Ouattara n’est pas à son aise. Président élu, il n’a cependant qu’une parcelle du pouvoir. Laurent Gbagbo, son challenger au second tour du scrutin présidentiel, en détient aussi une parcelle. Du coup, le Président Ouattara bien que largement soutenu par la Communauté internationale peine à avoir l’effectivité de son pouvoir. Ses partisans, enthousiastes les premiers jours de sa victoire, sont de plus en plus gagnés par l’impatience. Alors qu’ils le pressent de récupérer par tous les moyens la réalité du pouvoir, Alassane Ouattara persiste à tendre la main à Laurent Gbagbo. « Il sait bien que Gbagbo n’écoutera ni lui ni la communauté internationale », s’impatiente un responsable des jeunes du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Sans doute. La marge de manœuvre de Alassane Ouattara est toutefois très mince. Certes la démarche de la Communauté internationale a des limites, mais la solution de la rue, face a un autocrate de la trempe de Gbagbo, est très risquée. En 2000 comme en 2004, Laurent Gbagbo a bien démontré qu’il était capable de faire autant de morts qu’il le faut pour demeurer au Palais présidentiel. C’est un secret de polichinelle que son régime a recruté de nombreux mercenaires et armé de nombreux civils ivoiriens. Les caches d’armes dans les quartiers et sous quartiers d’Abidjan et dans de nombreuses villes du pays sont connues. Déjà sous le couvre-feu, le retour des escadrons de la mort est visible. Depuis le 28 novembre, on décompte une bonne soixantaine de morts. C’est un chiffre à minima car les tueurs emportent dorénavant les corps comme cela a été le cas récemment à Yopougon Wassakara. Plusieurs villes du pays sont actuellement en proie à des violences entre partisans de Ouattara et de Gbagbo. Mais à la vérité, il s’agit de véritables affrontements intercommunautaires. Comme on le constate, c’est chaud, il ne manque qu’une étincelle pour que tout le pays s’enflamme. Laurent Gbagbo espère secrètement faire de Ouattara un pyromane. « Je veux lui laisser un pouvoir maudit », aurait-il soufflé à un diplomate. Face à un tel schéma, bien sûr, il est difficile à Ouattara de jeter ses partisans dans la rue. De les envoyer à l’abattoir. C’est sûr qu’un appel de Ouattara entrainera plusieurs millions d’ivoiriens dans la rue. Mais il est aussi certain que le régime Gbagbo en tuera plusieurs milliers. Ouattara pourrait donc s’installer au palais en enjambant les corps de ses compatriotes. Manifestement, cela ne l’enchante guère. Il a bien raison. Avec l’espoir que la voie qu’il a choisie aboutisse assez rapidement.
KIGBAFORY Inza
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