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Art et Culture Publié le mardi 5 octobre 2010 | Le Mandat

Interview/ Assirifix Armand, artiste ivoirien - “Voici les raisons de mon retour au bercail”

Après un séjour de 12 ans au pays de l’Oncle Sam, Assirifix Armand, acteur de théâtre et chanteur ivoirien revient au pays. Dans cette interview qu’il a accordée à votre quotidien préféré, il parle de son retour, de la sortie prochaine de ses deux albums et de la situation socio-politique du pays.
Quelles étaient vos ambitions en allant aux Etats-Unis?
Quand je partais aux Etats-Unis en 1998, je n’avais pas d’ambition particulière. Je partais pour rendre visite à ma copine qui est devenue plus tard ma femme. J’ai constaté par la suite que j’avais des opportunités à faire des études puisque quand je partais là-bas, je n’avais aucun diplôme. Je m’étais dit qu’il fallait que j’étudie parce qu’avec l’art, on ne sait jamais. Il faut avoir une autre corde à son arc pour éviter des surprises désagréables. C’est comme cela que je me suis inscrit en communication à l’Université. Ce qui m’a valu d’être aujourd’hui producteur de télévision et de radio, avec pour spécialité, la publicité. Mais j’ai appris également à gérer l’image des gens tels que les artistes, les hommes politiques. En plus du théâtre que j’ai appris, je maîtrise le domaine de la communication en général.

Pourquoi avez-vous arrêté de faire du théâtre ?
Je n’ai pas arrêté le théâtre mais entre le théâtre et moi, il y a eu une séparation forcée parce que quand je suis allé aux Etats-Unis, ce sont les études qui ont primé. Ce n’est pas l’opportunité qui m’a manqué là-bas mais le temps, parce qu’il fallait gérer les études, le travail et la famille. Et dans ce pays, la rigueur est de mise au niveau de la gestion du temps.

Mais on ne vous voyait plus faire du théâtre avant votre départ aux USA.
C’est parce que la situation au niveau du théâtre en Côte d’Ivoire était moribonde. En plus, le théâtre scolaire était pratiquement en déclin et je n’étais plus à l’école. Les infrastructures également tombaient en déliquescence. Voilà les raisons qui m’ont éloigné du théâtre.

Comment expliquez-vous ce déclin du théâtre ?
Je pense plutôt que cela est dû à un laisser-aller des Ivoiriens en général. Puisqu’en général, en Afrique, on a tendance à prendre la culture comme quelque chose de péjoratif, un amusement. Alors que la culture est l’âme d’un pays. Par exemple le sport, c’est une discipline qui fait qu’un pays est connu à travers ses joueurs. Si on connaît aujourd’hui la Côte d’Ivoire dans le monde, c’est grâce à Didier Drogba et les autres. Je me rappelle qu’on ne connaissait pas bien le Cameroun en 1982 mais quand ce pays a été qualifié pour la Coupe du monde et qu’il a battu l’Argentine, on a commencé à le connaître dans le monde entier grâce au sport et tout cela a des retombées positives sur le pays que les gens n’estiment pas. C’est dire que la culture et le sport sont des supports économiques très importants qu’il ne faut pas négliger parce qu’ils engendrent également le tourisme.

Que préconisez-vous alors ?
Il est temps maintenant qu’on prenne les choses au sérieux et que le gouvernement commence à changer nos mentalités. Voilà un exemple tout banal. Presque tous les joueurs de l’équipe de football en Côte d’Ivoire sont multimilliardaires en franc Cfa. Pourquoi pas dans la boxe, dans l’athlétisme, le cinéma? Il faut qu’on commence donc à prendre la culture et le sport en général au sérieux. Il est temps que le gouvernement envoie les jeunes sur des voies qui leur permettront de se développer. Ce n’est pas seulement dans les bureaux qu’on peut trouver du travail. L’argent se trouve dans la rue, à travers les petits métiers et c’est comme cela que nos frères Libanais se font plein les sous. Il faut que les jeunes commencent à se prendre en charge. C’est en cela qui créeront en eux, un talent qui n’est pas quelque chose qu’on donne mais des efforts personnels. Il est donc temps que les jeunes fassent des efforts personnels pour devenir des décideurs demain. Il faut aller à l’école pour avoir une base, c’est sûr. Mais le talent que Dieu leur a donné, il faut qu’ils l’utilisent au lieu de perdre leur temps à boire dans les bars ou à mendier à tout bout de champ.

