Reclus à l’hôtel du Golf, depuis un mois, tout comme le gouvernement légitime de Soro Guillaume, Soumahoro Farikou, président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire (Fenacci) fait le bilan 2010 des activités commerciales. Selon lui, la situation est catastrophique en raison des effets néfastes de la crise post-électorale.
L’année 2010 vient de s’achever dans une atmosphère délétère liée à l’impasse politique qui affecte, malheureusement, les activités économiques. Quel bilan en faites-vous?
L’année 2010 aura été tumultueuse pour les activités commerciales à cause de la situation sociopolitique qui s’est dégradée au fur et à mesure. Depuis l’entame du dernier trimestre de l’année, les activités économiques ont connu un ralentissement général. Nous n’avons pas pu travailler à plein régime. Or, le mois de décembre est toujours considéré comme une période dense avec à la clef, d’importants chiffres d’affaires. Cela n’a pas été le cas. On a eu pratiquement un mois sans activité véritable avec le couvre-feu. Le commerce a été exercé sur l’ensemble du territoire national qu’à hauteur de 40% seulement. Cela a engendré des pertes importantes chez les opérateurs économiques. Donc, le bilan a été catastrophique.
l Un mois d’inactivité dans le commerce correspond à quoi exactement en termes de pertes chiffrées?
L’apport du commerce dans le budget de l’Etat se chiffre annuellement à près de 1650 milliards de Fcfa. Si on ramène cela au mois, cela fait 137 milliards de Fcfa. C’est extrêmement important.
l Au début du mois de décembre, compte tenu de la tension politique, vous avez lancé un mot d’ordre de suspension de paiement des impôts en attendant la normalisation du pays. Est-ce que cet appel a-t-il été entendu?
En ce qui nous concerne, notre mot d’ordre demeure. Parce que nous avons constaté comme tous les Ivoiriens, un bicéphalisme au sommet de l’Etat. Alors, à partir de cet instant, nous ne savions plus à qui il faut payer les impôts. C’est pour cette raison que nous avons appelé les commerçants à la prudence. Il ne faudrait pas que dans cette situation ambiguë, on paie n’importe comment nos impôts. Même si les opérateurs économiques doivent payer sous pression, la Fédération nationale leur a demandé d’émettre des chèques barrés pour sécuriser leur argent. Nous avons formellement déconseillé le paiement en espèce. Le gouvernement Soro Guillaume qui, pour nous, est le seul gouvernement légal et légitime reconnu par la communauté nationale et internationale, a lancé un mot d’ordre de désobéissance civile. En tant que républicains, nous n’avions pas d’autre choix qu’à nous plier devant cette décision en rompant toute activité avec le régime sortant de Laurent Gbagbo. Donc, cette décision de l’équipe Soro vient nous conforter dans notre position. C’est-à-dire éviter de payer deux fois le même impôt. Vous savez que de nombreux commerçants sont assujettis à l’impôt synthétique payé tous les mois. D’autres sont soumis à des impôts trimestriels. Nous ne refusons pas de payer nos impôts, ce serait mettre en péril le développement de notre pays. Mais, nous avons tout simplement demandé à nos camarades d’être vigilants surtout au niveau de certaines impositions qui doivent être réglées avant le 31 mars 2011.
l Est-ce que vous avez constaté des cas de pression ou de harcèlement sur les opérateurs économiques depuis le début de la crise?
