commerciale de ces produits. Car, dit-elle, il n’est pas évident pour une seule personne de convoyer ces produits alimentaires aux Etats-Unis en grande quantité. «Chaque année, je me rends chez mes frères à New York pour un mois. Je profite de ce déplacement pour leur envoyer des poudres de piment et de gombo, de l’attiéké, des escargots et des crabes fumés. Ce n’est pas toujours évident car la réglementation au niveau des Etats-Unis est très complexe. Ils sont très regardants sur tout ce qu’on envoie dans leur pays», affirme-t-elle. Dans ce business, la Société ivoirienne de manutention et de transit (Simat) installée à l’aéroport Félix Houphouët Boigny, joue un rôle de certification. Koffi Madeleine, agent de fret, indique la voie à suivre pour chaque voyageur emportant dans ses bagages ces genres de marchandises. «Nos clients doivent remplir toutes les formalités au service phytosanitaire et au service vétérinaire pour ne pas que la douane bloque leurs marchandises. Un certificat phytosanitaire est délivré pour les poudres de piments, de gombo, l’attiéké et le foutou. Le certificat délivré par le service vétérinaire, EUR 1, concerne les crevettes. Les douanes européennes exigent aussi des certificats d’origine pour prouver la provenance de ces denrées alimentaires. Pour les aliments à destination de la sous-région, le certificat vétérinaire n’est pas nécessaire. Le certificat phytosanitaire est le seul document exigé au client. Le non respect de cette démarche peut entrainer la saisie des marchandises par les services de la douane. La plus grande crainte des derniers est la dissimulation de drogue ou tout autre produit interdit dans l’attiéké. C’est pourquoi cette marchandise est doublement contrôlée avec tous les moyens techniques modernes de surveillance», affirme notre source. Un douanier qui a préféré garder l’anonymat parle de véritable combat mené au quotidien pour éviter que ces produits de consommation à destination de l’Europe ou de la sous-région ne servent de canaux pour faire entrer de la drogue dans ces pays. «Il était facile avant pour ces commerçants de faire partir en Europe ces denrées alimentaires. Mais à cause du contexte sécuritaire mondial, tous ces produits sont maintenant suspectés. Ce que ces personnes craignent le plus, c’est la somme qu’ils doivent débourser à chaque surplus de poids. C’est pourquoi de plus en plus, ces denrées alimentaires sont expédiées en petit nombre vers l’Europe», a-t-il-affirmé.
Fofana Ali
(Stagiaire)
Comment ces denrées atterrissent en Europe
Dame Bamba Safiatou ne sait plus où donner de la tête. Elle mène une course effrénée contre la montre depuis que sa fille qui travaille en France l’a informé de l’arrivée imminente d’un de ses amis au pays. Ce dernier n’arrive à Abidjan que dans deux jours mais dame Bamba sait que le temps lui est compté. Entre sécher et piler les feuilles de patate, transformer en poudre le gombo sec, le piment et ensacher l’attiéké, la tâche s’annonce des plus compliquées. Mais, cette inquiétude ne semble pas être partagée par sa fille Sali. «Maman s’inquiète un peu trop. Voilà maintenant quatre années que nous vendons ces genres d’aliments en France et les commandes de ma sœur sont arrivées toujours à la dernière minute. Nous réussissons chaque fois à nous en sortir», rassure-t-elle. Quatre ans, que cette mère et sa fille expédient des denrées alimentaires en France et depuis les commandes ne cessent de pleuvoir de toute l’Europe.