Pouvez-vous citer les titres de quelques pièces dans lesquelles vous avez joué ?
J’ai commencé par ‘’Le cœur de Samory’’ quand j’étais encore à l’école. Après, c’était ‘’Ramses II, le nègre’’, ‘’L’argent et le bossu’’, toujours du même auteur, Thiam Abdoul Karim, mon mentor qui m’a tout appris. S’en est suivi ‘’Mon mari est enceinte’’, avec Alexis Don Zigré, ‘’Antigone’’ avec la Compagnie Nationale de théâtre.

Qu’est-ce qui n’a pas marché au pays de l’oncle Sam pour que vous reveniez vous installer définitivement en Côte d’Ivoire?
Ce n’est pas que quelque chose n’a pas marché. Il faut que les Africains en général et les Ivoiriens en particulier reconnaissent l’importance de l’Afrique, de leur pays. Le continent africain est tellement riche mais on remarque paradoxalement que la population est pauvre. Il faut qu’on arrête de brader nos richesses à d’autres personnes qui viennent par exemple nous mettre en conflit. J’ai remarqué qu’aux Etats-Unis, ils ont déjà tout et ils n’ont pas besoin de nous. Je me suis donc dit que j’y suis allé, j’y ai fait des études, mais quand je cherche du boulot ou je cherche quelque chose de sérieux, ils me disent qu’ils favorisent les Américains par rapport aux étrangers. Pourquoi donc me casser la tête quelque part où ils n’ont pas besoin de moi ? Si c’est dans le domaine de la culture, ils ont beaucoup de talent là-bas. Ils sont même les premiers dans le monde. Puisque j’ai fait la communication, je me suis dit, au lieu de vouloir forcer à me trouver un boulot là-bas alors que c’est une chose perdue d’avance, il faut que je retourne chez moi pour mettre cela à la disposition de mon pays. Voilà pourquoi je suis revenu chez moi, là où je ne serai pas rejeté comme aux Etats-Unis à cause de ma nationalité.

Maintenant que vous êtes revenu, que constitue votre actualité ?
Je suis en train de travailler sur deux albums qui vont bientôt sortir par la grâce de Dieu. Je voulais faire sortir un album avant mais j’ai différé parce que j’ai une dualité en moi. Je n’aime pas qu’on me stigmatise dans un seul genre de musique ou dans un seul genre de théâtre puisque je peux jouer la comédie comme la dramaturgie. Dans la musique, je peux faire également la même chose qu’on appelle la musique populaire et celle que je ressens qui n’est pas forcement une musique populaire.

Quel est ce genre de musique que vous ressentez à l’intérieur de vous ?
C’est une surprise que je réserve aux Ivoiriens. C’est pourquoi je ne veux pas trop m’étaler là-dessus. Mais, je veux apporter quelque chose de nouveau en essayant de faire sortir par exemple deux albums en même temps mais qui sont différents.

Combien de titres comportent ces deux albums ?
L’un comporte sept titres et l’autre dix.

On peut connaître leurs titres?
Le premier qui est de la variété est intitulé ‘’Chokola love’’ mais vous aurez le titre du second lors de sa présentation à la presse. Ce jour-là, je chanterai en live parce que je suis contre le play-back et là, vous aurez toutes les informations concernant cet album.

Après un long moment d’absence, pensez-vous pouvoir reconquérir le cœur des mélomanes ?
(Rire) Je passerai par les canaux qu’on a ici pour me faire connaître des personnes qui ne me connaissent pas, à travers une bonne promotion. Je dois reconquérir, par la même occasion, le cœur de ceux qui m’ont connu à l’époque. Déjà, depuis l’aéroport jusque dans les rues, je suis surpris de voir des gens me saluer. Cela m’a fait chaud au cœur et je peux dire que c’est une grâce de Dieu parce que je ne ferai pas trop de tapage publicitaire pour reconquérir le public. C’est dire que beaucoup de gens me reconnaissent et attendent impatiemment mon nouvel album.