Nous avons certaines informations qui nous parviennent de façon récurrentes et faisant état de ce que de nombreux commerçants sont terriblement pressurés par l’équipe du président sortant. Comme vous savez, la plupart de ces opérateurs économiques sont nos frères de la sous-région et d’ailleurs. Ils sont pris dans un étau. Lorsqu’ils appliquent le mot d’ordre de fermeture, ils sont menacés. C’est inacceptable.
l La crise politique étant prise pour alibi, les prix des denrées alimentaires et autres marchandises ne cessent de flamber. L’on accuse les commerçants de pratiquer une «spéculation sauvage» sur le marché…
Vous savez que, depuis mi-septembre, les importations de marchandises en direction de notre pays ont chuté. Les usines qui fabriquent sur place certains produits, ont ralenti leur production à cause de la tension politique. Cette situation a créé une certaine pénurie. Au niveau du vivrier, la situation s’est compliquée du fait de la paralysie quasi-récurrente des transports. Même avec le bétail, l’on constate une raréfaction eu égard aux difficultés d’approvisionnement du marché. Ce sont ces facteurs qui sont à la base de la hausse incontrôlée des prix. `
l Finalement, peut-on dire que vos griefs formulés depuis belle lurette à l’endroit de l’Etat, n’ont pas trouvé de réponse adéquate?
C’est exact. Nos griefs demeurent parce que la situation n’a pas du tout évolué. Bien au contraire, nos difficultés se sont aggravées. Dans cette crise post-électorale, les commerçants sont plus rackettés qu’hier. Tout le monde travaille désormais, avec la peur au ventre en évitant les ennuis de quelque nature que ce soit. L’on assiste impuissant, à des dénonciations calomnieuses. Les opérateurs économiques sont taxés de collaborer avec tel ou un tel et font l’objet de chantage. C’est une pression permanente qu’on subit.
l Au-delà des dénonciations calomnieuses que vous évoquez, il y a aussi que souvent, dans ce contexte politique difficile, les installations de commerçants sont prises pour cible…
Justement, nous avons déploré, hier (ndlr : lundi), des dizaines de magasins qui ont été incendiés à Duékoué lors de violents affrontements entre les populations. On ne sait pas à quoi répond de tels agissements. C’est intolérable parce que le commerçant n’a rien à voir avec de tels dérapages politiques. Son activité est vitale dans la mesure où il rapproche les marchandises et surtout les produits de première nécessité des populations. C’est donc inadmissible de s’attaquer aux biens des opérateurs économiques. Les commerçants ont payé un lourd tribut de toutes les crises que le pays a connues ces 10 dernières années. Il y a eu des casses et des pillages. Les commerçants ont perdu 9 à 10 milliards de Fcfa depuis 2000 jusqu’à ce jour. Nous n’avons jamais été dédommagés.
l Dans ces conditions, est-ce qu’il ne faudrait pas envisager la mise en place d’une assurance qui couvre les activités commerciales?
Cela a effectivement été notre combat depuis que nous sommes arrivés à la tête de la Fédération. Ce n’est pas la faute aux opérateurs économiques. C’est une décision politique. Nous avons interpellé maintes fois les pouvoirs publics afin qu’une assurance soit obligatoire pour les commerçants. Nous allons continuer de nous battre afin que cela soit une réalité.
l Quelles sont vos attentes pour 2011?
Elles sont nombreuses et diverses. Il faut qu’on ait préalablement plus de sécurité, plus de visibilité et plus de stabilité au plan politique. Si de telles conditions sont réunies, nous allons, une fois encore, remettre un mémorandum au nouveau gouvernement légal et légitime de Soro Guillaume. Nous avions, dans le temps, déposé un mémorandum sur la table de l’ex-chef d’Etat, Laurent Gbagbo, sans avoir d’effet escompté. Ce mémorandum qui sera actualisé, prévoit les états généraux du commerce en Côte d’Ivoire. Il s’agit également de redéfinir l’environnement commercial pour le rendre plus propice aux affaires. On entend proposer une solution aux nombreuses tracasseries routières et au problème du racket qui, malheureusement, fait perdre près de 130 milliards de Fcfa, chaque année, à l’Etat. Ce sont ces deux facteurs qui freinent considérablement nos activités. Il faudrait que les nouvelles autorités mettent en place un fonds de garantie pour relancer l’ensemble des activités commerciales. Au besoin, il faudra que l’Etat crée une assurance qui va répondre aux incendies des marchés que nous avons connus ces dernières années.
