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Afrique Publié le mercredi 13 octobre 2010 | L’Inter

Développement urbain - Abuja, le contraste du beau et du mal vivre

Abuja, capitale fédérale de la République du Nigeria. Cette ville fraichement sortie de terre et érigée en haut lieu politique, frappe par sa coquetterie. Situé au cœur même du Nigéria, Abuja n’est pas directement accessible au voyageur qui s’y rend par avion. Le vol s’arrête à plus d’une trentaine de kilomètres de la ville, à parcourir par la route. Une route aux larges chaussées bien entretenues, toujours en construction pour offrir certainement plus de fluidité aux usagers et d’aisance aux voyageurs qui seraient pressés d’atteindre le centre-ville. La première chose qui saute aux yeux du nouvel arrivant à Abuja, c’est la propreté de la ville, mais surtout la verdure savamment entretenue en plein dans la savane. Sur la trentaine de kilomètres qui séparent l’aéroport baptisé ‘’Nnandi Azikwé’’ (du nom de l’un des pères du panafricanisme et de la lutte contre le système colonial) des premières maisons de la capitale nigériane, l’on ne fait aucun mètre où il n’est planté de fleur et d’arbuste bien taillés aux abords de l’artère principale bornées par des trottoirs tapissés de gazons donnant l’envie de prendre un bain de ce soleil pourtant chaud dans cette partie quasi-aride du géant de l’Afrique de l’Ouest. De partout dans la ville d’Abuja, la beauté est au rendez-vous. Aux abords de toutes les voies, verdures et fleuries se disputent la beauté du regard. Point besoin de souligner l’état des routes dégageant encore la chaleur du bitume presqu`intact laissant appréhender sa splendeur sur l’étendue de la ville bâtie elle-même dans une cuvette plane délimitée par des montagnes et des collines. Comme on le voit, à Abuja, tous les reliefs forment un ensemble. Plaine, plateaux, collines, montagnes, un tout exotique beau à voir. Contrairement à Lagos la cité économique, saturée avec presqu’une vingtaine de millions d’habitants (l’équivalent de la démographie de la Côte d’Ivoire), Abuja, c’est moins de 300.000 habitants. Les autorités l’auraient voulu ainsi pour y rendre la vie plus agréable et moins étouffante. L’architecture a suivi cette volonté de bâtir une ville coquette où il fait bon respirer, sans encombre. Aussi, dans l’actuelle capitale fédérale du Nigeria, nulle part, l’on ne rencontre d’immeuble au-delà de 4 étages. L’ensemble des constructions étant des maisons basses réflétant encore la nouveauté comme les ponts et chaussées toujours en construction. Abuja, en effet, c’est un vaste chantier. Sur notre passage, de grands travaux sont en cours partout dans la ville. Agrandissement de voiries, constructions de ponts, immeubles sortant de terre, le Nigeria semble encore loin d’avoir fini de donner forme à sa capitale telle qu’il le veut. Mais, ce beau paysage décrit plus haut contraste fort malheureusement avec le vécu des populations de ce pays. Le géant de l’Afrique de l’Ouest à tout l’air de ne tenir que des pieds d’argile. Il suffit de faire un tour à ‘’Usse Market’’, le grand marché de la capitale, pour se rendre compte de l’autre face d’Abuja et du tout Nigeria. S’il y a 2000 magasins dans ce marché, l’on compte un nombre équivalent de groupe électrogène sur les lieux. Faute d’électricité. Imaginez les bruits entremêlés à la fois de milliers de ces engins. Il devient presqu’impossible de se faire entendre par son voisin. Et c’est quasiment à la criée que commerçants et clients discutent des prix. En effet, plus que la Côte d’Ivoire, le délestage est une triste réalité au Nigéria. Premier pays producteur de pétrole en Afrique, 7ème au monde, le développement n’a suffisamment pas suivi dans le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest et le plus peuplé du continent. Si des individus sont riches, les Nigérians ne semblent pas profiter des richesses du pays. L’exemple d’Abuja que nous avons sillonné pour appréhender le quotidien des habitants permet de comprendre aisément le flux migratoire des populations de cette puissance économique d`Afrique occidentale vers la recherche d’un eldorado chez des voisins, notamment la Côte d’Ivoire. Il est vrai les Ivoiriens ont connu, cette année, des perturbations dans la distribution de l’énergie électrique. Mais, ce délestage temporel très vite corrigé n’a rien à voir avec ce que les Nigérians ont fini par intégrer à leur quotidien. Même les grands hôtels d’Abuja et les grands lieux de rencontre sont équipés en groupes électrogènes prévus déjà à la construction. Le mal de l’Etat nigérian ne s’arrête pas à ses délestages. A ce problème électrique s’ajoute, hélas, celui de la pénurie d’eau. Les Nigérians manquent d’eau. Là aussi, la richesse du pays n’a pas servi aux investissements susceptibles de pourvoir les populations en eau potable. Finalement, au milieu du beau, c’est dans la misère et les difficultés que vivent les habitants d’Abuja. Echantillon du tout Nigeria estimé officiellement à plus de 140 millions d’habitants aujourd’hui. Une démographie vraisemblablement mal gérée qui au lieu d`être une force est plutôt une faiblesse pour ce géant mal loti dans la sous-région ouest-africaine, avec ses populations se familiarisant avec des pratiques peu connues en Afrique comme les attentats, les poses de bombes, etc. Le dernier en date ayant fait 8 morts et plusieurs blessés le vendredi 1er octobre dernier, le jour même de la célébration du 50ème anniversaire de ce pays aux énormes potentialités.

F.D.BONY

Encadré : Abuja, comme Yamoussoukro

L’actuelle capitale fédérale du Nigeria, Abuja n’a qu’une trentaine d’années d’existence. Sous le gouvernement fédéral du général Murtala Ramat Muhammed, en 1976, la décision a été prise par les autorités militaires nigérianes de transférer la capitale de leur pays de Lagos, la vaste cité des affaires, dominée par l’ethnie des Yorubas, à une région censée n’être sous la domination d’aucun des trois principaux groupes ethniques rivaux qui caractérisent le pays. Le faisant, le régime militaire a opté pour l’égalité entre ces ethnies afin de ne favoriser aucune d’elles aussi bien sur le plan politique que dans le développement humain. En faisant des croisements, l’ancien chef de l’Etat dont l’aéroport international de Lagos porte le nom, est tombé sur une zone très peu peuplée du centre, mais aussi propice au développement. Murtala, décédé la même année de la prise de la décision, ce n’est qu’en 1981 que les travaux pour la construction de la nouvelle capitale vont commencer. Suivront 6 ans plus tard, le transfert du Parlement puis l’officialisation en 1991 de la capitale fédérale par le général Ibrahim Badamassi Babangida, arrivé au pouvoir en 1985 à la tête d’une autre junte. Depuis, le pouvoir exécutif a totalement délocalisé à Abuja, avant de contraindre toutes les représentations diplomatiques initialement basées à Lagos, à environ 2h de vol de la nouvelle capitale, à en faire autant. Aujourd’hui, à l’image de ce que devient Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, Abuja est devenue le cœur politique de toutes les décisions au Nigeria. Offrant un cadre plus paisible et agréable à vivre, c’est le lieu de toutes les grandes rencontres et de plus en plus le siège des institutions qu’abrite le Nigeria, ces derniers temps. Toujours, comme Yamoussoukro, il y a quelques années, un ministre est nommé pour s’occuper spécialement de cette ville bien tenue pour être une vitrine pour l’étranger qui passe au Nigeria. Politique bien réussie par les autorités de ce pays.

F.D.BONY
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