A quoi doit-on s’attendre pour ce grand retour ?
Les Ivoiriens doivent s’attendre à une grande surprise, à un grand changement au niveau de ma musique et à un artiste qui a envie de faire plaisir à son public.

A une édition de Variétoscope, un de vos morceaux a été choisi. Avez-vous payé une somme pour que le choix de la Rti soit porté sur vous ?
Je me rappelle bien, c’était en 1994, date de la sortie de mon premier album sur lequel se trouvait le titre choisi. J’étais allé à la Rti en son temps, pour distribuer aux animateurs des exemplaires de ce nouvel opus. J’en ai déposé alors au bureau du NG10 et les animateurs ont apprécié. C’est comme cela que leur choix s’est porté sur ce morceau qui a capté leur attention.

Il y a des langues qui disent que les artistes paieraient cher pour que leur chanson soit retenue.
Je ne suis pas dans le secret de bon Dieux, donc je ne peux pas savoir ce qui se passe là-bas mais une chose est sûre, j’ai un pincement au cœur quand je regarde la façon dont les choses se font. J’ai l’impression qu’on privilégie beaucoup plus l’argent au dépens du talent. Et ça, c’est à tous les niveaux. Je pense qu’il faut qu’on se ressaisisse et qu’on commence à comprendre que la jeunesse actuelle est en train de dévier par rapport à ce qu’elle écoute dans les maquis. Et c’est une génération foutue pour demain. Il faudrait maintenant choisir des artistes qui ont des textes sensés et qui amènent les jeunes à réfléchir, à se démarquer de la dépravation etc. On peut se divertir mais il faut qu’il y ait un équilibre.

Quel bilan vous pouvez faire de la musique ivoirienne de 1960 à aujourd’hui ?
La musique ivoirienne a évolué comme partout d’ailleurs dans le monde. Elle est comme la mode, elle évolue avec le temps. On a commencé avec la ‘’Salsa’’ et le ‘’Cubain’’ qui ont influencé nos parents à l’époque. Ensuite, il y a eu la pop musique, le rock & roll et au fur et à mesure, il y a eu l’éclosion des artistes tels Ernesto Djédjé, Lougah François et les autres. Celui qui m’a le plus impressionné, c’était Ernesto Djédjé. C’était un génie de la musique qui a fait un mélange de la musique de son terroir et celle qu’il a apprise en Occident pour former un rythme qu’il a nommé le ‘’Ziglibity’’ qui est quelque chose d’exceptionnel. Depuis sa mort, il n’y a personne pour le mettre en valeur.

Que pensez-vous des nouveaux concepts musicaux ?
Pour moi, l’évolution de notre musique est excellente. Par exemple, le ‘’coupé-décalé’’ a un rythme très dansant mais les textes ne sont pas bien élaborés. J’appelle cela la techno des Africains, une musique qui permet aux jeunes de se défouler les week-ends. Le ‘’zouglou’’ par contre est une musique basée sur des textes qui ouvrent les esprits, qui fait réfléchir aux problèmes de la société. Et c’est ce qui fait la différence entre ces deux concepts musicaux.

Votre mot de fin ?
Que la population ivoirienne arrête de se chamailler. Aux candidats à l’élection présidentielle, je demande de battre leur campagne comme ils peuvent, avec des messages poignants et convaincants pour les jeunes afin qu’ils soient votés. Mais le plus important, il ne faudrait pas qu’ils oublient que c’est la Côte d’Ivoire qui est et qui demeurera et quand les hommes passeront. Il faudra donc tout faire pour que le nom de chacun reste mais dans un bon sens. Le premier qui va essayer d’attaquer pour s’imposer en dehors des urnes sera qualifié d’allié du diable parce que Dieu n’aime pas qu’on verse le sang de ses enfants.
Réalisée par
Adèle Kouadio
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