L’élection présidentielle du 31 octobre prochain est capitale à bien d’égards. Elle est la première après huit (8) ans de crise. Huit (8) ans pendant lesquelles l’actuel chef d’Etat, Laurent Gbagbo, a fait face à une féroce adversité. Le Temps se fixe pour objectif de faire revivre des faits marquants. Histoire de faire passer à la loupe ceux qui demandent les suffrages des Ivoiriens. En premier, le premier magistrat du pays : Laurent Gbagbo. Celui-là même qui a dû écourter sa visite au Vatican pour rentrer précipitamment en Côte d‘Ivoire à feu et à sang. Que s’est-il passé dans les couloirs de la résidence papale ? Les Ivoiriens n’en savent que ce que tel ou tel membre de la délégation a laissé fuir comme information. Par dose homéopathique. Mais le vendredi dernier, à l’occasion du lancement de la campagne de la Dnc de Treichville, le porte-parole de la présidence, Gervais Coulibaly, a fait fondre en larmes, les milliers de militants, par son témoignage poignant. Selon lui, lorsqu’il a été informé de l’attaque d’Abidjan par une horde de rebelles, Laurent Gbagbo a émis le vœu de rentrer au pays. Mais, des amis lui ont déconseillé cette option, jugeant la situation trop volatile, craignant de ce fait pour sa vie. Qu’à cela ne tienne ! Le numéro 1 ivoirien, lui, n’est pas de cet avis. Sa décision est prise, et elle est irréversible. «Je rentre au pays», lâche-t-il, au grand désarroi des membres de sa délégation. Pour Laurent Gbagbo, cette volonté de rentrer au pays n’est nullement un dangereux penchant à s’exposer au danger, mais un souci de respecter son mandant: le peuple. «Le peuple est en danger, fait-il savoir, ma place est aux côtés du peuple». Dans cette situation clair-obscur, le Président ivoirien reçoit un émissaire de Jacques René Chirac, ancien Président français. Le message du Gaulois est succinct : la France offre des lambris dorés à Laurent Gbagbo, le temps que la poussière soulevée par les nervis de ses pourfendeurs ne retombe à Abidjan. «Non, merci », a semblé dire Laurent Gbagbo, expliquant à son interlocuteur qu’il est le Président de la République de Côte d’Ivoire, élu par un peuple qui est en danger. Se refugier à Paris, serait assimilé à la haute trahison. «Je veux pleurer avec mon peuple», lui, a poliment répondu le chef de l’Etat. Qui joint Lida, à qui il demande de sécuriser l’aéroport afin qu’il quitte le sol européen pour la terre d’Eburnie. Lida demande de patienter quelques heures. La réponse de Laurent Gbagbo sonne comme un ordre : «je t’accorde 24 heures, pas plus». Il réunit dès lors sa délégation, pour l’informer de son intention de regagner les bords de Lagune Ebrié. Et, cela, seul. «Nous sommes venus ensemble, on rentre ensemble», lui rétorquent en chœur les membres de sa délégation. «Le poste présidentiel n’est pas un banc, c’est un fauteuil. C’est moi, et moi seul, que le peuple a élu. C’est à moi de courir le risque», réplique Laurent Gbagbo, closant ainsi le débat. Direction : aéroport pour l’embarquement. Là, la scène est émouvante. Avant que l’échelle de coupée ne se referme, Laurent Gbagbo se retourne et se confie à une proche dans un silence sépulcral : «je te confie mon père, ma mère et les enfants. Je pars en guerre». Quand le lourd engin s’élance, il n’y avait que trois personnes à bord : Laurent Gbagbo à l’arrière, le pilote, colonel major Ouégnin et son co-pilote aux manivelles. A ces derniers, Laurent Gbagbo a dit qu’ils sont soldats et que le devoir les appelle. Pas un mot de plus pour les convaincre. Six (6) heures de vol. Six (6) heures de solitude à méditer sur un choix, celui de devenir Président de la République. L’heure était venue d’assumer ce choix. En se lançant en zones minées par la haine, dans un avion à portée de tirs de snipers. Quel héroïsme ! N’en déplaise à Patrick Achi. A l’approche de l’aéroport de Port-Bouët, pour dérouter tous ceux qui étaient tentés par l’idée démoniaque d’abattre l’avion, le colonel Ouégnin avertit Laurent Gbagbo d’une manœuvre peu ordinaire. La réponse de ce dernier est sans ambages : «depuis six (6) heures, ma vie est entre tes mains, fais ce que tu as à faire pour qu’on atterrisse». Quelques minutes après, le lourd engin s’immobilise, à la surprise générale. Mais avec un brun de satisfaction. Laurent Gbagbo descend et questionne: «Où est Boga Doudou ? ». Le silence bavard de ceux qui l’attendaient sur la piste en disait long sur l’émoi qui les étreignait. A la vérité, et cela, selon d’autres sources, Laurent Gbagbo savait que Boga Doudou a été criblé de balles par des tueurs déchainés. On dit même qu’en apprenant cette nouvelle, il a pleuré à chaudes larmes, en sanglotant. En attendant que d’autres langues ne se délient, «l’histoire d’un retour au pays natal», à ne pas confondre au «cahier d’un retour au pays natal» d’Aimé Césaire, est soumise à votre sagacité pour faire le bon choix. Celui qu’il faut à la Côte d’Ivoire.
Par Tché Bi Tché
Coll. : Yacouba Gbané
Par Tché Bi Tché
Coll. : Yacouba Gbané