Les populations sont-elles restées terrées chez elles à la nuit de la Saint sylvestre ou se sont-elles éclatées, dans les lieux publics? Pour répondre à cette question, nous avons bravé les cris de la nuit.
A 21h30, nous nous lançons sur « terre rouge », la principale voie qui traverse Gonzagueville, un quartier de Port-Bouët. Nous entreprenons de recourir à la marche pour atteindre le bitume, à 2 kilomètres du lycée municipal de ladite commune où nous entamons notre randonée. Le constat est net : il y a du monde. Les taxis, habituellement rares, à pareille heure, sont en circulation. Les pas lents que nous posons, les uns après les autres, nous permettent d’appréhender tout ce qui se passe autour de nous. Dans des cours, des familles, restées à la maison, dansent au son de musiques traditionnelles. Devant nous, un solide gaillard est incapable de se tenir sur ses pieds. « Il ne va pas dire qu’il est déjà saoulé. La nuit ne fait que commencer », laisse entendre, entre deux toussotements, l’une des deux personnes visiblement affectées par l’effet de l’alcool. Nous les dépassons sans faire de commentaire. Aux abords de la voie, les maquis sont littéralement pris d’assaut avec en face, des vendeurs de viande grillée et des vendeuses de poisson à la braise. Les airs à la mode font vibrer les mélomanes. Au « goudron », trois véhicules de marque Peugeot 504 attendent les passagers, à destination de Treichville, de même que des taxis communaux. Nous nous engouffrons dans l’une des voitures qui avait à bord, une personne. Le chauffeur n’exige pas de nous d’avoir de la petite monnaie, comme aux heures de pointe. 5 minutes après notre arrivée, « la 504 » démarre non sans avoir fait son plein de huit places. Au marché d’Adjouffou, un arrêt est marqué. Un passager descend. En face d’un maquis, une demoiselle saisit un homme à la ceinture. Ce qui suscite des commentaires. Au grand carrefour de Koumassi, le chauffeur accède à notre demande de lui fausser compagnie. Nous faisons un tour au bureau, en zone 4. Pour nous donner les armes de ne pas
nous laisser perturber par le sommeil, nous nous endormons, pendant environ 30 minutes. A 22h30, nous sommes tiré subitement des bras de Morphée, après un songe qui a présenté un tableau d’accident avec des blessés.
Demande de bénédictions
Au terme d’une courte prière silencieuse, pour demander à Dieu d’épargner le pays et ses habitants de toute calamité, nous arrêtons un taxi. Destination, le Plateau (centre des affaires). Nous tombons d’accord avec le chauffeur sur la somme de mille cinq cent francs Cfa à débourser. A la cathédrale, Saint Paul, la messe qui a commencé à 18h, vient de prendre fin. Il y a assez de monde aux différentes sorties. Le chauffeur ne chôme pas. Il est immédiatement pris en course par des chrétiens qui souhaitent se rendre à Cocody. Nous nous frayons, difficilement, un chemin pour rencontrer le curé. En train de saluer des ouailles, il ne fait pas de difficultés pour répondre à notre attente, après avoir sacrifié aux civilités: « C’est vous (ndlr, Soir Info) qui écrivez de bonnes choses-là ». « Dans le psaume 85, du 1er au 14ème verset, on nous dit que l’amour et la vérité se rencontrent. Le Seigneur nous dit qu’il
est lui-même amour. Si nous sommes chrétiens, nous devons être également amour. Il faut aimer ses frères. Jésus a dit d’aimer son ennemi. Je dis que j’aime mon pays, je dois donner ma vie. Si j’aime, je dois rechercher la vérité. Je ne peux pas aimer ce qui est faux. Dans ce qui est vrai, il faut discerner la volonté de Dieu », relève le père Akouadan Jean Baptiste. Mais avant, il souligne que la vigile n’a pu se faire convenablement, en raison de la situation du pays. « On ne peut pas les (ndlr, chrétien) maintenir au-delà de minuit. Autrement, ils resteront jusqu’au matin. Et cela demande une certaine sécurisation des lieux », ajoute-il en présence de deux tourtereaux venus demander une bénédiction. « Nous sommes arrivés en retard. Bénissez nous, mon père», introduit l’homme avant que nous ne prenions congé du curé. De là, nous nous rendons à la Préfecture de Police où tout est mis en place pour
recevoir le ministre de l’Intérieur, Emile Guiriéoulou à minuit. A 00h10, il s’adresse aux policiers, à travers le Poste de commandement, pendant 10 minutes, avant de visiter les agents au travail, à Marcory, Adjamé et Yopougon. Après son intervention, des coups de feu se font entendre à Cocody, du côté de la Rti. « Il n’y a rien. Vous savez, chaque année, des agents tirent des coups de feu en l’air, pour manifester leur joie d’être en vie, à la nouvelle année. Il y aurait eu plus de coups de feux si nous n’étions pas en crise », nous confie un sergent chef.
