Le candidat du Rdr, Alassane Ouattara, présenté à la télévision Première Chaîne ce samedi 20 novembre 2010, à un meeting au Parc des Sports à Treichville, est un homme aux abois. «On ment sur nous !...» Comme un gamin, le «brave-tchê» a manqué de sangloter. Prenant la mesure de la campagne, Laurent Gbagbo, candidat de La majorité présidentielle, a haussé le ton à Port-Bouët. L’enjeu de ce second tour de la présidentielle étant «bilan contre bilan, programme contre programme», Gbagbo a dit clairement, comme jamais auparavant, que c’est Alassane Ouattara qui a introduit la violence politique dans l’exercice démocratique en Côte d’Ivoire. Que c’est lui Alassane qui a fait le coup d’Etat du 24 décembre 1999, qui a évincé Henri Konan Bédié. C’est toujours lui, Alassane, qui a tenté un coup d’Etat le 19 septembre 2002, putsch manqué qui s’est mué en rébellion sanglante. Le rappel par Laurent Gbagbo, de ces faits que presque tout le monde sait, a mis hors de lui-même Alassane Ouattara. Sur le podium, face à une foule de militants Rhdp, il suffoquait presque, en disant en substance : «On ment sur nous !...» ; «Depuis le début de cette campagne, je me suis gardé d’attaquer quelqu’un ; j’ai prôné la paix…». Le visage furieux, sous un masque vultueux, bataillant au gré d’une larme et d’une colère contenues, Alassane Ouattara a donné de lui, la plus sombre image de sa carrière politique. Que croyait-il ? Qu’on va passer comme ça un blanco sur ce qu’il a servi à la Côte d’Ivoire comme tristesse, depuis dix ans ? Que fait-il de l’enjeu «bilan contre bilan, programme contre programme» ? La tonalité de la campagne est fonction des candidats en présence. Or, l’un de ces candidats, lui Alassane, a apporté la violence politique à la Côte d’Ivoire. Le dire n’est ni une attaque, ni une injure, c’est faire le bilan d’un homme politique qui prétend diriger ce pays et lui apporter la paix. Alassane s’énerve déjà. Il pleure même déjà : « On ment sur nous !... » Mais personne ne ment sur personne. Tout un pays ne peut calomnier un individu. On ne parlera donc pas que des programmes pour le futur, mais également et avant tout des bilans. Et le bilan d’Alassane Ouattara est un concentré de violence et de sang. Ça, c’est de l’histoire, parce que l’histoire repose sur la vérité. Pourquoi depuis son entrée dans la vie politique ivoirienne, la Côte d’Ivoire ne connaît plus la paix ? Pourquoi ? Alassane Ouattara joue les hommes de paix parce qu’il veut qu’on oublie de sitôt la guerre qu’il a faite aux Ivoiriens. Ce n’est pas dans son intérêt que ceux-ci s’en souviennent à la veille du scrutin de sa vie. Mais un bilan, ça s’assume. Si les actes qu’il a posés pendant ces dix dernières années sont si glorieux, s’il en est fier et veut que les Ivoiriens le votent en guise de récompense, pourquoi ne veut-il pas qu’on les rappelle ? Pourquoi tremble-t-il à l’évocation de ces faits, de cette tache indélébile ? Si la brutalité politique est une méthode démocratique salutaire, pourquoi a-t-il honte qu’on lui rappelle cette pratique, qui lui pend au nez à jamais ? Il a beau exhaler sa douleur fulgurante en sanglots médiatisés pour émouvoir, Alassane ne pourra pas attendrir la conscience ivoirienne qui a tant souffert de sa brutalité légendaire. Si l’évocation de sa propre histoire, son ombre, ne cesse de lacérer son âme et sa conscience, qu’Alassane jette l’éponge. Le 28 novembre 2010, les Ivoiriens vont choisir leur Président. Ils devront le faire en toute connaissance de cause. Car chaque peuple a le chef qu’il mérite. Si le peuple ivoirien est si masochiste pour choisir, en toute lucidité, un homme qui a introduit la violence politique et la guerre en Côte d’Ivoire, personne ne lui en voudra d’assumer son choix.
Germain Séhoué
Germain Séhoué