Beaucoup d’efforts…
«Cela marche très bien. Lorsque les produits arrivent chez ma sœur, elle informe ses clients et procède à la vente. Nous vendons par exemple un sachet d’attiéké de 100 Fcfa à Abidjan à 1500 voir 2000 Fcfa en France. Mais la procédure d’expédition est de plus en plus compliquée. A chaque voyage, nous constatons qu’il y a un nouveau document à remplir. Certaines destinations comme Londres en Angleterre sont devenues quasiment impossibles à alimenter aujourd’hui. En Italie et en France, les choses sont moins compliquées parce que nos frères se sont organisés pour faciliter l’exportation des produits. On trouve toujours quelqu’un pour les convoyer. Des fois, nous n’arrivons pas à effectuer le déplacement avec les marchandises. Dans ce cas, on mandate certains transitaires pour piloter toute l’opération de l’aéroport d’Abidjan jusqu’à destination en Europe. Mais cela est beaucoup risqué car il s’agit de beaucoup d’argent. Ce dernier peut utiliser votre argent à d’autres fins que pour le règlement des frais de fret », soutient Sali. Cet avis est partagé par Coulibaly Massandjé. Cette commerçante au grand marché de Marcory connaît tous les circuits de ce commerce. «Mon frère en Italie m’avait demandé de lui faire parvenir une fois par trimestre des produits alimentaires qu’il devait ensuite vendre là-bas. Il s’agissait notamment des boîtes de sauce graine appelé ‘‘troffai’’, des crabes et escargots fumés, du ‘‘soumara’’ (poudre de graine de baobab, ndlr) et de l’attiéké. Au début, tout à bien marché. Pour moins de 100.000 Fcfa de dépense y compris les autres frais de dédouanement, nous avons réalisé près d’un million de Fcfa de bénéfice. Mon frère était tellement content qu’il multipliait les commandes. Et les frais d’expédition étaient de plus en plus élevés. Une fois, nous devrions faire partir des marchandises pour 3 millions de Fcfa en tout. Le transitaire qui était chargé de faire passer la marchandise à la douane de l’aéroport n’a plus donné signe de vie après avoir récupéré l’argent que mon frère m’avait envoyé pour pouvoir expédier les marchandises. Les produits sont restés bloqués dans les hangars de l’aéroport pendant des semaines et lorsqu’on a enfin pu régler la douane, il ne restait plus rien. Tout était périmé. Et la douane a refusé de reprendre les autres aliments prétextant qu’ils n’ont pas été bien conservés», se plaint-elle. Après cette mésaventure, Coulibaly Massandjé a tourné le dos à ce commerce.
…Pour moins de profits
Konan Madeleine ne prend pas de risque. Cette jeune fille, la trentaine environ, contrairement aux deux autres, refuse de s’embarquer dans une quelconque activité commerciale de ces produits. Car, dit-elle, il n’est pas évident pour une seule personne de convoyer ces produits alimentaires aux Etats-Unis en grande quantité. «Chaque année, je me rends chez mes frères à New York pour un mois. Je profite de ce déplacement pour leur envoyer des poudres de piment et de gombo, de l’attiéké, des escargots et des crabes fumés. Ce n’est pas toujours évident car la réglementation au niveau des Etats-Unis est très complexe. Ils sont très regardants sur tout ce qu’on envoie dans leur pays», affirme-t-elle. Dans ce business, la Société ivoirienne de manutention et de transit (Simat) installée à l’aéroport Félix Houphouët Boigny, joue un rôle de certification. Koffi Madeleine, agent de fret, indique la voie à suivre pour chaque voyageur emportant dans ses bagages ces genres de marchandises. «Nos clients doivent remplir toutes les formalités au service phytosanitaire et au service vétérinaire pour ne pas que la douane bloque leurs marchandises. Un certificat phytosanitaire est délivré pour les poudres de piments, de gombo, l’attiéké et le foutou. Le certificat délivré par le service vétérinaire, EUR 1, concerne les crevettes. Les douanes européennes exigent aussi des certificats d’origine pour prouver la provenance de ces denrées alimentaires. Pour les aliments à destination de la sous-région, le certificat vétérinaire n’est pas nécessaire. Le certificat phytosanitaire est le seul document exigé au client. Le non respect de cette démarche peut entrainer la saisie des marchandises par les services de la douane. La plus grande crainte des derniers est la dissimulation de drogue ou tout autre produit interdit dans l’attiéké. C’est pourquoi cette marchandise est doublement contrôlée avec tous les moyens techniques modernes de surveillance», affirme notre source. Un douanier qui a préféré garder l’anonymat parle de véritable combat mené au quotidien pour éviter que ces produits de consommation à destination de l’Europe ou de la sous-région ne servent de canaux pour faire entrer de la drogue dans ces pays. «Il était facile avant pour ces commerçants de faire partir en Europe ces denrées alimentaires. Mais à cause du contexte sécuritaire mondial, tous ces produits sont maintenant suspectés. Ce que ces personnes craignent le plus, c’est la somme qu’ils doivent débourser à chaque surplus de poids. C’est pourquoi de plus en plus, ces denrées alimentaires sont expédiées en petit nombre vers l’Europe», a-t-il-affirmé.
Fofana Ali
(Stagiaire)