Des coups de feu
A Yopougon, où nous sommes vers 2h, la voie du 16ème arrondissement est bondée de monde. Les véhicules de transport, communément appelés gbaka, circulent, de même que les taxis communaux. Au commissariat, un incendie en zone industrielle et un autre, dans la zone du 17ème arrondissement vite circonscrits, sont signalés. A l’église méthodiste unie, le culte vient de prendre fin. Le pasteur principal, Samuel Obonou , a fourni des armes aux fidèles, pour une bonne année. Au « monde arabe », vers la mairie, des jeunes, très nombreux, s’égayent, au son de la musique moderne. La rue princesse n’est pas en reste. Vers 3h, nous empruntons un taxi pour Port Bouët. Sur le pont Houphouët Boigny, le chauffeur allume l’ampoule avant d’atteindre un barrage des forces de l’ordre. Après un ralenti à ce niveau, il se remet en selle. Ce geste, il répètera, à chaque check point des agents de sécurité. Dans les communes,
Attécoubé, Plateau, Marcory, Treichville et Koumassi que nous traversons, les rues sont animées. Les taxi-maîtres ne sont pas au repos. A destination, nous demandons au chauffeur comment il trouve la fête. « C’est trop trop dur, mon frère. J’ai fait aussi Abobo mais rien ne marche », répond-il avant de nous laisser nous fondre dans la nature. Quelques minutes après, devant un maquis, les cris d’une jeune fille, non loin du corridor, nous laissent perplexe, dans ce froid sec (harmattan) : « On ne se connaît pas et il m’oblige à lui donner des bises. Pour qui se prend-il ». Pour nous, l’alcool est passé par là. En même temps, nous apercevons des feux d’artifice illuminer le ciel, après de fortes détonations. Vers 4h, quand nous rentrons chez nous, le coq chante. Un concert de crapauds se fait entendre, dans une maison inachevée. Signe que la nouvelle année est aussi bien accueillie chez les animaux.
Dominique FADEGNON
A 21h30, nous nous lançons sur « terre rouge », la principale voie qui traverse Gonzagueville, un quartier de Port-Bouët. Nous entreprenons de recourir à la marche pour atteindre le bitume, à 2 kilomètres du lycée municipal de ladite commune où nous entamons notre randonée. Le constat est net : il y a du monde. Les taxis, habituellement rares, à pareille heure, sont en circulation. Les pas lents que nous posons, les uns après les autres, nous permettent d’appréhender tout ce qui se passe autour de nous. Dans des cours, des familles, restées à la maison, dansent au son de musiques traditionnelles. Devant nous, un solide gaillard est incapable de se tenir sur ses pieds. « Il ne va pas dire qu’il est déjà saoulé. La nuit ne fait que commencer », laisse entendre, entre deux toussotements, l’une des deux personnes visiblement affectées par l’effet de l’alcool. Nous les dépassons sans faire de commentaire. Aux abords de la voie, les maquis sont littéralement pris d’assaut avec en face, des vendeurs de viande grillée et des vendeuses de poisson à la braise. Les airs à la mode font vibrer les mélomanes. Au « goudron », trois véhicules de marque Peugeot 504 attendent les passagers, à destination de Treichville, de même que des taxis communaux. Nous nous engouffrons dans l’une des voitures qui avait à bord, une personne. Le chauffeur n’exige pas de nous d’avoir de la petite monnaie, comme aux heures de pointe. 5 minutes après notre arrivée, « la 504 » démarre non sans avoir fait son plein de huit places. Au marché d’Adjouffou, un arrêt est marqué. Un passager descend. En face d’un maquis, une demoiselle saisit un homme à la ceinture. Ce qui suscite des commentaires. Au grand carrefour de Koumassi, le chauffeur accède à notre demande de lui fausser compagnie. Nous faisons un tour au bureau, en zone 4. Pour nous donner les armes de ne pas
nous laisser perturber par le sommeil, nous nous endormons, pendant environ 30 minutes. A 22h30, nous sommes tiré subitement des bras de Morphée, après un songe qui a présenté un tableau d’accident avec des blessés.
