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Société Publié le samedi 20 novembre 2010 | Nord-Sud

Campagne de démoustication Les Abidjanais fuient le gaz

La guerre contre les Aedes, moustiques vecteurs de la fièvre jaune et de la dengue, bat son plein à Abidjan. Les agents de l’Institut national d’hygiène publique (Inhp) commis à la tâche ont déposé leurs valises à Koumassi. Nord-Sud Quotidien a passé un après-midi avec une équipe de démoustication.

La première escale avec l’une des trois équipes que nous suivons est la place Inch’Allah de Koumassi. Le véhicule qui transporte le thermonébulisateur, appareil qui projette le deltamost, insecticide très efficace contre les moustiques, marque un arrêt. L’équipe comprend des agents de l’Institut national d’hygiène publique (Inhp) et du service environnement du district d’Abidjan. Ils mettent en marche l’appareil pour pulvériser la zone en ciblant les flaques d’eau dans les rues. Ce brouillard fait fuir des commerçants et des magasiniers. Une dame d’une cinquantaine d’années, à la vue du produit chimique, s’enferme à clé dans son magasin. C’est une vendeuse de sacs de riz. Elle se nomme Oumou K. «C’est trop dangereux. Je suis asthmatique et le peu que j’ai inhalé commence à me créer des problèmes», se plaint-elle.

Entre félicitations, injures et menaces

A 20 mètres de là, une vendeuse de sandwich fait de grands gestes. Elle semble se plaindre aussi. Nadège I. est en colère. « Vous ne pouvez pas nous prévenir afin que nous couvrions nos étals ? D’ailleurs, quel est ce moustique qu’on tue à cette heure-ci ? Gare à vous si cette nuit un petit moustique me pique. Je vais débarquer à la mairie pour me faire entendre », peste-t-elle. Il est 15 heures. Au quartier ‘’Divo’’, même scénario. Fenêtres et portes de domiciles et de magasins sont closes. Seules quelques personnes ont ouvert leurs maisons pour voir passer le véhicule de pulvérisation. «Merci à vous. Nous allons bien dormir cette nuit », s’extasie une jeune fille. Elle ouvre grandement le portail pendant que ses frères se hâtent d’en faire de même entrouvrant portes et fenêtres afin de permettre au produit de pénétrer leur demeure. Après le passage du thermonébulisateur, leur voisin immédiat, un menuisier, insinue une inefficacité du produit : «venez voir dans le caniveau, les moustiques sont toujours en vie, ils dansent même». Tous accourent et constatent.

La psychose des déchets toxiques ?

Dès cet instant, injures et menaces pleuvent sur les travailleurs de l’Inhp: «voleurs, menteurs, assassins. Ne venez pas nous tuer avec vos déchets toxiques. C’est peut-être une nouvelle forme de déversement de déchets de la mort. Mais, nous vous avons à l’œil.» A Akromiabla, certaines populations sont aussi hostiles. D’autres sont plus compréhensives. Et, Koua Pierre en fait partie. Selon lui, c’est une bonne initiative du gouvernement. Par contre, il dénonce la mauvaise communication faite autour de cette campagne de démoustication par le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. «Personne ne nous a prévenus. Nous aurions pu tout ouvrir pour permettre à l’insecticide d’agir à l’intérieur de nos maisons. Ils sont très nombreux par ici », note-t-il.
Les agents pulvérisateurs disent être ‘’vaccinés’’ contre les injures et les menaces. Selon eux, leur expérience la plus amère a été la démoustication de la commune d’Anyama. Les habitants de cette banlieue abidjanaise n’ont pas été tendres avec eux. « Les populations nous ont lapidés durant les jours qu’a duré l’opération. Nous en avons encore des séquelles. Ils disent que nous venons verser des déchets toxiques pour les tuer. Pour eux, si c’était effectivement pour tuer des moustiques, ils auraient été prévenus par un communiqué à la télévision comme on le fait pour la campagne de poliomyélite », rapporte l’un d’eux. Ces désagréments ne les ont pas empêchés de poursuivre leur travail jusqu’à la démoustication totale de la Cité de la cola. L’opération se fait en deux temps : le matin et le soir. Dr Koné Blaise, médecin-entomologiste (spécialiste des maladies causées par les insectes), et chef de service de la lutte anti-vectorielle à l’Institut national de l’hygiène publique (Inhp) est l’un des coordonnateurs techniques des opérations de démoustication. Le matin, dit-il, les agents circulent dans la commune pour verser un produit granulé (westodac) qui tue les larves de moustiques. Le soir, c’est la pulvérisation. C’est en tenant compte du fait que l’Aedes agit du crépuscule jusqu’à l’aube.

Adélaïde Konin
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