Quelle mouche a bien pu piquer les refondateurs. En effet, de source bien introduite, le président sortant de la Côte d’Ivoire, en plus de se liguer contre la communauté internationale, réfléchit sérieusement à la création d’une monnaie. Un de ses émissaires, en l’occurrence son chargé des affaires économiques, a même rencontré des autorités vénézuéliennes pour débattre de ce sujet. Il pourrait s’agir d’une monnaie commune avec le Venezuela qui a créé depuis le 1er janvier 2008, sa propre monnaie dénommée ‘‘Bolivar fuerte’’. Ou encore, l’occasion serait donnée à la Côte d’Ivoire de s’inspirer du modèle vénézuélien pour créer sa propre monnaie. A ce sujet, des informations vont bon train quant à la dénomination de cette monnaie ivoirienne. L’on évoque la Mir (Monnaie ivoirienne de résistance), le Sika ivoirien, le cauris ivoirien, le franc éburnéen, Eburnie, etc. Nous avons joint un expert de la finance pour statuer sur la faisabilité d’un tel projet. Notre expert qui a souhaité gardé l’anonymat en cette période d’incertitude a coupé net à ce projet. « Si on se met seul, on s’expose à certains risques de fragilité», a-t-il indiqué. Selon lui, pour créer une monnaie, il suffit d’un décret. Mais ce n’est pas chose aisée en cette période. Car ‘‘ il faudrait que la Côte d’Ivoire ait un véritable poids économique derrière cette monnaie’’. C’est-à-dire, un très bon Produit intérieur brut, une agriculture très performante, une industrie irréprochable. « Il faut à la Côte d’Ivoire des réserves de changes. Ensuite on a un endettement très élevé estimé à 6500 milliards de FCFA alors qu’on a un produit intérieur brut de 2000 milliards de FCFA. L’écart est trop élevé », relève notre interlocuteur. Un aspect qu’il faudrait aussi prendre en compte, selon l’expert, c’est la reconnaissance de cette monnaie par les autorités internationales monétaires. Alors que la Côte d’Ivoire est en froid avec le Fmi (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale. Pour lui, la création d’une monnaie doit avoir l’aval du Fmi pour être très forte et se faire respecter à l’extérieur du pays. Sinon, cette monnaie ne servira qu’en Côte d’Ivoire. A cette allure, il sera difficile à la Côte d’Ivoire de faire des transactions internationales à moins de vendre cette monnaie pour obtenir les autres devises comme le Dollar, l’Euro, etc. A ceux qui se réfèrent au Ghana et au Nigeria, notre expert révèle que ces pays, en leur temps, avaient de grosses réserves de changes et possédaient un interlocuteur de poids. A savoir la Banque centrale d’Angleterre. « Rien ne se fait au hasard quand on veut créer une monnaie. La création d’une monnaie ne se fait pas sur un coup de tête. La Côte d’Ivoire risque d’être un pays infréquentable avec moins d’investisseurs. L’on ne peut pas vivre en autarcie. Même la Chine avec son Yuan a ses avoirs en dollars placés aux Etats Unis », explique notre source. En plus pour lui, le seul gouvernement reconnu par la France est celui de Guillaume Soro. « La Côte d’Ivoire, en créant sa propre monnaie se retire automatiquement de la Bceao. Elle perdra ses avoirs dans cette institution et ceux logés au Trésor français. Quand on sait que sur 5000 milliards de FCFA des Etats de l’Uemoa qui se trouvent au Trésor français, 2000 milliards de FCFA appartiennent à la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire ne va quand même pas sacrifier toute cette somme ! Surtout que l’interlocuteur du Trésor français, c’est Alassane Ouattara qui est le président de la République», souligne notre expert. Qui estime qu’il ne faille pas sacrifier l’économie d’un pays pour des intérêts personnels. Une aventure suicidaire dans laquelle veut donc se lancer Gbagbo. La création d’une monnaie se murit et n’intervient pas dans un tel contexte. Créer une monnaie serait une véritable catastrophe surtout que la Côte d’Ivoire est de plus en plus isolée. Il importe donc de ne pas tenter cette aventure car des pays l’ont fait malgré leurs ressources naturelles et cela a été un fiasco. Quitter le Franc CFA serait périlleux pour la Côte d’Ivoire. Et le rêve des refondateurs de se lancer dans cette aventure va à coup sûr tourner au cauchemar, voire au drame. La Cedeao qui depuis belle lurette envisage la création d’une monnaie pour la sous-région n’a pas encore fini d’épiloguer sur cet épineux projet. Il est donc temps que Laurent Gbagbo soit contraint au départ avant qu’il ne commette l’irréparable. D’ailleurs, à en croire les grands monétaristes du Fpi, ce projet de création de monnaie ne serait que du bluff. Car la Côte d’Ivoire n’a pas encore les leviers nécessaires pour se lancer dans une telle aventure. A moins que ces refondateurs ne changent de fusil d’épaule au dernier moment pour mettre à exécution cette folie.
Jean Eric ADINGRA
Jean Eric ADINGRA