Demande de bénédictions
Au terme d’une courte prière silencieuse, pour demander à Dieu d’épargner le pays et ses habitants de toute calamité, nous arrêtons un taxi. Destination, le Plateau (centre des affaires). Nous tombons d’accord avec le chauffeur sur la somme de mille cinq cent francs Cfa à débourser. A la cathédrale, Saint Paul, la messe qui a commencé à 18h, vient de prendre fin. Il y a assez de monde aux différentes sorties. Le chauffeur ne chôme pas. Il est immédiatement pris en course par des chrétiens qui souhaitent se rendre à Cocody. Nous nous frayons, difficilement, un chemin pour rencontrer le curé. En train de saluer des ouailles, il ne fait pas de difficultés pour répondre à notre attente, après avoir sacrifié aux civilités: « C’est vous (ndlr, Soir Info) qui écrivez de bonnes choses-là ». « Dans le psaume 85, du 1er au 14ème verset, on nous dit que l’amour et la vérité se rencontrent. Le Seigneur nous dit qu’il
est lui-même amour. Si nous sommes chrétiens, nous devons être également amour. Il faut aimer ses frères. Jésus a dit d’aimer son ennemi. Je dis que j’aime mon pays, je dois donner ma vie. Si j’aime, je dois rechercher la vérité. Je ne peux pas aimer ce qui est faux. Dans ce qui est vrai, il faut discerner la volonté de Dieu », relève le père Akouadan Jean Baptiste. Mais avant, il souligne que la vigile n’a pu se faire convenablement, en raison de la situation du pays. « On ne peut pas les (ndlr, chrétien) maintenir au-delà de minuit. Autrement, ils resteront jusqu’au matin. Et cela demande une certaine sécurisation des lieux », ajoute-il en présence de deux tourtereaux venus demander une bénédiction. « Nous sommes arrivés en retard. Bénissez nous, mon père», introduit l’homme avant que nous ne prenions congé du curé. De là, nous nous rendons à la Préfecture de Police où tout est mis en place pour
recevoir le ministre de l’Intérieur, Emile Guiriéoulou à minuit. A 00h10, il s’adresse aux policiers, à travers le Poste de commandement, pendant 10 minutes, avant de visiter les agents au travail, à Marcory, Adjamé et Yopougon. Après son intervention, des coups de feu se font entendre à Cocody, du côté de la Rti. « Il n’y a rien. Vous savez, chaque année, des agents tirent des coups de feu en l’air, pour manifester leur joie d’être en vie, à la nouvelle année. Il y aurait eu plus de coups de feux si nous n’étions pas en crise », nous confie un sergent chef.
Des coups de feu
A Yopougon, où nous sommes vers 2h, la voie du 16ème arrondissement est bondée de monde. Les véhicules de transport, communément appelés gbaka, circulent, de même que les taxis communaux. Au commissariat, un incendie en zone industrielle et un autre, dans la zone du 17ème arrondissement vite circonscrits, sont signalés. A l’église méthodiste unie, le culte vient de prendre fin. Le pasteur principal, Samuel Obonou , a fourni des armes aux fidèles, pour une bonne année. Au « monde arabe », vers la mairie, des jeunes, très nombreux, s’égayent, au son de la musique moderne. La rue princesse n’est pas en reste. Vers 3h, nous empruntons un taxi pour Port Bouët. Sur le pont Houphouët Boigny, le chauffeur allume l’ampoule avant d’atteindre un barrage des forces de l’ordre. Après un ralenti à ce niveau, il se remet en selle. Ce geste, il répètera, à chaque check point des agents de sécurité. Dans les communes,
Attécoubé, Plateau, Marcory, Treichville et Koumassi que nous traversons, les rues sont animées. Les taxi-maîtres ne sont pas au repos. A destination, nous demandons au chauffeur comment il trouve la fête. « C’est trop trop dur, mon frère. J’ai fait aussi Abobo mais rien ne marche », répond-il avant de nous laisser nous fondre dans la nature. Quelques minutes après, devant un maquis, les cris d’une jeune fille, non loin du corridor, nous laissent perplexe, dans ce froid sec (harmattan) : « On ne se connaît pas et il m’oblige à lui donner des bises. Pour qui se prend-il ». Pour nous, l’alcool est passé par là. En même temps, nous apercevons des feux d’artifice illuminer le ciel, après de fortes détonations. Vers 4h, quand nous rentrons chez nous, le coq chante. Un concert de crapauds se fait entendre, dans une maison inachevée. Signe que la nouvelle année est aussi bien accueillie chez les animaux.
Dominique FADEGNON