Interview réalisée par Cissé Cheick Ely
L’année 2010 vient de s’achever dans une atmosphère délétère liée à l’impasse politique qui affecte, malheureusement, les activités économiques. Quel bilan en faites-vous?
L’année 2010 aura été tumultueuse pour les activités commerciales à cause de la situation sociopolitique qui s’est dégradée au fur et à mesure. Depuis l’entame du dernier trimestre de l’année, les activités économiques ont connu un ralentissement général. Nous n’avons pas pu travailler à plein régime. Or, le mois de décembre est toujours considéré comme une période dense avec à la clef, d’importants chiffres d’affaires. Cela n’a pas été le cas. On a eu pratiquement un mois sans activité véritable avec le couvre-feu. Le commerce a été exercé sur l’ensemble du territoire national qu’à hauteur de 40% seulement. Cela a engendré des pertes importantes chez les opérateurs économiques. Donc, le bilan a été catastrophique.
l Un mois d’inactivité dans le commerce correspond à quoi exactement en termes de pertes chiffrées?
L’apport du commerce dans le budget de l’Etat se chiffre annuellement à près de 1650 milliards de Fcfa. Si on ramène cela au mois, cela fait 137 milliards de Fcfa. C’est extrêmement important.
l Au début du mois de décembre, compte tenu de la tension politique, vous avez lancé un mot d’ordre de suspension de paiement des impôts en attendant la normalisation du pays. Est-ce que cet appel a-t-il été entendu?
En ce qui nous concerne, notre mot d’ordre demeure. Parce que nous avons constaté comme tous les Ivoiriens, un bicéphalisme au sommet de l’Etat. Alors, à partir de cet instant, nous ne savions plus à qui il faut payer les impôts. C’est pour cette raison que nous avons appelé les commerçants à la prudence. Il ne faudrait pas que dans cette situation ambiguë, on paie n’importe comment nos impôts. Même si les opérateurs économiques doivent payer sous pression, la Fédération nationale leur a demandé d’émettre des chèques barrés pour sécuriser leur argent. Nous avons formellement déconseillé le paiement en espèce. Le gouvernement Soro Guillaume qui, pour nous, est le seul gouvernement légal et légitime reconnu par la communauté nationale et internationale, a lancé un mot d’ordre de désobéissance civile. En tant que républicains, nous n’avions pas d’autre choix qu’à nous plier devant cette décision en rompant toute activité avec le régime sortant de Laurent Gbagbo. Donc, cette décision de l’équipe Soro vient nous conforter dans notre position. C’est-à-dire éviter de payer deux fois le même impôt. Vous savez que de nombreux commerçants sont assujettis à l’impôt synthétique payé tous les mois. D’autres sont soumis à des impôts trimestriels. Nous ne refusons pas de payer nos impôts, ce serait mettre en péril le développement de notre pays. Mais, nous avons tout simplement demandé à nos camarades d’être vigilants surtout au niveau de certaines impositions qui doivent être réglées avant le 31 mars 2011.
l Est-ce que vous avez constaté des cas de pression ou de harcèlement sur les opérateurs économiques depuis le début de la crise?
Nous avons certaines informations qui nous parviennent de façon récurrentes et faisant état de ce que de nombreux commerçants sont terriblement pressurés par l’équipe du président sortant. Comme vous savez, la plupart de ces opérateurs économiques sont nos frères de la sous-région et d’ailleurs. Ils sont pris dans un étau. Lorsqu’ils appliquent le mot d’ordre de fermeture, ils sont menacés. C’est inacceptable.
l La crise politique étant prise pour alibi, les prix des denrées alimentaires et autres marchandises ne cessent de flamber. L’on accuse les commerçants de pratiquer une «spéculation sauvage» sur le marché…
Vous savez que, depuis mi-septembre, les importations de marchandises en direction de notre pays ont chuté. Les usines qui fabriquent sur place certains produits, ont ralenti leur production à cause de la tension politique. Cette situation a créé une certaine pénurie. Au niveau du vivrier, la situation s’est compliquée du fait de la paralysie quasi-récurrente des transports. Même avec le bétail, l’on constate une raréfaction eu égard aux difficultés d’approvisionnement du marché. Ce sont ces facteurs qui sont à la base de la hausse incontrôlée des prix. `
l Finalement, peut-on dire que vos griefs formulés depuis belle lurette à l’endroit de l’Etat, n’ont pas trouvé de réponse adéquate?
C’est exact. Nos griefs demeurent parce que la situation n’a pas du tout évolué. Bien au contraire, nos difficultés se sont aggravées. Dans cette crise post-électorale, les commerçants sont plus rackettés qu’hier. Tout le monde travaille désormais, avec la peur au ventre en évitant les ennuis de quelque nature que ce soit. L’on assiste impuissant, à des dénonciations calomnieuses. Les opérateurs économiques sont taxés de collaborer avec tel ou un tel et font l’objet de chantage. C’est une pression permanente qu’on subit.
l Au-delà des dénonciations calomnieuses que vous évoquez, il y a aussi que souvent, dans ce contexte politique difficile, les installations de commerçants sont prises pour cible…
Justement, nous avons déploré, hier (ndlr : lundi), des dizaines de magasins qui ont été incendiés à Duékoué lors de violents affrontements entre les populations. On ne sait pas à quoi répond de tels agissements. C’est intolérable parce que le commerçant n’a rien à voir avec de tels dérapages politiques. Son activité est vitale dans la mesure où il rapproche les marchandises et surtout les produits de première nécessité des populations. C’est donc inadmissible de s’attaquer aux biens des opérateurs économiques. Les commerçants ont payé un lourd tribut de toutes les crises que le pays a connues ces 10 dernières années. Il y a eu des casses et des pillages. Les commerçants ont perdu 9 à 10 milliards de Fcfa depuis 2000 jusqu’à ce jour. Nous n’avons jamais été dédommagés.
l Dans ces conditions, est-ce qu’il ne faudrait pas envisager la mise en place d’une assurance qui couvre les activités commerciales?
Cela a effectivement été notre combat depuis que nous sommes arrivés à la tête de la Fédération. Ce n’est pas la faute aux opérateurs économiques. C’est une décision politique. Nous avons interpellé maintes fois les pouvoirs publics afin qu’une assurance soit obligatoire pour les commerçants. Nous allons continuer de nous battre afin que cela soit une réalité.
l Quelles sont vos attentes pour 2011?
Elles sont nombreuses et diverses. Il faut qu’on ait préalablement plus de sécurité, plus de visibilité et plus de stabilité au plan politique. Si de telles conditions sont réunies, nous allons, une fois encore, remettre un mémorandum au nouveau gouvernement légal et légitime de Soro Guillaume. Nous avions, dans le temps, déposé un mémorandum sur la table de l’ex-chef d’Etat, Laurent Gbagbo, sans avoir d’effet escompté. Ce mémorandum qui sera actualisé, prévoit les états généraux du commerce en Côte d’Ivoire. Il s’agit également de redéfinir l’environnement commercial pour le rendre plus propice aux affaires. On entend proposer une solution aux nombreuses tracasseries routières et au problème du racket qui, malheureusement, fait perdre près de 130 milliards de Fcfa, chaque année, à l’Etat. Ce sont ces deux facteurs qui freinent considérablement nos activités. Il faudrait que les nouvelles autorités mettent en place un fonds de garantie pour relancer l’ensemble des activités commerciales. Au besoin, il faudra que l’Etat crée une assurance qui va répondre aux incendies des marchés que nous avons connus ces dernières années.
Interview réalisée par Cissé Cheick Ely